Chapitre 2 - Refuge - Partie 6
Le voyage s’était déroulé sans grand problème. Au départ, le chemin parcouru était ponctué de zigzags afin d’éviter des poches généreuses de végétation saruannaise. Ensuite, elle devenait plus éparse. Le trajet redevint plus rectiligne. Les colons observaient avec fascination les paysages qu’offrait cette planète vivante. Les plus chanceux purent apercevoir certains animaux n’ayant pas fui devant le drôle d’animal roulant en matériaux composites issu de la haute technologie humaine. Le terrain devint bientôt plus accidenté, trop pour le transporteur, forçant la décurie à terminer le trajet par ses propres moyens pour établir une tête de pont dans une clairière à proximité d’un étroit boyau d’accès au canyon.
Le montage du campement avançait à grands pas. À la vue des dernières avancées technologiques de l’humanité, les habitats de la décurie auraient pu receler de nombreux mystères et gadgets technologiques de toutes sortes. Au contraire, le camp se composait essentiellement de tentes, comme celles utilisées jadis sur la planète de leurs lointains ancêtres terriens pour s’abriter des conditions terribles qui régnaient sur les pentes du plus haut sommet de cette planète, l’Everest. D’ailleurs, cette montagne faisait pâle figure devant la taille extravagante de plus de vingt-deux kilomètres d’Olympus Mons que l’humanité avait domptée sur Mars. Tout naturellement, les Terriens y avaient installé le centre névralgique de leur réseau de commandement. Comme pour signifier, une fois de plus à la nature, que l’Homme compte. Les Hommes de Mars avaient appris, au fur et à mesure de l’affirmation de leur identité et de leurs aspirations nouvelles, à se moquer de la suprématie terrienne, et finalement à l’ignorer pour se diriger à bord des markinds vers un avenir plein de promesses.
Dans cette clairière, en marge de l’installation du campement, Eran observait de plus près une plante vasculaire. Elle alliait à la fois des spécificités ancestrales et révolutionnaires. Il recherchait dans son PIM les similitudes terriennes avec des fougères. Il était intrigué par des excroissances, de petites sphérules ternes, présentes sous le feuillage. Il prit quelques clichés et nota ses découvertes. Il sortit un sachet hermétique pour effectuer un prélèvement. Il fut interrompu dans son action par Martin.
« Déjà sur l’étude de la flore des alentours, à ce que je vois, dit le décurion.
— Oui, Saruan-c est réellement impressionnante dans sa variété. Ces plantes sont des reliques du passé terrien mais ayant connu une évolution ininterrompue par des catastrophes globales. Elles sont fascinantes. Je termine un prélèvement sur ce qui ressemble à un organe reproducteur. Il s’agit d’un petit sac semblant contenir tout ce qui est nécessaire à la plante. À moins que cela soit destiné à une autre fonction. J’en saurai davantage après analyse dans le laboratoire mobile, expliqua le jeune botaniste.
— Tout cela paraît fascinant, Eran. Cependant, les tentes ne se montent pas seules. Et ton aide serait fortement appréciée, demanda Martin.
— Bien sûr, j’arrive tout de suite, s’excusa le jeune Eran, un peu gêné.
— Pas de souci, je comprends ton enthousiasme. En revanche, je souhaiterais que tu conserves ton arme à proximité immédiate », lui dit Martin d’un ton plus ferme en lui rendant son arme.
Eran la récupéra en acquiesçant rapidement d’un mouvement de la tête, termina son prélèvement, récupéra son matériel et se dirigea vers une des tentes en cours de montage. Puis le vent se leva.
Eran était encore étourdi par la rapidité des faits. Un souffle puissant et terrible, provenant du canyon, balaya d’un seul coup les frêles habitats et les Hommes. Il s’abrita rapidement derrière une formation rocheuse. Il avait vu Josh se tordre de convulsions de même que ses autres compagnons. La mort avait été soudaine, d’une rapidité fulgurante. Il s’essaya à regarder encore ce qui restait du campement. Mais d’épais nuages, probablement de sable, étaient portés par le vent. Leur teinte d’un bleu soutenu le marqua. Il remarqua qu’il tremblait sans pouvoir se contrôler, la peur imprégnant chaque muscle de son corps. Un violent mal de tête le saisit. C’est mon tour, pensa-t-il brièvement. Sa vue se troubla. Seul le son des bâches battues inlassablement par le vent emplissait son univers. Leur rythme régulier lui donnait encore l’impression de mesurer le temps. Bientôt, il plongea dans l’inconscient, toujours parcouru de soubresauts incontrôlables.
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