Le départ

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Le combat était terminé, et la pression redescendue. L'enfant perdit connaissance, sa mère était sauvée et le village avec, quiconque était ce héros, il venait d'épargner une terrible mort à sa famille. Quel soulagement.

Contre toute attente et au plaisir des habitants, l'étrange homme restera au village quelques jours. Tous pensèrent qu'après avoir accompli son devoir, le Gardien quitterais le village pour reprendre son voyage. Et pourtant, le voilà, occupé à faire baver les jeunes comme vieilles femmes, torse-nu, travaillant aux côtés des autres hommes, occupés à rebâtir les maisons. Riant à leurs côtés, déblaterant des blagues, et racontant ses nombreuses histoires de combats épiques.

- Nous ne vous remercierons jamais assez Seigneur Uther, vraiment, quand je vois ce que vous faites pour nous, je ne comprends pas la réputation des Gardiens.

Le puissant guerrier échappa un soupir.

- Malheureusement, la crainte que notre ordre inspire n'est pas volée. À mon arrivé, la chance était de notre côté. Ignis ne s'était emparé du corps d'Ulrich que depuis peu de temps. Il est bien peu de gens qui peuvent se défaire d'un Daemon qui est en pleine possession de ses moyens. Même pour moi, la tâche aurait était bien plus ardue.

La surprise était visible dans le regard des villageois. Un guerrier aussi puissant qui admettait qu'il est des adversaires qui pourraient le mettre en danger ? Voilà une surprise.

- Dites-moi, est-ce vrai ce que l'on raconte ? Que tous les orphelins disparus finissent par rejoindre votre ordre ? Que c'est vous qui les enlevez pour en faire des Gardiens ?

Contrastant avec la précédente gravité dans le ton, c'est un grand rire qui s'échappa de la bouche d'Uther, manifestement amusé par cette idée.

- Oui, je connais cette théorie. Mais ce n'est qu'une rumeur. Elle vient du fait que nos rangs soient composés entièrement d'orphelins, abandonnés ou dont les parents sont morts. Aucun parent sain d'esprit ne nous enverrait son enfant, et aucun enfant ne voudrait nous rejoindre. L'entraînement y est inhumain et la crainte d'être possédé par le Daemon est présente à chaque instant. Seuls ceux qui n'en ont pas le choix pourraient accepter une telle vie. Mais pour tous nos défauts, toutes nos tares, nous ne sommes pas des kidnappeurs d'enfant. N'ayez crainte.

Les jours passaient, et le village reprenait vie petit à petit, les maisons étaient remise sur pieds, et le sourire retrouvait sa place sur le visage des habitants.

L'homme mit la main à la pâte sans hésitation. Une fois les maisons rebâties, il aida aux champs, comme aux bêtes, il s'était juré de ne quitter les lieux qu'une fois que ceux-ci se seront remis de la visite d'Ignis qu'il considérait comme être de la faute des siens. La bête avait été libérée et les Gardiens en étaient les responsables, il était donc logique qu'un Gardien participe aux réparations du village. Cette mentalité lui valut les faveurs de tous, et s'il faisait tourner la tête des femmes, les hommes ne lui en tenaient pas rigueur tant il s'était déjà rendu indispensable. Les jeunes femmes du village et adolescentes tentèrent toutes leurs chances avec l'homme, essayant de mettre le grappin sur celui-ci, mais rien n'y faisait, l'homme était insaisissable. À chaque nouvelle avance, il riait, expliquant qu'il avait déjà connu l'amour dans cette vie et que cet amour lui avait déjà apporté tous les bonheurs qu'il puisse chercher. Il n'était rien que ces pauvres femmes ne puissent lui offrir de plus, et pourtant, cela ne les empêchait pas de tenter, plusieurs fois même, elles ne lui tinrent jamais rigueur pour ses refus.

Pour la première fois depuis bien longtemps, l'homme connut une vie paisible, loin des combats et des tracas de l'ordre, ce changement de rythme lui fit du bien, et il se surprit à apprécier cette vie calme. Il lui arrivait de se dire de temps à autre, que vivre ainsi ne serait pas si mal. Qu'il serait peut-être heureux ainsi, avec des terres et des bêtes, sans avoir à s'inquiéter du sort du Cosmos s'il devait disparaître. Enfin, sans soucis au final.

Mais cela lui était impossible, il avait un devoir. Et puis sa bien-aimée ne le permettrait pas, celle qui l'avait vus grandir et avec laquelle il passe ses journées depuis sa plus tendre enfance, celle à laquelle il offrit son cœur très jeune et à qui il jura fidélité. Oui, la Dame Baston était une femme exigeante mais si belle ! Il ne pouvait s'en séparer pour la Dame Paix, bien qu'elle ait ses charmes évidemment, elle ne faisait pas bouillir son sang de la même manière. Le Gardien vivait pour son devoir, bien sûr, mais par dessus tout, il vivait pour ce frisson. Pour l'excitation avant un combat, et il le cherchait à tout prix, était il le seul dans son genre ? Où était-ce une caractéristique récurrente des membres de son ordre ? Allez savoir, le fait est, que celle-ci lui interdisait de s'habituer à cette vie. Malgré tout, il lui arrivait d'envier les habitants de ce petit village sans soucis.

Véritablement, ce petit village au nom O combien familier pour le Gardien avait gagné son cœur. Les habitants lui apprirent que ce village serait celui qui vit le dieu Uther le Juste atterrir pour la première fois quand il aperçut la planète. C'est pourquoi ils décidèrent de l'appeler " ChuteLame ", un nom bien évocateur pour un endroit pareille.

