Chapitre 0
Cling ! Le sabre s’échappe de la main de l’adversaire et vient se ficher dans le sol. Le visage ébahi du pirate ennemi témoigne du fait qu’il ne semble pas réaliser le fait qu’il vient d’être battu. Pourtant, c’était bien le sabre de son opposant qui est posé sur son cou, juste assez pour faire couler un léger filet de sang mais pas assez pour le blesser. Le silence lourd qui régnait sur l’arène se rompt soudainement, et des hurlements de joie et des sifflements se font entendre. Tous les pirates du continent sont en admiration devant la nouvelle championne des corsaires. Les haut-parleurs grésillent, et la voix nasillarde du commentateur se fait entendre :
« Mesdames et messieurs pirates et corsaires, c’est tout bonnement incroyable ! C’est une inconnue qui vient de remporter le titre de champion des corsaires… »
Dans le public, une jeune femme n’écoute pas les paroles de ce stupide commentateur ; toute son attention est concentrée vers la jeune femme qui lève son bras armé vers le ciel en signe de victoire, un sourire fier lui fendant le visage. Les yeux brillants, elle détaille cette femme sortie de nulle part.
« Son nom est Oz, mesdames et messieurs, capitaines et moussaillons ! Levez-vous pour l’acclamer ! »
Oz, pense Alizée, quel drôle de nom. Elle se lève et applaudit ; elle hurle « Vive Oz ! » et « Bravo ! ». C’est comme un tourbillon d’euphorie, cette victoire insolite. Personne ne s’y attendait, personne n’aurait pu la prédire. Généralement, les championnats étaient plutôt prévisibles ; les nouveaux champions, on les avait vus monter le classement au fil des années. Le podium restait plus ou moins le même, les mêmes marins tournaient en fonction de leurs performances lors du tournoi. Mais Oz, la nouvelle championne ? C’était bien la première fois qu’elle participait à la compétition ! Personne ne l’avait vue avant. Je m’en souviendrais sinon. Le cœur d’Alizée bat à tout rompre, comme si c’était elle qui venait d’être nommée championne. Elle déglutit.
Tout autour d’elle, la foule s’excite. Elle qui a la chance d’être au premier rang, la voilà qui se fait écraser par ceux de derrière qui veulent voir d’un peu plus près la plus forte de tous les corsaires. Alizée voudrait qu’ils se tiennent un peu, mais se souvient qu’on ne peut pas tenir des matelots. D’habitude, ils attendent les festivités après le couronnement pour s’exciter autant, et Alizée en profite pour se tenir à l’écart -elle ne supporte que moyennement la foule. Mais la surprise de la finale a dû chauffer leur sang, car ils commencent à peu porter attention à ceux qui les entourent. Ils poussent, poussent, poussent et-
« Oh non, c’est terrible ! Pirates, matelots, je vous prie arrêtez, une spectatrice est tombée dans l’arène ! Vite, appelez des médecins ! Aïe, c’est une vilaine chute- »
La suite est brouillée ; la tête écrasée contre le sol poussiéreux, sa jambe formant un angle étrange, Alizée comprend que c’est d’elle que le commentateur parle. Mais les gradins n’étaient-ils pas à plusieurs mètres de hauteur ? Les marins manquaient bien de considération, s’ils l’avaient poussée jusqu’à la faire passer de l’autre côté des gradins. Ses oreilles bourdonnent, sa tête la fait souffrir. Au loin, elle entend une voix parler. Lever les yeux lui donne une migraine terrible ; mais son regard en croise un de couleur émeraude. Les plus beaux yeux qu’il lui ait été donné de croiser. Elle voudrait continuer de les fixer, mais ils tournent noirs. Ses yeux se ferment.
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