Un repos bien mérité

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                Dave ouvrit les yeux lentement, se sentant dans un cocon tout en ayant particulièrement mal au crâne, avant d’essayer de se relever en grognant.

                — Hola hola hola ! Doucement mon garçon ! Il ne faut pas se relever comme ça, rien ne presse…

                Deux larges mains calleuses vinrent se poser contre ses épaules pour le forcer à se rallonger tandis que le flou de son regard se dissipait lentement pour dévoiler un homme à la barbe blanche et fournie.

— Baldur ?

— Oui. Repose-toi. Ce sont de sacrés coups que tu as pris. Être champion de Guerre te donne de la force, mais pas de la résistance.

— Je suis où, là ?

                Le chasseur sourit.

— Chez nous, dans un bon lit douillet. C’est agréable, non ?

                Dave acquiesça lentement avant de reprendre.

— Je suis resté sonné longtemps ?

— Selon toi ?

                Dave fronça les sourcils, peinant à réfléchir tant sa tête résonnait, avant de demander.

— Une bonne journée ?

                Baldur pouffa.

— Trois jours. Le moins que l’on puisse, c’est que si sur le moment tu encaisses bien, après il te faut du temps pour t’en remettre…

                Dave porta une main à son front en marmonnant.

— J’ai l’impression d’entendre Astrid… J’ai une grosse plaie ?

— Non, ça va, tu ne devrais pas garder trop de traces.

— Cool… Comment va Barn ?

                Baldur resta silencieux quelques secondes avant de répondre.

— Ses jours ne semblent pas en danger, mais il souffre et crache beaucoup de sang. Ton coup en plein ventre a failli lui coûter la vie.

— À la base, je visais la tête… Je me suis ravisé au dernier moment…

— Et tu as bien fait, sinon je pense que tu lui aurais arraché la tête. As-tu soif ?

                Dave acquiesça et Baldur l’aida à se redresser avant de lui porter un gobelet en terre cuite aux lèvres grâce auquel le jeune homme put boire de longues gorgées.

— Merci. J’ai craint quelques secondes que vous me donniez de la goutte, mais je suis content que ça n’ait été que de l’eau…

                Baldur sourit de nouveau.

— J’ai vu au soir du grand banquet que tu ne tenais pas l’alcool. Je me suis dit que ce ne serait pas une bonne idée. Je suppose que tu souhaites te lever ?

— Oui… En espérant que j’arrive à tenir debout…

— Alors il va te falloir un pantalon.

                Dave ouvrit de grands yeux surpris tandis que Baldur expliquait.

— Nous ne pouvions pas te mettre au lit en armure. Et tant que tu es au repos, l’armure n’est pas recommandée non plus. Alors Astrid a demandé aux femmes du village de te faire des vêtements à ta mesure. Ce fut tout un défilé, crois-moi.

— Elles m’ont vu nu ?

                Baldur rigola de plus belle.

— Ma fille m’avait bien dit que cette idée te ferait peur. Rassure-toi, elle a mis un linge sur ton entrejambe, personne n’a rien vu.

                Dave soupira tandis que le trappeur lui apportait un pantalon en cuir, une chemise de lin et des bottes en cuir et fourrures tout en reprenant.

— En revanche, nous n’avons pas pu te retirer les bracelets… Désolé.

                Dave observa ses avant-bras et réalisa qu’en effet, ils étaient toujours accrochés à lui, mais qu’il ne les sentait pourtant pas.

— Ce n’est pas inconfortable ?

— Non… Comme une seconde peau… C’est léger, et ça ne me tient pas chaud…

                Le vieil homme posa les vêtements sur la table de chevet en bois aux côtés du lit avant de reprendre.

— Si tu le souhaites, il y a aussi une bassine d’eau chaude qui t’attend. Assez grande pour que tu puisses t’asseoir dedans tout en ayant de l’eau jusqu’aux épaules.

                Les yeux de Dave s’illuminèrent et il se leva en titubant tandis que Baldur lui attrapait le bras.

— Je crois que je vais t’aider un peu à te déplacer, qu’en dis-tu ?

— C’est une bonne idée…

                Quelques instants plus tard, il plongea dans un demi-tonneau très large et s’assit au fond en savourant la chaleur de l’eau parfumée qui détendit ses muscles et soulagea ses douleurs tandis qu’il regardait à travers elle les bleus qui parcouraient son corps.

— Ce connard de Barn cogne comme un sourd…

— On ne l’appelle pas Cogne Dur pour rien, mon petit. Tiens, prends ça. Ça t’aidera un peu.

                Baldur lui tendit une petite fiole au liquide rouge sombre, et le jeune homme s’en saisit en souriant.

— Une potion de soin ? Bonne idée.

                Le jeune homme la vida d’une traite tandis que son hôte, les sourcils froncés, reprenait.

— Astrid n’a de cesse de nous dire que tu ne connais rien de ce monde, mais tu reconnais une fiole de soin au premier coup d’œil. Comment se fait-ce ?

— C’est un standard des RPG.

— Des quoi ?

