Entraînement

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                Essoufflé et en sueur, Dave gémissait allongé sur le dos, chevauché par Astrid tout aussi transpirante que lui et souriante au possible.

                — Il faut qu’on arrête, je n’en peux plus, je n’ai plus de force…

                Une mèche blonde collée au visage par la transpiration, Astrid fit un sourire triste en posant une main sur le torse nu du jeune homme.

— Tu es sûr que tu n’en peux plus ? Moi, je trouvais qu’on était bien partis pour faire ça tout l’après-midi. Et puis, j’aime tellement ça. Pas toi ?

                Dave laissa sa tête reposer sur le sol en soupirant.

— Bien sûr que si. Et je suis certain qu’avec quelqu’un d’autre que toi, ce serait nettement moins bien, mais laisse-moi au moins cinq minutes pour souffler, tu veux bien ?

                Astrid se pencha vers lui avant de rouler sur le côté pour s’allonger à ses côtés.

— D’accord, allons-y pour cinq minutes de repos, tu les as largement méritées.

— Merci.

                Il se saisit d’une outre d’eau dont il but une longue gorgée avant de se redresser sur le coude pour dévisager la jeune femme à ses côtés en souriant quand leurs regards se croisèrent, et il put lire le plaisir dans ses yeux.

— Tu es insatiable. Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne me surprend même pas…

                La jeune femme se redressa à son tour.

— J’adore ça, et tu es un partenaire plutôt doué, même si tu es encore un peu pataud.

— Ça va, excuse-moi, je débute…

                Elle lui sourit avant de se relever et épousseta son pantalon et sa tunique pour ensuite se pencher et ramasser son épée.

— Tu es prêt à remettre ça ?

                Dave soupira avant de se relever lentement à son tour.

— Putain, je sens que demain je vais être perclus de courbatures…

                Il se pencha pour récupérer son épée avant de se mettre en garde en souriant. Aussi éprouvant que soit l’exercice, la voix de Savoir s’était déjà élevée plusieurs fois pour lui annoncer que son entraînement lui avait permis de faire monter ses compétences de combat aux armes à une main de cinq niveaux, et il espérait bien en gagner encore quelques-uns d’ici la fin de la journée, aussi choisit-il de continuer à s’entraîner malgré le soleil couchant. Astrid affermit sa prise sur le marteau de Sol et demanda.

— Prêt ?

                Dave acquiesça et aussitôt la jeune femme leva son arme pour l’abattre sur son partenaire d’entraînement qui se déporta sur le côté avant de lancer son épée dans un arc de cercle parfait visant les côtes de la jeune femme. Celle-ci avait déjà pu lancer son marteau sur le côté, et l’épée de Dave se retrouva bloquée par le manche de l’arme à deux mains. À peine les deux armées étaient-elles entrées en contact qu’immédiatement Dave se lança dans le sens opposé en levant un peu plus le bras à hauteur de la tête d’Astrid qui se retrouva obligée de soulever son marteau pour parer le coup. Une fois l’attaque de Dave parée, Astrid profita qu’il se tenait dos à elle pour lui asséner un puissant coup de pied dans le bassin, déséquilibrant le jeune homme qui chuta face contre terre avant de rouler au sol en brandissant son arme devant lui. Il ouvrit alors de grands yeux effrayés et roula de nouveau sur le côté alors que le marteau de Sol s’écrasait là où se trouvait son torse quelques secondes plutôt. Levant son arme pour la poser sur son épaule, Astrid rigola.

— Celui-là, il ne t’aurait pas fait du bien.

— C’est le moins qu’on puisse dire…

                Le jeune homme se releva avant de se voûter, complètement à bout de souffle.

— Je suis vraiment épuisé, Astrid… Arrêtons-là pour aujourd’hui, je t’en supplie…

— Non !

                Alors qu’Astrid armait un coup visant à atteindre Dave dans l’estomac s’éleva la voix de sa mère quelques mètres derrière eux.

— Astrid ! Dave ! Rentrez ! Ça suffit pour aujourd’hui ! Le dîner est prêt et la bière est servie !

