June Chantecolline
J'ai toujours écris, à dix ans mes textes commençaient toujours par: "Dans une prairie lointaine, vivait un petit cheval" (oui un bébé cheval, pas un poulain.) Mes influences dans ces années là tenaient particulièrement à mon livre préféré qui s'initulait de peu ou de près "la famille lapin fait de la mongolfière" J'entretiens depuis un amour farouche pour ces ballons volants et magnifiques.
Vers mes quinze ans, mes textes se sont rallongés. Tout tournait autour d'histoires d'amour rocambolesques et compliquée. Où un héro increvable pouvait encore porter l'héroïne dans ses bras, même avec trois côtes brisées.
J'ai eu vingt ans, puis vingt cinq. La vie a peu à peu étouffée mes envies créatrices, j'ai repoussé mon imagination débordante là où je ne la verrais plus. Pour me concentrer sur le monde réel, le monde des adultes.
Puis je l'ai de nouveau acceptée, cette imagination qui m'a permise d'oublier les cruauté de ma vie le temps d'y survivre.
Maintenant me voilà. J'écris des textes à mon image et de ce que je comprends du monde. Je n'extrapole pas. Les plus belles histoires sont les notres et se sont les plus belles. Les miennes ont évolué toute ma vie et continueront encore.
Bienvenus dans l'espace le plus beau que je trouve en ce monde. L'image filtrée par mes yeux.
Œuvres
J'ai faussé compagnie à Eliot. J'aime être seule parfois, je sais que ce n'est pas prudent. Je sais que mon nom me protège autant qu'il me met en danger, mais je n'ai jamais eu peur. Petite je ne réalisais pas qu'être la dernière fille de Pietro Carbone, parrain de la mafia était autre chose qu'un privilège, m'offrant tout ce que je souhaitais. De la poupée au tigre, du séjour en Laponie pour rencontrer le Père Noël à la simple grasse matinée à la place de suivre mes cours. Je crois que l'on peut dire que j'ai été pourrie gâtée. Quoique le bébé tigre n'est resté à la maison que deux jours. Je me suis vite lassée, et papa avait dû l'emprunter à un zoo. Mais comme tous les autres êtres humains, je désire par-dessus tout ce que je ne peux pas avoir. Et dans ce cas précis, il s'agit de la liberté.
Je profite du vent chaud dans mes cheveux et de la clameur des touristes sur la plage. Sur la nôtre il n'y a pas de touristes, et je suis persuadée que les senteurs iodées ne sont pas les mêmes. La chaleur étouffante me fait ôter mon haut. Quitte à être en maillot autant me baigner. J'enlève mon short et secoue mes cheveux qui caressent doucement mon dos. Je laisse tomber mon sac dans le sable et mes yeux s'égarent à l'horizon, je balaie la foule du regard. Un jeune homme bien fait de sa personne me dévore du regard. Intérieurement je hausse les épaules ; qu'il regarde, je vais lui donner un spectacle digne d'une James Bond girl. Il aura si chaud qu'à mon retour je pourrai compter les gouttes de transpiration perler sur ses pectoraux parfaits.
En commençant à me déplacer je sens que c'est moi qui ai chaud. Je ne suis pas du genre à baver devant les hommes, mais je dois avouer que celui-ci a quelque chose qui m'attire. Je ne me laisse pas aller et retourne à mon petit numéro. Je quitte des yeux l’Apollon et pars vers la mer en ondulant légèrement des hanches. J'entre dans l'eau, oubliant soudainement mon petit spectacle. Elle me semble si fraîche que je m'y laisse glisser, mitigée entre la délectation et le choc de la différence de température. Je m'y fais vite et me laisse flotter à la surface me plongeant dans un monde où il n'y a que moi, qui flotte paisiblement et le ciel bleu.
Je fais tout de même attention à ne pas dériver. Je n'aime pas nager là où je n'ai pas pied. Je ne nage pas assez bien pour m'éloigner de la plage. Après un bon moment, l'image de mon Apollon me frappe. Si je reste trop longtemps dans l'eau il sera parti quand j'en sortirai. Je me relève et mets ma main en visière pour scruter la plage. L’Apollon est parti, tant pis. Je sors doucement de l'eau.
En me rapprochant de mes affaires je découvre médusée que mon sac a disparu. Étonnamment le voleur a eu la délicatesse de me laisser ma serviette. C'est bien la première fois qu'on ose me voler. Je me sèche en rageant. Je n'ai plus qu'à attendre qu'Eliot ne passe miraculeusement par ici en me cherchant. Je ne vais quand même pas rentrer à pieds et je n'ai plus rien pour payer un taxi. Plus de téléphone, plus de portefeuille. Soudain la réalité me frappe, dans mon sac il y avait le pendentif de maman. J'ai soudain envie de pleurer et une rage intérieure créé une bile écœurante au fond de ma gorge. Si je retrouve ce voleur, et je vais le retrouver ; je lui coupe une main.
