Mariella avait retrouvé sa famille et en était très heureuse. Cependant, en grandissant, elle souhaitait réaliser d'autres rêves : mieux connaître les humains, voguer sur un bateau, danser avec les hippocampes. Elle savait que peu d'entre eux seraient réalisables. Mais comme elle était une jeune fille enjouée, positive, toujours tournée vers l'avenir, elle se disait qu'elle pourrait y parvenir.

Elle avait essayé de penser très fort chaque jour à l'un de ses rêves, mais jusqu'à aujourd'hui, il ne s'était rien passé d'extraordinaire. Elle avait besoin de mettre des paillettes dans sa vie. Dans ses songes, Mariella communiquait avec de gentils humains qui lui parlaient et s'intéressaient à elle.

Sa famille lui procurait beaucoup de bonheur et de plénitude. Chaque jour apportait son lot de petites joies. Ainsi, lorsqu'une des petites sirènes dont elle s'occupait avait réussi à fabriquer un collier de coquillages, toutes les sirènes étaient euphoriques. Cet événement suffisait à susciter des rires et des chants.

Elle accompagnait alors de sa jolie voix l'enthousiasme communicatif de ces animaux fabuleux aux goûts simples. En totale harmonie, leurs queues se mouvaient ensemble au son de la voix de Mariella. Son chant résonnait dans l'eau. Des vagues de douceur amenaient à chacun une caresse bienfaisante.

Sa mélodie emplissait l'espace :

Élé, élé, élé, loniléla loniléla,

Donne-moi la main, danse avec entrain

Avec bonheur, montre-nous le chemin

Tous ensemble nous nageons,

Désormais réunis, sirènes et tritons,

Ohlaé ohlaé, ohlaé

Chantons aujourd'hui cette mélodie,

Encore plus belle sera notre vie.

Élé, élé, élé, loniléla loniléla.

Chacun retournait ensuite à sa tâche, conscient des liens qui les unissaient chaque jour davantage. Ces moments chaleureux au cours desquels tous fredonnaient donnaient un sens, une valeur au mot famille.

Ses parents étaient comblés par leur fille : celle-ci se chargeait des enfants de la communauté, les jeunes sirènes et les petits tritons. Elle s'était rendue indispensable auprès d'eux. Chacun louait sa gentillesse, sa disponibilité, sa joie de vivre.

Depuis qu'elle était revenue de son exploration maritime, elle racontait souvent tout ce qu'elle avait pu voir. Personne dans sa famille ne connaissait comme elle les tortues de mer, les poissons-pilotes, le petit humain qui avait échappé à la surveillance de ses parents et s'était approché d'elle pour sa plus grande joie... Elle n'avait rien oublié, et bien souvent, elle rêvait en secret d'y retourner.

Mariella avait changé. Au fond d'elle-même, elle se disait qu'elle pourrait nager encore au loin et faire à nouveau de belles rencontres. Elle était persuadée qu'une vie différente s'offrirait à elle, si l'occasion se présentait. Rien ne troublait jamais son quotidien. Comment trouver le moyen de le rendre plus excitant ?

Elle venait d'avoir dix-neuf ans. Désormais, elle était en âge de diriger sa vie par elle-même, si elle le souhaitait. Le problème est que tous les membres de sa famille vivaient ensemble toute leur vie. Aucun d'eux n'avait souhaité une existence différente. Leurs occupations étaient simples et bien rodées. Ils entretenaient ainsi chaque jour leur royaume, ramassaient des algues, des coquillages, tressaient des paniers en herbe de tortue ou collectaient de jolis cailloux multicolores. La conception des repas était au coeur de leur organisation. Chacun contribuait à sa façon à la réussite des menus.

Mariella ressentait le désir de partir encore et encore car elle pensait que rien n'était plus beau qu'un voyage vers l'inconnu, tout en sachant qu'elle pouvait revenir quand elle le voulait. Elle se sentait une âme d'exploratrice.

Tous les trésors qu'elle avait ramenés de sa première aventure avaient trouvé place dans un panier spécial, posé près de son lit. Chaque soir, elle prenait dans ses mains les coquillages aux couleurs changeantes, souvenirs de Graziella, la sirène qui était devenue son amie. Elle revoyait les dauphins, ces animaux si doux qui sautaient majestueusement dans l'eau. Nostalgique, elle caressait de ses doigts une écaille spéciale, dans les tons orangés, qui lui faisait penser à la tortue qu'elle avait connue au cours de son périple.

Un soir, une idée émergea, la seule entre toutes qu'elle pouvait réaliser sans que personne ne sâche ce qu'elle projetait d'entreprendre.