Chapitre 15 : Énergie Stellaire (1/2)
Où suis-je ?
Entrouvrant les yeux, Chris fut aussitôt assailli par une vive lumière. Il mit quelques instants à s'y habituer, puis entreprit de se redresser. Il se trouvait dans une de cabane en bois agrémentée par un mobilier rudimentaire.
Où suis-je tombé ? Que s'est-il passé ?
Sa mémoire ressemblait à un gruyère. La dernière chose qui ait à l'esprit était un visage flou, une femme lui semblait-il. Les rayons du soleil s'infiltraient au travers d'une ouverture dans le mur voisin, mais aussi par le biais d'interstices entre les planches. Le jeune homme prit appuis sur une chaise et se leva. Un courant d'air frais lui caressa le visage, un nuage de pollen vint lui chatouiller les narines.
Pourquoi cela me semble-t-il si étrange ? J'en ai l'habitude, non ?
Des images lui vinrent alors à l'esprit : une grotte, des racines colorées, un lac...
— L'Arche ! Bon sang, est-ce que... ce n'était qu'un rêve ?
Il se précipita à la fenêtre et eut le souffle coupé : le cabanon s'avérait perché sur les branches d'un arbre gigantesque, aussi haut qu'un gratte-ciel. Si grand que cela n'aurait pas dû être possible. Son point de vue dominait une forêt, un océan vert qui s'étendait à perte de vue, bercé par un soleil pâle entouré de quelques cumulonimbus.
— Magnifique, n'est-ce pas ? commenta une voix douce dans son dos. Je ne me lasserai jamais de ce paysage.
Chris se retourna précipitamment, manquant de renverser la table centrale. Un individu se tenait dans un coin d'ombre.
Non, c'est bel et bien une ombre ! se corrigea-t-il.
De cette forme humaine, il ne distinguait que les contours de la silhouette ainsi que, bizarrement, le sourire. Fronçant les sourcils, il comprit qu'il ne "voyait" pas l'ombre lui sourire, mais il "sentait" que c'était le cas.
— Qu'est-ce... qui es-tu ? Qu'est-ce qui se passe, où suis-je ?
— Beaucoup de questions, mais pas la bonne, rétorqua l'ombre en secouant tristement la tête.
Chris perdit l'équilibre. Il s'agrippa de justesse à la table et fixa le parquet.
Ça a tremblé, non ?
— Que...
Une nouvelle secousse, plus violente, l'envoya valser contre un mur en compagnie de la majeure partie du mobilier. Chris repoussa les débris d'une chaise vermoulue et chercha l'ombre du regard.
— Que se passe-t-il ? insista-t-il.
Il ne trouva qu'un mur vide. Rien qui prouve que l'étrange individu ait été là.
Les secousses s'intensifièrent. Accompagnée par un craquement sinistre, la cabane se mit à tourner sur elle-même. Le jeune homme, projeté d'un mur à l'autre, se cramponna au parquet lorsqu'il en eut l'occasion. Il laissa une traînée sanglante lorsque ses ongles furent arrachés, hurla de douleur tandis qu'il s'envolait à nouveau.
Ce manège infernal ne cessait d'accélérer. Propulsé encore et encore, Chris ne pouvait que e protéger maladroitement et sentait sa tête sur le point d'éclater !
— Faites que ça s'arrête ! supplia le jeune homme.
D'un coup, ce fut fini. Chris tomba dos à terre et le monde changea de couleurs. Il les perdit, en réalité. La cabane artisanale vira au blanc, puis elle disparut au profit d'une pièce aseptisée. Le puissant éclairage du soleil s'atténua jusqu'à se trouver remplacé par une lueur verdâtre, dégagée par une racine qui traversait le plafond.
Le cœur tambourinant dans la poitrine, des gobelins jouant du tam-tam dans son crâne, Chris s'efforça cependant de reprendre ses esprits. Cette racine ne pouvait être que celle d'un Lumineas.
Les derniers mois n'étaient donc pas un rêve...
Il tendit ses mains, les inspecta pour les trouver indemnes. Le souvenir de ses ongles arrachés restait pourtant gravé dans son esprit, comme une blessure ouverte. Il sentait encore la douleur pulser du bout de ses doigts.
Un bruit attira l'attention de Chris, qui se fit rouler sur le côté pour regarder derrière lui. Il tomba nez à nez avec un visage blafard, des yeux verts enfoncés dans leurs orbites. Il bondit en arrière, se recula à la hâte jusqu'à cogner contre le mur opposé. Un sourire étrange, illisible, se dessina alors sur cet étrange visage. Il se rendit compte qu'ils étaient séparés par une rangée de barreaux.
En étudiant plus attentivement son voisin, le jeune homme se rendit compte qu'il s'agissait d'une femme. Elle était si maigre que cela lui donnait l'air plus âgée, mais elle ne devait pas l'être beaucoup plus que lui en réalité. Ses joues creuses et parsemées de tâches de rousseurs étaient partiellement recouvertes par de grosses boucles d'une tignasse cuivrée très sale. Sous son menton, légèrement proéminant, Chris remarqua une déformation peu naturelle, une sorte de gros collier. Il avait lui-même un poids inhabituel autour de la gorge.
