{ Chapitre 1 }
Je ne me rappelle plus exactement ce qui a fait que j'en suis arrivée là. Ce qui a fait que tout a basculé, et que je ne pourrai pas revenir en arrière. Je connaissais déjà les enjeux de mon choix, mais je ne regrette pas. Car ce choix est ce qui pourra, je l'espère, sauver mon âme.
Je me suis toujours détestée. Je déteste mon corps, je déteste ma voix et en plus simple je déteste tout ce qui se rapporte à moi. Il ne se passe jamais rien, sans que je me remette en question. Je peux passer des nuits entières à me dire " et si", "j'aurais dû", "c'est ma faute" ou "je suis nulle". Puis je pleure et étouffe le bruit avec mon oreiller ou une grosse peluche. Il y a aussi des fois comme en ce moment même je suis en train d'écrire et écrire encore sur des pages d'un carnet que j'ai reçu à mon anniversaire. Au départ je ne savais pas trop quoi en faire et puis il y a eu un jour où j'ai craqué ( trop de choses négatives se sont entassées dans ma tête ) et j'ai déversé les flots de ma pensée sur ces pages blanches. Je sais bien que personne ne le lira jamais, que je ferais mieux de faire comme la plupart des gens et d'essayer de profiter de la nuit pour dormir et me reposer. Mais, une personne comme moi ne peut pas se reposer. Non, car mes pensées m'assaillent et me tourmentent, tout le temps, chaque seconde. L'enfer ne s'arrête jamais. " Après la pluie vient le beau temps ". Pas dans mon cas. Après la pluie, c'est encore la pluie. Il n'y a pas d'éclaircie. Il n'y a pas d'issue. Il faut juste attendre de crever. Puis en attendant que la mort te cueille, il faut sourire. C'est une façade. Les gens ne s'en rendent pas compte, mais souvent, le sourire d'une personne est juste un masque pour cacher sa douleur. Pour y arriver, pour supporter ce masque toute une journée, je m'entraîne régulièrement. Je suis là, pathétique, devant mon miroir et mes yeux commencent à s'emplir de larmes parce que je suis hideuse, et que tout le monde doit voir ma sale gueule et se dire " Elle fait pitié ". Alors maintenant j'évite les miroirs... J'ai jeté le mien par la fenêtre de ma chambre. Comme j'habite au dernier étage de mon appartement, il est venu s'écraser piteusement sur le sol. Le verre s'est brisé en pleins de petits morceaux, j'étais satisfaite. J'ai ma façon à moi de régler les problèmes. Pourquoi chercher mille et un détour pour arranger les choses alors que la manière radicale est souvent la plus simple. Ça peut paraître étrange mais plus j’écris dans ce carnet, plus j’ai l’impression d’être bête et de m’enfoncer. Mais je ne veux pas en parler à quelqu’un. Il en est hors de question. Et puis, même si je le voulais, ce ne serait pas possible. Je suis trop timide et il n’y a pas vraiment de personne dans mon entourage qui en a quelque chose à faire de ce que je ressens. Je n’ai pas cette chance – là. Mais ça ne veut pas forcément dire que j’ai besoin d’attention. Non, ce dont j’aurais vraiment besoin c’est d’une personne capable de me comprendre. Malheureusement, les gens comme ça ne courent pas les rues. Et… Au plus profond de moi, je sais que ça ne changera pas grand chose. Qu’il y ait quelqu’un qui me comprenne ou pas, ce sera pareil. Je resterais toujours la même, je me détesterais encore et mes nuits seront toujours blanches et tapissées des mêmes reproches.
Le pire dans tout ça, c’est que ces reproches ne sont pas pensées exactement par moi. C’est assez compliqué à expliquer, mais il existe comme une voix à l’intérieur de moi. Une voix sarcastique et méprisante qui ne fait que me susurrer des reproches méprisantes à longueur de journée. Je ne peux pas la faire taire. Chacun de ses mots me fait l’effet d’un coup de poing, et chaque coup de poing laisse une boule dans on ventre. Chacune un peu plus lourde, pour que je finisse par crouler sous le poids de ces paroles. C’est une bataille contre soi-même. Cette voix ne m’a pas encore vaincue, mais j’imagine que ce n’est qu’une question de temps. Je cherche sans cesse un moyen de sortir de son emprise, de me libérer de ses chaînes qui me retiennent. Faire taire cette voix, l’extirper de mes pensées, l’enfermer loi, loin de moi, connaître… le silence. Apprendre à m’aimer. Enfin, la souffrance ne serait qu’un vague souvenir, un temps lointain maintenant révolu. Pourtant… cette douleur est toujours présente, et cette voix aussi. Et, tant qu’il n’y aura pas de solution miracle, elle ne disparaîtra pas et restera me hanter. Ce que je redoute le plus, c’est que quelqu’un le sache, surtout une personne proche de moi, comme Lilwenn ou mes parents. Alors, cette personne ne me verrait plus du tout de la même façon et mes relations avec elle seraient détruites. Elle me verrait comme une victime ou une folle. Mon quotidien stable serait chamboulé. Je ne pourrais même plus les regarder en face… Non, je ne veux surtout pas que ça arrive. C’est vraiment le pire scénario qui peut arriver. Peut-être même que si ça arrive je n’hésiterais pas à mettre fin à mes jours. On m’oubliera vite, mais de toute façon, je me serais débarrassé de mes problèmes. Et, je sais très bien que cette voix intérieure ne disparaîtra qu’une fois que je ne serais plus de ce monde.
Parfois, je me demande si d’autres personnes sont dans le même cas que moi. J’espère que oui, car sinon, ça confirme le fait que je suis folle. Mais, je suis sûre que rien que le fait de ma sitruation, de mes ressentis à quelqu’un qui vit la même chose, qui ne me juge pas, me ferait sentir moins seule. Beucoup de personnes parlent de la solitude comme un vide, une sensation de “rien”. Ceux qui disent cela ne connaissent, en vérité, pas la vraie solitue. Car la solitude n’est pas un vide, mais un abîme dans lequel on tombe, sans jamais toucher le fond. Personne ne viendra jamais te sortir de là, car ils n’ont pas envie de chuter eux aussi dans cette abîme. Et puis… souvent, personne ne remarque ta solitude. On dit qu’être seul est le fait de ne pas avoir d’amis. C’est faux, la plupart du temps, ce n’est pas le cas. Car oui, être seul c’est aussi ne pas être compris, ou cacher une douleur aux autres qu’on est le seul à devoir supporter.
Annotations
Versions