Ma vie est plus en désordre qu'un capharnaüm.
Je perds tout contrôle. Je me perds.
Dans ce tableau sombre, une griffe blanche apparaît... Et depuis tout devient linceul.

"Les moments de joie sont des portes malheurs."

Quelques mots jamais sortis de ma bouche. Quelques mots insignifiants.

Délivrée de ma cellule, je sortis en quête de nourriture et de boisson.
Après des mois d'emprisonnement dans le noir absolu, je ressemblais à un bébé de rat venant de naître, qui n'a jamais vu le jour.
Je rampais d'abord, jusqu'à la tombée de la nuit. C'était mon point de force, ma vue s'est développée et maintenant je suis capable de voir clairement dans le noir.
Une odeur me chatouilla les narines. Une fragrance délicieuse, dont le goût est devenu une addiction. Ma gorge s'enflamma et mes sens prirent la position de garde.
Je parcourais la foret, à la poursuite de ce velouté extravagant.
Vers la profondeur, la stupéfaction figea mon être fragile.
Un arbre gigantesque se tenait majestueusement. Un arbre différent de tous les arbres que ma vue modeste apercevait durant le jour.
Un tronc transparent et enflé où transparaissaient un prolongement de racines. Toute une chaîne de circulation naviguait au milieu de l'arbre. Les branches, élongées, transmettaient un liquide rouge, tandis que les feuilles noirâtres semblaient absorbées de leur couleur naturelle. Tout le mécanisme intérieur dirigeait la sève rouge vers le centre de l'arbre. Une feuille de forme triangulaire se tordait à l’intérieur des branchages... Elle se nourrissait du liquide rouge que transportaient les veines. Elle grandissait et mes oreilles hyper sensibles captaient de petit gémissements étouffés.
Ma soif s'intensifiait et devenait de plus en plus insupportable.
Je distinguais finalement la saveur du liquide qui nourrissait la feuille reine. Une saveur dont toute l'espèce des vampires était esclave.
Le débit du sang coulant augmentait, et avec, la feuille se transformait.
Un embryon apparut soudainement à la place de la feuille.
Je m’agenouillai par respect pour le nouveau descendant de la famille la plus noble de notre race. Et dont le producteur était cet arbre sanguin.

Je meurs.
Voilà une semaine que cette pensée me ronge.
Depuis qu'on m'a annoncé que je vis mes dernières semaines, cette idée infernale me hante.
Oui, je vais mourir. Moi, si jeune, si belle, si épanouie et si robuste de corps et d'esprit.
Moi qui viens de commencer une vie digne de ce nom.
Moi qui a toujours espéré vivre, changer ce monde et le rendre moins sombre et moins cruel, je meurs sans laisser la moindre tache dans la vie.
Je serais oubliée dès mise dans ma tombe.
Moi qui avait une peur bleue de se mettre dans des endroits étroit.
Cela fait six jours que je réside dans cette prison, les perfusions accrochés dans mon corps.
Cette prison aussi corporelle que mentale.
Ma pensée est enchaînée aux cordes rigides de la mort.
Je meurs, le corps alourdi par les machines.
Je meurs l'esprit empoisonné par l'idée de ma mort imminente à cause de cette tumeur cérébrale prédatrice.
Je meurs sans mourir à cause de cet arsenic mortel, cette pensée jalouse qui ne cède place à aucune rivale.
Cette sanction pénale qui m'est tombée sur la terre m'emmène avant mon délit.
Ça ne me fait plus rien parce que tout le monde est condamné à mort avec des sursis plus ou moins différents.
Je meurs.