Échange de bons procédés
Le cycle lunaire se poursuivait. Naryl se sentait de plus en plus à l’aise avec les membres du clan, qui, maintenant que la période de la lune rouge s’était passée sans encombre, se méfiaient moins de lui. Même la farouche Nivi acceptait désormais de descendre de son arbre, et Naryl prenait ses repas avec le clan au grand complet.
Le jour, il dormait dans le khangg de Nanal et buvait son lait. La plantureuse elleth se laissait téter avec complaisance, semblant même y trouver du plaisir. Naryl, qui se rappelait qu’on avait pris sa portée pour l’abandonner dans la sylve, hors de leur territoire, avait pitié d’elle. Il devinait que la présence de petits en bas âge lui manquait.
Ce soir-là, au réveil, Nanal proposa son sein comme tous les soirs. Naryl s’en empara sans aucune gêne : il s’était habitué à Nanal, et il avait faim en se levant.
Pendant qu’il suçait goulument, les doigts tripotant son mamelon libre, Nanal l’observait. Il pouvait sentir son regard insondable posé sur lui. Nanal était particulièrement gentille avec lui, et ce, depuis le début ; mais quelque part, elle impressionnait un peu Naryl, parce qu’il ne parvenait pas à lire ses expressions. Elle arborait toujours un sourire flottant, mystérieux. Il était impossible de savoir ce qu’elle pensait.
— Quel beau panache tu as, Naryl, finit-elle par dire de sa voix coulante comme un cours d’eau. Je peux le toucher ?
Naryl acquiesça. Il n’aimait pas qu’on lui touche la queue d’habitude, car il savait que c’était un acte intime et que cet appendice lui servait à cacher son secret à la vue du clan. Mais Nanal le laissait boire son lait : il pouvait bien la laisser toucher son panache. S’il restait couché sur le ventre, elle ne verrait rien.
Naryl frissonna lorsque Nanal serra sa queue dans sa main. La sensation était étrange et excitante : elle réveilla son pénis, lové dans sa cache de fourrure. Il tenta de se soustraire à sa prise et à réenrouler l’épais appendice sur son dos, embarrassé.
Nanal tourna alors son regard lumineux sur lui.
— Tu n’aimes pas mes caresses, Naryl ?
Il s’empressa de démentir.
— Si, j’aime bien.
— Tu aimes sucer mes mamelles, n’est-ce pas ?
— Oui, j’aime beaucoup, avoua Naryl.
— Moi, j’aime la fourrure de la queue des mâles, fit-elle en promenant le long panache sur son ventre. La tienne est particulièrement douce, avec sa couleur de nuit. On dirait des plumes.
Naryl suivit des yeux les mouvements du long serpent onyx sur le torse nu de la femelle. Il le regarda se promener sur ses appétissantes tétines dressées par les suçons, qui transparaissaient dans sa chevelure de feu comme des coquillages sous les algues. Lorsqu’elle écarta doucement les cuisses, dévoilant la bouche rouge de la mystérieuse créature qui vivait là, Naryl déglutit.
— Naryl, murmura Nanal dans en chuintement suave, tu veux me faire plaisir ?
Le jeune ellon acquiesça.
— Sors le dard à l’extrémité de ta queue…
— Mais c’est interdit ! protesta Naryl en jetant un coup d’œil effrayé à la porte du khangg.
La première fois que ce dard de chair était sorti, sa mère l’avait réprimandé durement. Il était interdit aux jeunes mâles de montrer cet organe évocateur. C’était tabou, indécent.
— Tu peux le sortir avec moi. Ce sera notre secret.
Nanal, qui était toujours en train de caresser son panache, fit progresser ses doigts habiles jusqu’à son extrémité. Naryl se surprit à fermer les yeux. C’était divin.
Le bout de l’appendice s’ouvrit en deux comme un fruit, et le dard de chair écarlate pointa son nez timide hors de la fourrure. Nanal joua avec un instant, avant de le porter à sa bouche et d’y apposer un petit coup de langue. Naryl se laissa aller dans les draps, couvrant son visage de son bras pour éteindre son gémissement.
— Tu sais t’en servir ? s’enquit Nanal en pinçant la chair violette entre ses lèvres humides.
Les yeux résolument fermés, Naryl secoua la tête.
— Je vais t’apprendre. Avec ça, nul besoin d’être entier pour faire plaisir à une femelle !
Nanal plongea le panache entre ses cuisses. Le tenant par son extrémité, elle fit glisser la pointe le long de sa fente, de haut en bas. Naryl crut défaillir. Puis, soudain, elle le plongea dans la bouche avide et béante.
— Remue-le, lui intima Nanal d’une voix rauque. Sors-le, puis rentre-le de nouveau en moi.
Naryl s’exécuta, fasciné par la femelle qui se tordait de plaisir. Le souffle de Nanal s’était accéléré, sa bouche s’était ouverte et la pointe de ses oreilles avait rougi. Elle poussait de longs soupirs, qui se muèrent en petits cris lorsque Naryl accéléra. Elle s’arque-bouta, mordit la couverture pour étouffer sa voix et passa à quatre pattes.
— Encore, grogna-t-elle.
Puis, trouvant qu’il n’allait pas assez vite, Nanal attrapa la queue de Naryl à deux mains et la frotta frénétiquement contre sa vulve humide. Couché sur le ventre pour dissimuler son trouble, Naryl avait de plus en plus de mal à garder son calme.
