Chapitre 2
Depuis plusieurs années, l'invisible prend sa part de marché dans la publicité. Que ce soit pour des désodorisants, des pastilles de lave-vaisselle ou ici, dans cette lessive, l'infiniment petit semble gagner du terrain dans les argumentaires de vente. Les annonceurs ont fini par trouver qu'il y avait plus blanc que blanc. La transparence, nouvelle promesse d'idéal ?
Tout cela serait assez logique, finalement. À coup d'effets spéciaux 3D, on donne à voir des nanoparticules de poussières, des tâches imperceptibles, des microbes à éliminer. L'objectif "bien- être" est posé et le remède miracle, imposé aux yeux de tous. « Quelques gouttes suffisent», «un simple geste» ou ici, «un petit sachet» et le tour est joué : ce que personne n'arrive à détecter à l'œil nu a enfin disparu !
Aujourd'hui, les publicitaires inventent des spots de plus en plus brefs, nourris de briefs techniques, pragmatiques. L'idée n'est plus de donner envie, encore moins de faire rêver. Il faut toucher cette armée de sceptiques, toujours aussi méfiants et pressés. Il faut leur parler vrai, utile. Redoubler d'efforts, démultiplier les messages, s'assurer qu'ils soient omniprésents à l'écran comme dans leurs têtes. Les créatifs sont devenus des squatteurs qui envahissent l'inconscient du consommateur, polluent son espace personnel d'informations et de valeurs.
Au volant de cette voiture, je me sens libre d'aller où je veux, là où personne d'autre ne va. La preuve, les routes et paysages traversés sont toujours réservés au seul conducteur, heureux possesseur de ce nouveau bolide... respectueux de l'environnement.
Tiens, voilà d'ailleurs la pub des fameux steaks hachés. Des plans sourires, une ambiance familiale, c'est l'aliment qui réconcilie tout le monde pour passer un bon moment à table. Avec des pâtes, dans un burger... Une viande bovine «100 % origine France » assortie du label qui illustre le sérieux de la chose.
Quand cessera donc cette mascarade ? Est-ce que la vérité est trop dure à avaler ? Nous le saurons très prochainement. C'est sûrement une question d'heures. Ce serait souhaitable en tout cas. Il en va de la survie de mon client et du consommateur, même si ce dernier reste peu attentif aux messages. Il en est mitraillé H24 et sur tous les supports possibles. Télé, internet, affichages, magazines, mails, flyers, démarchages téléphoniques... et ici, packagings, spots radio, fascicules, commerciaux... Nul ne peut sortir indemne face à ce déferlement. À un moment ou à un autre de la journée, la cible marketing aura reçu une balle perdue de ce verbiage médiatique. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle s'en délecte.
Devant le flot permanent d'appels, d'incitations, les consommateurs ne font que passer, et ce, le plus vite possible. Comme ici, devant ce mur d'écran. Comme à l'heure précédente, dans un autre hypermarché, intégrant ce trop-plein d'informations dans leur paysage quotidien, ignorant tout des images et du seul quidam véritablement intéressé que je suis.
Bien sûr, il y a toujours une exception.
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