                Dave rigola intérieurement avant de répondre.

— Des jeux. Ce serait difficile à expliquer. En tout cas, merci pour la potion, j’ai moins mal au crâne comme ça.

— De rien. Quand tu seras lavé, tu pourras sortir. Je suis certain qu’Astrid a hâte de te revoir. Elle voulait te faire visiter le village.

— OK, merci.

                Baldur haussa un sourcil dubitatif avant de s’éloigner en marmonnant.

— Quel drôle d’oiseau…

                Le trappeur prit ensuite ses affaires de chasse et quitta la maison, laissant Dave savourer cet instant de confort contrastant drastiquement avec les instants passés à traverser la terre de Pangée aux côtés d’Astrid. Quand la baignoire commença à refroidir, il se frictionna vigoureusement le corps pour en décoller la crasse avant de se lever et d’en sortir. Il s’habilla ensuite et finissait d’enfiler ses bottes au moment où la porte s’ouvrit, dévoilant Ingrid vêtue de son uniforme et souriante.

— Tiens, Dave. Tu sembles te porter bien mieux.

— Oui, madame, merci beaucoup. Et merci aussi pour le bain.

— Mais de rien. Tu es le sauveur de notre princesse, ça te vaut quelques égards de notre part. Les vêtements sont à ta mesure ?

— Oui, je vous remercie.

— Bien. Alors, profites-en et sors. Astrid était sur la place du village quand je l’ai quittée. Et n’oublie pas ta bourse.

                Dave acquiesça, récupéra son argent et se dirigea vers la porte avant de s’arrêter.

— Et pour la baignoire ?

— Oh, ne t’en fais pas pour ça, je m’en occupe.

— D’accord. Merci encore.

                Il ouvrit la porte et plissa les paupières quelques secondes, aveuglé par le soleil, avant de sortir en refermant derrière lui puis s’aventurer dans la ville au gré des envies. Quelques têtes se tournèrent sur son passage, mais il n’en tint pas compte, repérant le hall de la victoire pour s’orienter et se diriger dans sa direction. Après quelques minutes de marche, il arriva sur la place où s’affairaient quelques villageois réparant les maisons et la demeure du roi tandis que les commerçants essayaient de vendre leurs articles avec plus ou moins de succès. Il ralentit toutefois devant la forge en la découvrant fermée, mais reprit vite sa progression jusqu’à ce qu’une voix connue s’élève.

— Dave ! Je suis là !

                Le jeune homme se tourna en direction d’un magasin vendant des bijoux pour y découvrir une jeune femme blonde eux yeux bleus et au visage parsemé de taches de rousseur vêtue d’une longue robe noire soulignant admirablement ses formes. Sa longue chevelure était parfaitement coiffée et nattée, et passée par-dessus son épaule gauche pour descendre se perdre sur son sein tandis qu’elle avançait d’une démarche légèrement chaloupée.

— Je suis si heureuse de voir que tu es rétabli !

                Alors qu’elle arrivait à sa hauteur, Dave s’exclama.

— Astrid ?

— Bien sûr, qui d’autre ?

                La mâchoire légèrement entrouverte, Dave la dévisagea des pieds à la tête avant de murmurer.

— Qu’est-ce que tu es belle !

                Astrid baissa la tête en passant une mèche de cheveux derrière son oreille pour cacher le rouge qui lui montait aux joues avant de répondre.

— Je te remercie, ça me touche beaucoup. Tu es plutôt bel homme toi aussi, habillé de la sorte. Tu ressemblerais presque à un notable.

                Dave haussa les sourcils quelques secondes, essayant de deviner s’il s’agissait d’un compliment ou d’une raillerie avant de répondre.

— Merci… Je présume…

                Astrid partit de son rire clair avant d’enrouler ses bras autour de celui de Dave qui se raidit instantanément à son contact.

— Viens, je voudrais te faire visiter !

                Elle voulut l’entraîner à sa suite, mais le jeune homme ne bougea pas, son regard se portant vers la boutique de bijoux. Quand elle s’en aperçut, Astrid demanda.

— Tout va bien ?

                Il ne lui répondit pas, mais se dirigea vers l’échoppe pour s’arrêter devant un présentoir qu’il observa avec intérêt jusqu’à ce que la vendeuse, une dame âgée à la peau usée par le temps se dirige vers lui en souriant de toute sa mâchoire édentée.

— Bonjour, voyageur, que puis-je faire pour vous ?

                Dave releva la tête et sourit à la femme qui se redressa subitement, les yeux emplis d’émotions.

— Vous êtes le champion de Guerre !

                Il lui rendit un sourire gêné avant d’acquiescer tandis qu’Astrid venait se placer à ses côtés, et la vieille reprit.

— Que me vaut l’honneur de votre visite, champion ?

— Oui, Dave, qu’il y a-t-il ?

                Le jeune homme posa un doigt sur la vitrine du présentoir avant de demander.

— Combien pour ce bijou, s’il vous plaît ?

