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Manon .
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L'odeur du sapin, une très courte nouvelle écrite un après-midi où la nostalgie brouille le coeur.
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Défi
En utilisant le personnage principal du film Into The Wild, j'ai écrit un passage qui parle d'amour. Ainsi, si vous avez visionné le film, ça m'a permis de modifier complètement la fin. Et d'en faire une jolie fin. Oui, j'aime un peu trop les jolies fins.
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Défi
À l'ère où il y a plus de publicités que de gentilles personnes et où les êtres humains se comportent comme les robots qu'ils ne veulent pas voir évoluer dans leur quotidien, j'ai décidé de tout prendre de façon plus positive, au risque de me faire avaler par le monde, définitivement. Il y a tant de choses néfastes et négatives à pointer du doigt, mais ça ne se fait pas de pointer du doigt. Eh bien moi, j'ai choisi d'être plus égoïste, centrer tout cela sur moi et penser à mon propre bonheur. Dans le malheur des publicités, là où les langues se délient et les râleurs de première catégorie s'en donnent à cœur joie, j'ai ressenti de vives émotions pour les pubs d'Intermarché. Eh oui.
Étant donné que les pubs ne me donnent pas envie d'acheter, les regarder ne m'embête pas plus que cela. Je ne cautionne pas spécialement, mais je ne les zappe pas, car elles apparaîtront tôt ou tard sur la chaîne suivante ou précédente. Mais celles d'Intermarché sont différentes. Elles sélectionnent à merveille la chanson nostalgique et les images mignonnes, à tel point que je me suis demandée si en allant à celui près de chez moi, il m'arriverait aussi une jolie rencontre amoureuse en posant des fruits sur le tapis roulant. Peut-être qu'en cela, ils m'ont piégé. Mais sincèrement, qui n'est pas piégé par le monde, déjà ? Les moindres faits et gestes sont scrutés, nos données analysées, les réseaux sociaux banalisés et nos santés mentales abîmées. Si on n'est pas un peu positif, c'est délicat de résister à l'attraction de la grisaille d'aujourd'hui. Alors, oui, les pubs d'Intermarché me rendent mélancolique. Elles me donnent l'impression que les conversations autour d'une table sont sincères et partagées, que les êtres humains se sourient pour le plaisir et que la méchanceté est mise en pause pour quelques secondes. Et même pour quelques secondes, je prends. C'est si rare que c'est devenu précieux. C'est tellement précieux que c'est devenu extraordinaire.
Une larme a roulé le long de ma joue lorsque j'ai visionné l'une de leurs publicités. Je ne sais plus laquelle c'était, mais elle m'a touché. Pas autant que les petites mains d'un enfant, mais presque autant qu'un grand bol de chocolat chaud le soir. Sous mon plaid, j'ai analysé cette larme. Je me suis demandée si au fond, ce n'était pas une histoire de pub, mais une histoire de nous tous. C'est quand même inquiétant de se réconforter avec une publicité d'une marque de grande distribution, parce que les autres ne font plus attention à leurs pairs.
J'ai analysé cette larme. Lorsque j'ai relevé la tête, la pub avait disparu. La boule dans ma gorge, non.
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Défi
L'allée du château, pour répondre au défi de parler d'un lieu de mon enfance.