En passant les doigts autour de sa trachée, le jeune homme découvrit qu'une sorte de corde l'enserrait. De quelques centimètres d'épaisseur, rêche et rigide, elle ne gênait pas sa respiration. Il ne put cependant s'empêcher de tirer machinalement dessus. Une vive douleur le saisit alors ! Partant depuis sa nuque, une onde de choc se propagea dans tout son corps à la manière d'une décharge électrique !
Incapable de laisser échapper le moindre cri, Chris demeura de très longues secondes à convulser sur le sol. Lorsqu'il reprit enfin le contrôle, il avait un goût de sang dans la bouche.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? croassa-t-il à l'intention de sa voisine.
Le sourire sur les lèvres de l'étrange jeune femme disparut d'un coup. Elle recula sans dire un mot, les yeux ronds comme des soucoupes.
— Bien, tu es enfin de retour parmi nous ! salua pour sa part une voix derrière lui.
Quelques instants suffirent au jeune homme pour en trouver la source : un interphone, installé à côté d'une porte en métal. Son espace cloisonné comportait deux pans de murs opposés en béton. Dans les deux autres directions, sa zone était séparée d'autres identiques par des barreaux dignes d'un bureau de shérif, dans l'un de ces westerns qu'il affectionnait.
Une prison ?
Il n'eut pas loisir de s'attarder sur la question. La porte s'ouvrit et un individu s'introduisit dans sa cellule. Lorsqu'il découvrit un uniforme blanc, un mélange de peur et de colère saisit Chris qui serra les poings instinctivement, partagé entre l'envie de se faire tout petit dans un coin et celle de sauter à la gorge de l'intru. Sa conscience le retint de justesse, puis il reconnut le visage de son visiteur.
— Major Taller ?
La femme soldat affichait les traits tendus de quelqu'un qui n'a pas passé une bonne journée.
— Quel est ton nom ? répliqua celle-ci sans se dérider.
Pris au dépourvu, le jeune homme mit un instant à réagir.
— Vous savez très bien qui je suis ! s'énerva-t-il
— J'ai besoin de l'entendre de ta bouche, insista pourtant la militaire.
— Chris, Chris Martin.
Le major marqua encore une petite pause en le fixant avec attention, puis elle hocha finalement la tête. Elle déposa un plateau au sol — un plateau repas, constata-t-il — avant de lui tendre la main pour l'aider à se redresser. Un instant plus tard, le jeune homme se trouva assis sur une couchette en ferraille peu confortable, Taller debout face à lui.
— De quoi te souviens-tu ? questionna-t-elle. Tu sais comment tu as atterri ici ?
Chris fronça les sourcils. Les évènements du stade lui revenaient par vague.
— Où est Lily ? Elle va bien ? Et Jess ? ajouta-t-il précipitamment, avec une pointe de culpabilité.
Les choses ne lui apparaissaient toujours pas clairement, mais sa coéquipière avait pris sa défense. Lily, de son côté... non, il refusait de penser à cela.
— Elles vont bien, toute ton équipe va bien, répondit Taller rassurante. Ils ont juste été un peu secoués. Tu devrais d'abord te soucier de toi...
Chris acquiesça lentement. Il jeta un nouveau coup d'œil à son environnement.
— Je suis dans une cellule, c'est ça ?
Le major hocha la tête.
— Des soldats ont fait irruption pendant le match, ils m'ont arrêté, continua Chris. Ils m'ont fixé ça.
Il montra la chose qui lui enserrait le coup.
— C'est une racine de Pikral, répliqua le major. Tu ne sais vraiment pas de quoi il s'agit ?
La question semblait innocente, mais Chris vit quelque chose briller dans les prunelles de sa vis à vis. Il haussa les épaules, exprimant sa sincère ignorance.
— Pour faire court, reprit la militaire, elle est attachée à ton cou sur une dizaine de points. C'est une plante parasite, inoffensive tant que tu la laisses tranquille. En revanche, si tu la touches...
— J'en ai eu un aperçu, grimaça le jeune homme. Mais pourquoi on m'a mis ça ? Pourquoi je suis là ?
Il parvenait tout juste à se maîtriser, mais sentait que cela ne durerait pas. Il brûlait de se lever, de défouler ses nerfs. Ne rien comprendre à ce qui lui arrivait le mettait hors de lui !
La militaire le dévisagea un trop long moment en silence, puis elle laissa échapper un soupir et prit place à ses côtés.
— Notre ami commun m'a prévenue que tu n'aurais aucune idée des enjeux, qu'on t’avait caché cette partie de l'histoire, commença-t-elle. Il m'a envoyée m'assurer que tu allais bien et, surtout, combler ces lacunes.
Un ami commun ? Elle parle sans doute de Reinard...
— De quoi parlez-vous ?
— Par où commencer ? Bon, allons droit au but : nous ne sommes pas les seuls êtres humains sur Terre.
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