                Le visage de la jeune femme se fit triste alors que Dave souriait.

— Putain, sauvé par le gong…

                La guerrière vint se mettre à ses côtés et lui asséna un violent coup de poing sur l’épaule qui manqua de le déséquilibrer.

— Aïe ! Mais t’es malade !

                Elle lui sourit avant de répondre.

— Et demain, ce sera pire ! Allez, rentrons manger, tu l’as bien mérité.

                La combattante s’en alla en accrochant son arme dans son dos tandis que Dave se massait l’épaule en la suivant.

— Je persiste à penser que le coup de poing dans l’épaule n’était pas nécessaire…

— Arrête de faire ta chochotte et dépêche-toi.

                Dave rengaina son épée avant de la rejoindre en trottant et en enfilant sa chemise tandis qu’Astrid reprenait.

— Tu as été béni par Guerre, comporte-toi comme un guerrier, tu veux bien.

                Dave leva les yeux au ciel avant de répondre.

— Mais je l’ai fait. Pense à ton pauvre forgeron transi d’amour. Il vient seulement de se réveiller, le pauvre…

                Astrid haussa les épaules.

— Il n’avait qu’à pas te défier, que veux-tu que je te dise.

                Elle poussa la porte de la maison de ses parents pour être accueillie par son père qui s’exclama.

— Ah, ma princesse ! Alors, comment s’est passée la journée d’entraînement et de leçons ?

                Dave, qui venait de franchir la porte à la suite de sa professeure, marmonna.

— Bah votre princesse m’a littéralement botté le cul toute la journée…

                Baldur s’esclaffa.

— Je la reconnais bien là, ma petite fille adorée ! Sais-tu qu’elle a demandé à sa mère de l’entraîner alors qu’elle n’avait que quatre ans ? On pensait même qu’elle finirait par prendre sa place à la tête de la garde du roi. Mais cette petite chipie n’en a fait qu’à sa tête et a préféré partir découvrir le monde et courir l’aventure à travers les pays, n’est-ce pas ma chérie ?

                Alors qu’Astrid allait se plaindre des révélations de son père, Ingrid intervint en apportant le plat à table.

— Cesse donc de l’embêter, Baldur. Sa vie est loin d’être terminée, et elle a toute latitude pour faire ce qu’elle souhaite. Qui sait, peut-être choisira-t-elle d’intégrer la garde quand ses rêves d’aventure auront été assouvis, ou encore quand elle choisira un mari et souhaitera une vie plus rangée. Peut-être même nous donnera-t-elle des petits-enfants.

                Dave haussa un sourcil dubitatif à l’idée de voir la jeune femme se contenter d’une vie aussi calme tandis qu’Astrid répondait.

— Désolé pour vous, mais ce n’est pas près d’arriver, ne serait-ce que parce que j’ai une dette d’honneur envers Dave et que je dois donc l’accompagner dans sa recherche du temple de Sol.

                Commençant à remplir les bols d’un potage au fumet alléchant dans lequel flottaient quelques morceaux de viande, Ingrid répondit avec une fausse innocence.

— Et peut-être que c’est lui ton futur époux…

                Dave ouvrit de larges yeux d’étonnement avant de reculer d’un pas tandis qu’Astrid s’écriait.

— Maman ! Cesse de raconter des inepties ! Je suis juste sa débitrice ! Et puis, quitte à prendre un époux un jour, j’aimerais être la plus féminine des deux.

                Les yeux toujours grands ouverts de surprise, Dave tourna la tête vers elle en s’écriant.

— Hey ! J’ai un physique d’homme ! Désolé si je ne ressemble pas à un titan, mais je n’ai pas non plus un corps de serpent, pas la peine d’être insultante !

                Comprenant la blessure qu’elle venait de lui infliger, Astrid fit la grimace en rentrant la tête dans les épaules avant de se tourner vers lui tandis que les visages de ses parents s’assombrissaient.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, Dave…

— Ouais, t’as juste dit qu’entre nous deux, j’étais celui qui ressemblait le plus à une femme…

                Se tournant vers Ingrid, il ajouta.

