Louise Fournier
"J'écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu'aux plus profondes obscurités." (Kafka).
C'est sans doute pour cela qu'a été créée Louise Fournier. Pour ne pas la confondre, pour garder conscience que si ces textes et ces poèmes ont toujours une part de moi, une part de vrai, ils ont aussi toujours une part d'elle, une part de rêve.
Comment naissent les poèmes ? C'est une question qui me taraude et que je ne résous pas puisque je traverse toujours des périodes d'inspiration arides et sèches. En général, c'est un rythme, une musique, un vers que j'entends, que je reties, qui vient de quelqu'un d'autres ou de mes rêves les plus profonds, qui fait son chemin... Un jour, deux mois, plusieurs années, et un jour, le reste éclos. Que dit-il ? Je n'en sais rien encore en écrivant. Ce n'est qu'après, en le lisant et relisant, que je comprends ce qui est écrit. Jamais je n'arrive à dire ce que je veux, le stylo seul décide.
Œuvres
C’est après bien des tourments, qu’enfin, je t’écris.
Pas pour m’excuser, te plaindre ou te respecter,
Pas pour rêver le futur ou pleurer le passé,
Juste pour t’expliquer mes larmes et mes cris.
Dès quinze ans j’avais peint l’image de ma vie
A la croisée des rêves et des regrets des grands.
Ils ont, pour la plupart, eu les mêmes envies,
Se sont brisés les ailes et poursuivent en pleurant.
Ils regardent à regret tous leurs rêves oubliés,
Et te prédisent l’échec quand ils ont échoué.
J’ai voulu les venger et leur prouver leurs torts.
J’ai couru sans répit, j’ai couru à la mort.
J’ai fait de grands serments, j’ai suivi mes penchants
Vers la gloire, ceux dont tu souriais quelquefois,
Toi, ne voulant qu’une aide pour suivre ta loi
Et faisant vite fi de mes rêves d’enfant.
J’ai cru à ton contact briser les liens, les chaînes,
J’ai lu dans la passion la clé vers le plus haut.
J’ai vu dans notre union la réponse à mes maux,
Mais il ne m’est resté que le goût de la haine.
En deux années, au plus, la passion s’est éteinte.
La routine a saisi nos deux vies mal jointes.
J’ai vu mourir mon âme dans tes bras enserrés,
J’ai vu pourrir mon cœur dans ta vie bien rangée.
Tu m’avais fait jurer fidélité, amour,
A moi qui ne rêvais que gloire et beaux atours ;
Tu voyais chaque jour comme un don qu’on savoure,
Moi j’enfermais en vain mes projets bien trop lourds.
Et je suis devenu celui que l’on méprise,
Qu’on regarde de haut, qu’on juge moins bien que soi ;
Celui qui vous élève, qui rassure les bourgeois,
Moi, qui aurais dû gagner les plus belles prises.
Je voulais arrêter de respecter mes pactes ;
J’ai accusé le monde de m’avoir brimé,
J’ai accusé tes bras de m’avoir enchaîné;
Je voulais m’empêcher de penser à mes actes.
J’ai fui de ta maison pour parcourir le monde.
Je croyais parvenir à reprendre le cours
De mes rêves avortés, éteindre ce cri sourd,
Ce torrent, qui au-dedans de ma tête gronde.
Mais là encore, perdu, je ne trouve le repos.
Le réel est trop dur, le rêve trop fuyant,
Ma force s’est brisée, je repars en rampant,
Je ne veux plus de gloire, simplement du repos.
Loin de toi, loin des tiens, loin de leur monde immonde,
Je retourne en pleurant dans l’infernale ronde.
Je ne reviendrai pas pour faire ma pénitence,
Le goût qui resterait me serait bien trop rance.
Fixe loin tes pensées, pardonne à ma lâcheté
Et pour simple vengeance, pense donc à la paix
Qui malgré mes efforts m’est pour toujours ôtée.
Je n’ai droit qu’aux remords et à la pauvreté.
Et je pleure maintenant, comme un gosse mal aimé,
Je pleure sur ma vie, cette énorme ratée
Qui a fui de mes doigts comme une coulée de sable,
Malgré amour, mariage, et rêves admirables.
Mon Château d'enfance
Ce monde m'est trop grand,
Il m'effraie et me perd.
Lorsque j'étais enfant
Je partais dans les airs...
Et j'y avais créé
Un immense palais
Où dansaient mille ballets
Loin de tout objet laid.
***
Ah! Mon château d'enfance, je m'en souviens encore.
J'avais pris, pour le faire, les images les plus belles;
J'y avais ajouté de merveilleux accords
Lancés par des violons parlant aux hirondelles.
Les peintres les plus grands admiraient ses parois
Décorées de couleurs, jusqu'au tours qui s'élèvent
Plus hautes que les arbres, plus haut(e)s que cell(e)s des rois.
Là-bas on y implante tous les plus doux des rêves.
Là-bas, tout près du ciel, il se trouve une pièce,
Dans le plus haut sommet. Et lorsqu'on s'y avance
On peut voir d'un seul coup tous les jardins de France
Et du monde entier les plus beaux traits d'hardiesse.
C'est un coin étroit et il fait bon séjourner
Dans ce lieu peu commun où nul ne peut vous voir...
Et la nuit j'y allais pour chasser mes déboires
Et mes premiers poèmes c'est là-haut qu'ils sont nés.
Si le silence règne au plus près des nuages,
Le reste du palais raisonne de toute gaîté.
A l'entrée, comme garde se trouvaient deux rosiers
Aux fleurs aussi rouges que les joues des mille pages.
Pleine de beaux enfants et de dames élégantes,
La grande salle accueille tout homme tant qu'il chante.
Pleins de plats merveilleux on voyait cavaler
Des petits marmitons qui toujours souriaient.
Les couloirs, les salons, les animaux magiques...
Vraiment rien ne manquait à ce lieu féerique.
Tantôt rempli ou vide, tantôt blanc ou violet,
Chaque fois il était comme le cœur le souhaitait.
***
Mais un matin pourtant, la grande tour tomba.
Les rosiers se fanèrent ; et les murs s'éboulèrent.
Ce monde disparut. Le château s'écroula.
Et je vis mon enfance, en regardant derrière.
Mardi 11 Décembre 2012