- Uther, comme le nom du dieu, si ça n'est pas le destin, j'ignore ce que c'est ! Vous êtes apparus comme lui, et dans le même but, le destin se répète. Si vous me disiez que vous en étiez la réincarnation je n'aurais pas le moindre mal à vous croire ! Dirent les villageois alors qu'ils discutaient autour d'un repas chaud.

Une bonne journée de travail venait encore de se terminer et les hommes comme les femmes avaient bien mérité un peu de repos. Sur la place centrale, toutes les tables avaient été disposées et chacun venait se servir en nourriture comme en boisson. Les hommes, sans grandes surprises furent rapidement saouls, leurs femmes ou filles leur hurlant dessus, une drôle d'image pour le paladin, mais une qui lui firent du bien.

- Je n'ai pas la prétention d'être un dieu, Uther est devenu un nom assez commun, mais mon ordre en est très proche, et croyez moi, si ma venue n'est pas dû au hasard, c'est bien par la force d'Uther le Juste lui-même que je suis là. Il doit particulièrement affectionner votre manière de vivre. Vous savez, tout dieu de la guerre soit il, je suis persuadé que si les Daemon n'avaient pas pris vie, il aurait quand même pris forme humaine. Je pense de tout mon cœur qu'il aurait souhaité vivre comme vous le faite, paisiblement, en accord avec la terre. Vous, mes amis, êtes très probablement les suivants les plus proches de lui. Bien au-delà de l'Ordre des Gardiens... Mais, trêve de sentimentalisme... Mes amis ! Buvons !

C'est dans la joie et la bonne humeur que la soirée se continua, les femmes dansaient sur les tables, les enfants se courraient les uns après les autres, et les hommes buvaient a plus soif... Il ne manquait finalement que deux membres du village qui n'avaient pas pu se rendre aux festivités. Deux membres que pourtant, Uther aurait souhaité voir sans nul doute, malheureusement, impossible pour le jeune garçon. Sa survie était miraculeuse, malheureusement, le pauvre garçon n'avait pas encore repris ses esprits, et sa mère ne pouvait quitter son chevet. Aussi, ils décidèrent de faire la fête pour eux.

Le lendemain matin, les hommes se réveillèrent pour la plupart sous les tables de l'assemblée, les femmes et les enfants dormant bien confortablement dans leurs lits.

Ce n'est que le jour du départ que l'enfant repris ses esprits, son sommeil agité s'arrêta enfin, pour lui offrir la vision de sa mère le dorlotant, et de son sauveur a son chevet, souriant.

- Ça va p'tit gars ? Bien dormi ? T'as pris un sacré coup sur la tronche gamin, ça a dû sonner pendant un moment entre ces p'tites oreilles. Pile à temps pour le grand départ, on peut dire que t'as l'sens du timing.

Le garçon n'en revenait pas, non seulement, le héros était resté, mais il avait choisi pour jour de départ celui-ci, le destin semblait s'être mis dans la tête d'embêter le jeune garçon.

La journée se passa lentement durant la grande majorité de celle-ci, le gamin suivit Luther au pas, on croirait voir son ombre, imitant ses faits et gestes. Pour le garçon qui rêvait d'être un héros, celui-ci n'était autre que le modèle parfait, fort, drôle et gentil, un vrai chevalier comme dans les contes ! Malheureusement, toute chose a une fin, même les meilleures, et sans grande surprise, Uther dû quitter le village, et ce départ laissera un grand vide dans le cœur de l'enfant qui s'y était déjà beaucoup attaché. Pour saluer le départ de leur héros, les villageois s'étaient rassemblés pour lui souhaiter un bon voyage.

- Mes amis, ne pleurez pas mon départ ! Après tout, notre monde est bien petit, rien ne dit que nous ne nous reverrons jamais, que dis-je, il est certain que nous nous reverrons un jour ! Gardez vos larmes ! Je vous connais assez bien maintenant pour savoir que vous êtes des guerriers bien plus brave que nombre de chevaliers des différents royaumes de notre planète ! Et un guerrier, ça ne pleure pas, et si jamais il devait le faire, il se cacherait ! Alors bombez le torse et souriez, vous et moi, nous ne pleurons pas !

C'est sur ces mots, et sous les encouragements et salutations des villageois que le guerrier quitta les lieux, la dague d'Ignis en main, et sa lame à la taille, véritablement, il avait fier allure !

Toujours aux côtés de sa mère, l'enfant, lui, l'observait marché lentement, se mordant la lèvre pour ne pas pleurer, cet homme avait raison, " un guerrier ça ne pleure pas ", alors, il ne pleurerait pas.

Malgré tout, l'image de l'homme quittant sa vision le hantait. Il ne cessait d'y repenser, encore, et encore. Il savait bien qu'y repenser ne servait à rien, mais il ne pouvait s'en empêcher. Ainsi, il prit une décision.

Il attendrait que sa mère s'endorme, la nuit tombée, et le dîner digéré, il emballa ses quelques affaires, puis, le voilà qui suivait la direction qu'avait pris l'homme. Il était tard, et il n'avait pu aller bien loin, l'enfant suivit sa trace, sur plusieurs lieux, bravant sa peur, serrant les dents, un ridicule couteau de cuisine entre les mains pour toute arme et son courage pour tout bouclier.

Le chemin était long, et incertain, de nombreuses fois, il hésita à faire demi-tour et à rentrer, mais à chaque fois, il se remémorait le jour où son village avait été ravagé, et où il avait été impuissant... Certes, il n'avait que sept ans, mais tout de même ! Un homme doit pouvoir défendre les siens ! Et c'est ce qu'il comptait faire !

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