                La vieille femme et Astrid regardèrent toutes deux l’objet désigné, un magnifique diadème en or travaillé dont les entrelacs ressemblaient à autant de branches de rosier en fleur qui s’entrecroisaient tandis qu’en son centre une pierre précieuse brillait à la lumière du soleil, et la vendeuse sourit.

— Je vois que vous avez des goûts raffinés, messire. Pour vous, et pour vous remercier de ce que vous avez fait pour le village, ce sera un cadeau de ma part.

                Elle commença à ouvrir sa vitrine quand Dave l’interrompit, gêné.

— Non, je vous en prie… Je voudrais vraiment en connaître le prix.

                La femme s’arrêta avant de le dévisager, visiblement surprise, avant de demander.

— Vous refusez mon cadeau ?

                Dave se passa une main derrière la tête avant d’émettre un rire sonnant faux et répondre.

— Bah, c’est pour offrir… Alors, offrir quelque chose qui m’a déjà été offert, je trouve ça très irrespectueux, en fait…

                La vieille femme lança un bref regard à Astrid, celle-ci dévisageant Dave sans comprendre ce qu’il se passait, avant de sourire et ouvrir la vitrine.

— La personne à qui vous en ferez cadeau a bien de la chance. Accepterez-vous néanmoins que j’en baisse le prix ?

                Dave se saisit de sa bourse qu’il ouvrit pour regarder les pièces qu’elle contenait et répondit.

— J’avoue que je ne suis pas contre…

— Bien. Que diriez-vous de quarante pièces d’or ?

                Dave compta ce qu’il possédait avant de répondre.

— Je peux monter jusqu’à cinquante. S’il vous plaît.

                La vieille sourit tendrement.

— Vous tenez tant que ça à elle ?

— Disons que je lui dois beaucoup. Peut-être même que je lui dois tout.

— Bien, alors disons cinquante si cela vous tient tant à cœur.

— Merci.

                Il vida sa bourse sur le comptoir tandis que les vieilles mains aux doigts maigrelets se saisissaient du diadème pour lui tendre avec délicatesse sous le regard ébahi d’Astrid.

— C’est vrai qu’il est très beau. Je ne sais pas à qui tu en feras cadeau, mais elle aura de quoi être heureuse !

                Dave se saisit du bijou en remerciant la femme d’un mouvement de tête avant de se tourner vers Astrid.

— Alors j’espère que tu seras heureuse.

                La jeune femme se raidit tandis que la vendeuse souriait, puis elle balbutia quelques secondes avant de demander.

— Mais pourquoi moi ? Je veux dire… Je ne suis rien pour toi… Ni ta compagne, ni un membre de ta famille, ni même ton amie… Je ne suis que ta débitrice…

                Dave lui offrit un sourire sincère.

— C’est là que tu te trompes. Tu es celle qui m’a appris tout ce que je sais, qui m’a accompagné, m’a conseillé et a cru en moi, m’a soutenu et s’est allègrement payé ma tête, et a pris soin de moi tout du long. Sans toi, je serais sûrement mort dans un fossé à l’heure qu’il est… Et, quoi que tu en dises, tu es une amie pour moi.

                Le visage d’Astrid passa de la surprise à la gratitude et elle lui sourit en retour tandis qu’il reprenait.

— Alors, tu acceptes mon cadeau ?

                La jeune femme acquiesça avant de fermer les yeux en inclinant légèrement la tête, et Dave y posa le bijou en souriant.

— Il te va bien.

                Astrid rouvrit les yeux, le regard pétillant de joie tandis qu’il reprenait.

— Et puis avec ça, tu es vraiment une princesse.

                La jeune femme lui offrit un regard courroucé, mais son sourire trahit son véritable état d’esprit, et après quelques secondes elle répondit.

— Si j’arrête de t’appeler princesse, tu en feras autant ?

— Promis.

— Alors je ne le ferais plus. Mais merci encore.

— D’autant qu’il te va vraiment bien, et que c’est un cadeau sincère.

                Le sourire d’Astrid se fit plus large et Dave reprit.

— Alors, tu me fais visiter ?

— Oui, suis-moi !

                Elle lui reprit le bras et ils se mirent en route sous le regard attendri de la vendeuse pour ne rentrer chez Astrid qu’à la nuit tombante. Les parents de celle-ci les accueillirent avec entrain avant de s’immobiliser en découvrant le bijou. Baldur se pencha alors vers Dave en murmurant.

— Serais-tu en train de demander ma fille en mariage ?

                Dave ouvrit de grands yeux paniqués avant de s’écrier.

— Non ! Je voulais simplement la remercier !

                Le vieil homme soupira.

— Tu me rassures… Non pas que tu ne sois pas un bon parti, mais je préférerais que ma fille ne devienne pas une femme tout de suite, si tu vois ce que je veux dire.

                Dave déglutit difficilement.

— Oui monsieur… Je vois bien… Et je vous promets qu’il n’en est rien.

— Parfait. Alors viens à table, la bière est fraîche, savourons-là.

                De leur côtés, Astrid et sa mère parlaient à voix basse en rigolant tandis que Dave s’attablait en la dévorant du regard, un sourire niais aux lèvres.

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