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Défi
C'est ce matin que Camille est partie. On s'en doutait parfois, on le redoutait sans cesse, des semaines et des semaines à attendre, on finit par se demander si il y a encore de la place pour l'espoir. J'en ai eu, maladroitement. De l'espoir en pincée fine, comme le sable qui file entre les doigts. Parce que tout s'est dissipé, évidemment. Au-delà du choc émotionnel, c'est l'espoir que j'avais qui m'a complètement brisé le coeur. J'étais assise sur les bancs de l'amphithéâtre de l'université, je n'écoutais qu'à demi. Comme d'habitude depuis trois semaines, tout me passe au-dessus. Je ne ressens pas grand-chose, si ce n'est le vent dans mes cheveux et le soleil sur mon visage. C'est tout. Le reste passe ailleurs, je ne retiens rien, pas même les cours de philosophie qui m'intéressent tant. La plupart du corps enseignant est au courant, l'information ayant été relayée comme un récapitulatif dans un mail. Il ne fallait pas prêter attention plus que cela à la jeune fille du fond, celle qui tape frénétiquement sur les touches du clavier en faisant semblant d'écouter. Il faut garder quand même un oeil léger sur elle, parce qu'elle est en train de voir sa soeur mourir à l'hôpital. Les détails n'ont plus d'importance. Accident de voiture, de moto, à deux ou seule, je ne sais plus rien. Je connais les faits : Camille. Mourir. Hôpital.
Maman m'avait dit que si elle m'appelait, ce serait fini. Elle ne l'a pas fait, elle a envoyé un SMS. Jusqu'au bout, jusqu'au bout putain, je n'en reviens pas de la capacité de mon cerveau pour avoir continué à espérer que tout aille mieux. Comme un pansement sur une blessure. Comme un sirop pour apaiser la gorge. Le message était concis, elle écrit que c'est fini. Presque comme la fin de mes livres. La souffrance n'existe plus, ce qui veut dire que ma soeur non plus. Je me lève, la pièce tourne, je suis fébrile. Je descends docilement les escaliers et le professeur hoche la tête, il sait. Je ne pense qu'à une chose : l'hôpital. Réussir à faire le chemin jusqu'à l'hôpital. Et au fur et à mesure, je réaliserai alors que c'est cela qui me manquera : ne plus avoir d'espoir. Etre vide de tout, de cela, d'elle. Le sang dans mes veines qui ne bouillonnera plus, les allers et retours aux urgences qui seront terminés, le coeur qui cogne deviendra sourd. Je ne veux pas de cette impuissance qui accompagne le deuil, je n'en veux pas. Je veux continuer à voir Camille et à retourner dans cette chambre, même si elle ne m'est pas familière, même si la télévision accrochée au mur me faisait étrangement rire, même si Camille avait le coeur éteint et les paupières closes. Je veux revoir les infirmières et les médecins qui passaient du temps à nous accompagner, à la soigner. Je ne veux pas être seule avec ma peine.
Je m'effondre soudain sur le côté, le long du couloir. Une étudiante s'arrête, paniquée. Ses yeux sont écarquillés. Elle demande de l'aide. Je crie. Je pense que je donne des coups de pied dans le mur, mais en fait ce n'est que dans l'air. Je ne ressens que ça, du vide, cette structure lacunaire dans laquelle je perds pied. Face à l'immensité des autres, dont l'espoir remplit les couloirs de cette université, je n'y arrive pas. Je sens que je n'y arriverai pas. Ce n'est pas juste, je hurle. Cette fille, cette jeune fille qui m'aide à me relever a tout l'espoir possible dans le creux de sa main. Pas moi. C'est injuste. Tout m'échappe, même ma propre respiration. J'entends qu'on m'appelle. Qu'on me secoue dans tous les sens, que des voix et des visages se penchent au-dessus de moi.
Tout va bien, Manon. Vous pouvez revenir maintenant.
Lorsque j'ouvre les yeux, je suis allongée dans le cabinet de ma psychologue, sur le sofa bleu foncé. Je cligne des paupières plusieurs fois et je m'asseois brusquement. Elle me regarde, sereine. Je me mets à pleurer. De grosses gouttes coulent et roulent le long de mes joues. Je n'ai plus d'espoir, je répète inlassablement. Vous voyez, je n'ai plus d'espoir. Ca fait trois semaines. Vous vous trompez complètement. Si vous n'aviez plus d'espoir Manon, vous ne seriez même pas venue me voir.
Je n'oublierai jamais cette phrase, et tout le travail accompli depuis.
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