Les excuses du Faux-Fuyant
de Louise Fournier
C’est après bien des tourments, qu’enfin, je t’écris.
Pas pour m’excuser, te plaindre ou te respecter,
Pas pour rêver le futur ou pleurer le passé,
Juste pour t’expliquer mes larmes et mes cris.
Dès quinze ans j’avais peint l’image de ma vie
A la croisée des rêves et des regrets des grands.
Ils ont, pour la plupart, eu les mêmes envies,
Se sont brisés les ailes et poursuivent en pleurant.
Ils regardent à regret tous leurs rêves oubliés,
Et te prédisent l’échec quand ils ont échoué.
J’ai voulu les venger et leur prouver leurs torts.
J’ai couru sans répit, j’ai couru à la mort.
J’ai fait de grands serments, j’ai suivi mes penchants
Vers la gloire, ceux dont tu souriais quelquefois,
Toi, ne voulant qu’une aide pour suivre ta loi
Et faisant vite fi de mes rêves d’enfant.
J’ai cru à ton contact briser les liens, les chaînes,
J’ai lu dans la passion la clé vers le plus haut.
J’ai vu dans notre union la réponse à mes maux,
Mais il ne m’est resté que le goût de la haine.
En deux années, au plus, la passion s’est éteinte.
La routine a saisi nos deux vies mal jointes.
J’ai vu mourir mon âme dans tes bras enserrés,
J’ai vu pourrir mon cœur dans ta vie bien rangée.
Tu m’avais fait jurer fidélité, amour,
A moi qui ne rêvais que gloire et beaux atours ;
Tu voyais chaque jour comme un don qu’on savoure,
Moi j’enfermais en vain mes projets bien trop lourds.
Et je suis devenu celui que l’on méprise,
Qu’on regarde de haut, qu’on juge moins bien que soi ;
Celui qui vous élève, qui rassure les bourgeois,
Moi, qui aurais dû gagner les plus belles prises.
Je voulais arrêter de respecter mes pactes ;
J’ai accusé le monde de m’avoir brimé,
J’ai accusé tes bras de m’avoir enchaîné;
Je voulais m’empêcher de penser à mes actes.
J’ai fui de ta maison pour parcourir le monde.
Je croyais parvenir à reprendre le cours
De mes rêves avortés, éteindre ce cri sourd,
Ce torrent, qui au-dedans de ma tête gronde.
Mais là encore, perdu, je ne trouve le repos.
Le réel est trop dur, le rêve trop fuyant,
Ma force s’est brisée, je repars en rampant,
Je ne veux plus de gloire, simplement du repos.
Loin de toi, loin des tiens, loin de leur monde immonde,
Je retourne en pleurant dans l’infernale ronde.
Je ne reviendrai pas pour faire ma pénitence,
Le goût qui resterait me serait bien trop rance.
Fixe loin tes pensées, pardonne à ma lâcheté
Et pour simple vengeance, pense donc à la paix
Qui malgré mes efforts m’est pour toujours ôtée.
Je n’ai droit qu’aux remords et à la pauvreté.
Et je pleure maintenant, comme un gosse mal aimé,
Je pleure sur ma vie, cette énorme ratée
Qui a fui de mes doigts comme une coulée de sable,
Malgré amour, mariage, et rêves admirables.
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