Heureusement, après un dernier soupir, Nanal lâcha enfin son panache. Elle tourna un visage rayonnant de contentement vers le jeune ellon et lui caressa la joue du bout du doigt.
— Je te remercie, Naryl.
Et elle s’endormit.
Naryl sentait confusément que ce qui se passait dans le khangg de Nanal le mettait en danger. Il n’osait pas en parler à sa mère, qui restait fuyante et plutôt évasive avec lui. Souvent, il la surprenait en train de regarder au loin, dans la direction de leur ancien territoire. À chaque fois qu’il les surprenait, ces regards lointains l’inquiétaient.
Mais il restait Yuja. La jeune elleth était devenue une véritable amie, au même titre que Pecco, qu’il lui avait d’ailleurs confié pour éviter de le montrer à Nanal.
— Pourquoi tu dors avec elle ? lui demanda Yuja un soir où ils étaient en sortie dans leur coin secret tous les deux. Tu manques à Pecco, tu sais.
— Ma mère ne veut plus que je dorme dans son khangg, avoua Naryl, accroupi devant le plan d’eau où ils venaient de barboter. Elle trouve que je suis devenu trop gros, et que je prends trop de place avec mon panache. J’ai essayé d’en fabriquer un moi-même, la dernière fois, mais il fuyait de partout.
— Moi, je suis petite. Cela ne me dérangerait pas de partager mon khangg avec toi. Je t’accueille, si tu veux.
Naryl se creusa la tête pour trouver une excuse, embarrassé. Il était flatté de la proposition de Yuja, qui se montrait si gentille avec lui. Mais si les fièvres lui tombaient dessus alors qu’elle était avec lui…
— Nanal m’a déjà invitée dans son khangg, expliqua-t-il. Cela ne risque-t-il pas de la vexer si je pars dans le tien ?
La petite queue fine de Yuja se mit à battre le sol rythmiquement.
— Nanal est une femelle adulte qui cherche le premier mâle venu pour la couvrir, siffla-t-elle. Sais-tu que parfois, ses chaleurs la démangent tellement qu’elle part courir dans la forêt avec les mâles empourprés ? C’est comme ça que Sirath l’a trouvée, hagarde, toute pantelante et déchirée dans une clairière au petit matin. Elle l’a ramenée ici, et quelques lunes plus tard, elle donnait naissance à une portée de plusieurs pères, chacun d’une couleur différente.
Naryl tritura nerveusement ses griffes. La suite, il la connaissait. Tous ces hënnil innocents avaient été abandonnés, probablement dans la clairière où Sirath avait ramassée Nanal.
— Ses petits lui manquent… commença Naryl pour la défendre.
— Non. Ce qui lui manque, c’est l’étreinte et les crocs du mâle. Alors, elle se sert de toi pour combler ce manque.
Le jeune ellon jeta un œil furtif à son amie. Cette dernière prit ce regard pour une accusation.
— Quoi ? J’ai pas raison ?
— Je ne sais pas…
Yuja ne comptait pas lâcher le morceau aussi facilement. Elle agrippa le bras de Naryl, enfonçant ses petites griffes dans sa chair.
— D’où sortent ces soupirs impudiques que j’entends dans son khangg, le jour ?
— Eh bien…
— Eh bien quoi ? insista Yuja.
— Elle… se frotte à mon panache pendant que je bois son lait, avoua Naryl. Elle dit que ça l’aide à s’endormir.
Les griffes de Yuja s’étaient tant enfoncées que le sang perlait sur sa peau pâle.
— Et tu la laisses faire ? tonna-t-elle. Mais c’est dégoûtant !
— Pourquoi ? Si ça lui fait plaisir ! C’est un échange de bons procédés. Je lui prête mon panache, elle me donne son lait.
— Mais c’est injuste de prendre autant de plaisir devant toi, qui en est privé, geignit Yuja à contrecœur. Elle profite de toi !
Naryl haussa les épaules. Il se baissa et ramassa un caillou, qu’il jeta dans l’eau.
— Et puis moi, je suis jalouse, avoua finalement Yuja. Je préfererais que tu viennes dormir dans mon khangg.
Naryl la regarda par-dessus son épaule.
— Vraiment ?
— Vraiment. Je t’aime beaucoup, tu sais.
Yuja vint se lover contre lui.
— Cela me met en rogne qu’elle t’offre son lait ainsi. Moi, je n’en ai pas : il faut avoir été saillie pour ça. Nanal, elle, a déjà eu des petits !
— Mais c’est mieux, non ? C’est horrible, d’être saillie.
— C’est horrible, oui, mais il paraît aussi que cela fait beaucoup de bien, lâcha Yuja en rougissant des oreilles.
— Du bien ?
— Oui. Du bien… comme quand on se caresse. Tu vois bien que Nanal aime beaucoup ça !
De nouveau, Naryl haussa les épaules.
— Je ne sais pas ce que ça fait, avoua-t-il en jetant une nouvelle pierre dans l’eau. Je ne me suis jamais caressé.
Yuja sembla alors regretter ses paroles :
— Oh, Naryl… Je ne voulais pas te blesser !
— Tu ne me blesses pas.
— Alors, laisse Nanal et viens partager mon khangg.
— D’accord, finit-il par lâcher.
Yuja, ravie, se précipita contre lui. Il avait de la chance d’avoir une amie comme elle !
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