J'enfile mon short et j'y sens mon téléphone portable. Cet imbécile ne m’a même pas volé ce qui avait le plus de valeur. Je plonge ma main dans ma poche, je vais appeler Eliot et tout lui raconter, il me ramènera à la maison et retrouvera mon voleur. Mais je réalise bien vite que ce n'est pas mon portable qui se trouve dans ma poche. Mais un de ces modèles avec forfait prépayé. Tout ça est bien trop gros pour ne pas être un guet-apens. S’il n'y avait pas eu le collier de ma mère dans ce sac j'aurais laissé tomber. Au lieu de ça j'ai décidé d'appeler, si la personne au bout du fil me donne un rendez-vous, je l'envoie paître. Dans le cas contraire, advienne que pourra. J’étouffe la seule partie de moi qui peut paraître raisonnable et j'appelle mon propre numéro. Quand la sonnerie cesse ma colère me surprend.
– Vous voulez quoi bordel, ai-je hurlé dans le téléphone.
Ce haussement de voix me valut des regards étonnés des touristes.
– Je voudrais un entretien avec monsieur Carbone, me répond une voix grave et calme.
– Mon père ?
– Exactement, je voudrais lui proposer mes services et j'en profiterais pour vous rendre vos affaires.
– Espèce de sale...
– Ce n’est pas la peine de m’insulter. Je n'ai pas fait ça pour vous offenser, je veux juste rencontrer votre père. Et vous savez comme ça peut être difficile quand on n’a pas les bons tuyaux.
– Qui vous dit que vous allez vous en sortir vivant ?
A cet instant j'espère rageusement que ce ne soit pas le cas.
– Mon talent, a répondu l'inconnu de façon arrogante.
– Bah voyons. Après tout, comme vous voudrez je lui demanderais de vous appeler.
– Merci Sonia, je vais prévenir Eliot de votre position. Ne bougez pas, il ne sera pas long.
L'instant d'après l'inconnu avait raccroché. Je n'ai plus qu'à attendre Eliot maintenant. Je m'inquiète un peu pour lui, il va avoir de sacrés problèmes à cause de mon imprudence. Ce n'est pas la première fois que j'échappe à sa vigilance et papa lui avait dit que s'il n'arrivait pas à garder un œil sur moi il lui trouverait quelque chose de plus facile à faire. Alors si on cumule mon escapade, le vol et le prochain rendez-vous mystère de papa…
Pauvre Eliot, il a toujours voulu devenir son bras droit. Mais nous savons tous que celui qui a le plus de chance de le devenir sera son futur gendre. Mon père n’a pas eu de fils, mais il a un grand sens de la famille. Alors, il espère passer la main à son beau-fils, pour que l'affaire reste dans la famille. Victoria est très volage et je le soupçonne de ne pas lui faire confiance. Quant à Lise, elle préfère les femmes. Il est un peu vieux jeu à ce sujet-là. Il n'en veut pas à Lise, mais je sens bien que ça le rend triste. Il ne reste donc plus que moi. Et ça Eliot l'as bien senti. C'est pour ça qu'il ne se gêne pas pour tenter de me séduire à outrance.
Je me suis rassise dans le sable et j'ai regardé les vagues jusqu'à ce que mon garde du corps n’arrive.
Pendant des années, j'ai essayé de recoller les morceaux de mes rêves brisés. J'ai essayé de les adapter, de les glorifier, de chercher un angle où ils tiendraient encore entier. Ou qu'au moins ils semblent viables. J'ai essayé mes larmes, j'ai prié, je leur ai insufflé de l'espoir. Mais rien n'y a fait. Ils sont restés en morceaux, inanimés. Ces rêves ce sont toute ma vie, ils sont moi. Sans eux je ne sais plus qui je suis.
Alors j'ai pris ces petits bouts de moi, ces petits bouts du futur que je voulais. Et je les ai mis dans une de ces boîtes que je fais quand je ne veux plus de quelque chose, mais que je n’ose pas le jeter.
Ces derniers mois j'ai ressorti cette boîte, j'ai éparpillé les petits morceaux sur le lit. J'ai recommencé tout le protocole. Les larmes, les supplications, le marchandage. Je l'ai rangée, puis ressortie, encore et encore.
Cette boîte est sur mon lit, je la vois tous les soirs quand je me couche, je la regarde pendant des heures. Je refuse de la ranger dans le placard de nouveau. Mais je n'arrive pas à la jeter.
Ils m’empêchent de trouver le sommeil, ils me font me promettre que demain tout ira mieux. Que peut-être, demain ils auront disparu. Mais je les affronte, je les regarde, tous les soirs. Ils n’iront plus dans le placard, parce que je ne veux plus qu’ils en ressortent.
J'ai laissé la fenêtre ouverte, en espérant qu'avec le temps, le vent l'emporte. Mais elle est encore là. Tous les soirs.
Je ne suis pas certaine, mais je crois qu'il y a de moins en moins de morceaux.