— Désolé madame, le dîner a l’air très bon, mais bizarrement, je n’ai plus faim…

                Le visage fermé, celle-ci répondit en essayant de lui présenter un sourire plus chaleureux que compatissant, en vain.

— Je comprends, ne t’excuse pas…

                Il la remercia de sa compréhension d’un mouvement de tête avant de rouvrir la porte de la demeure et de sortir. Une fois dehors, il mit un coup de pied dans un caillou avant de faire quelques pas jusqu’à se retrouver au milieu de la rue de terre et soupirer. Il entendit alors la porte s’ouvrir et se refermer derrière lui puis Astrid l’appeler doucement.

— Dave… Je suis désolée, je ne voulais pas te blesser…

                Le jeune homme haussa les épaules avant de croiser les bras sur son torse sans se retourner.

— De toute façon, c’est fait.

                Astrid continua à s’approcher de lui.

— Rentre, s’il te plaît… La nuit est tombée, la température va très vite chuter…

                Il maugréa.

— Et alors ? Comme je ne suis pas un Nordien, je ne peux pas y survivre, c’est ça ?

— Non, ça n’a rien à voir… Allez, viens manger pendant que c’est chaud…

— Je n’ai pas besoin que tu veilles sur moi comme si tu étais ma mère.

                Astrid baissa la tête quelques secondes avant de demander.

— Pourquoi tu réagis comme ça ?

                Il y eut un bref silence avant que le jeune homme réponde.

— Toute ma vie, on m’a pris pour un faible et traité comme tel. J’ai été humilié, frappé et racketté jusqu’à ce que je te rencontre. Tu as été la première à te montrer bonne et gentille avec moi. Jusqu’à ce soir. Mais au final, même toi, tu te seras foutue de ma gueule…

                Il y eut un second silence alors qu’Astrid cherchait ce qu’elle pouvait dire pour réconforter son sauveur quand celui-ci reprit.

— Je vais dormir dans les écuries et je partirais demain à l’aube. Tu n’es pas obligée de me suivre, je m’en sortirais tout seul, et comme ça tu ne seras plus obligée de veiller sur quelqu’un de faible. Tu n’auras qu’à dire que je t’ai libéré de ta dette.

                Il se mit alors en route sans se retourner malgré les appels répétés d’Astrid et resta à marcher pendant presque une heure avant de se décider à se rendre aux écuries. Une fois à l’intérieur, il avisa un box vide dont il ouvrit la porte quand la voix de Baldur s’éleva derrière lui.

— Donc, tu vas réellement dormir ici ce soir ?

                Dave grogna sans même tourner la tête et Baldur reprit.

— Est-ce que tu sais que pour un Nordien, voir son hospitalité être rejetée est un affront ?

                Dave leva les yeux au ciel avant de répondre d’un ton sarcastique.

— Et vous, est-ce que vous pouvez imaginer que rester dormir chez quelqu’un qui a aussi peu d’estime pour moi et qui se montre insultante envers moi est une idée qui me rend malade ?

                Il entendit le chasseur se lever tandis que celui-ci demandait.

— Alors que fait-on ? Nous nous battons tous les deux pour notre honneur ? Allons, mon garçon, tu sais qu’Astrid ne pensait pas à mal. Et tu sais que non seulement elle s’en veut, mais qu’en plus elle souffre de ton départ.

                Dave pinça les lèvres avant de répondre d’un ton acerbe.

— Bien, comme ça en plus je culpabilise. Maintenant, c’est sûr, je ne vais pas revenir.

                Baldur vint se placer à ses côtés sans toutefois le regarder, se contentant de fixer le mur opposé du box.

— Écoutes gamin, ne pourrais-tu pas réfléchir à tout ceci et assouplir quelque peu ta décision ? Que tu ne souhaites pas rentrer après tout ceci, je peux l’entendre, mais laisse Astrid t’accompagner dans ta quête. Être libérée de sa dette de la sorte serait pour elle le pire des déshonneurs, et je ne pense pas que tu ais envie de lui infliger ça.

                Dave serra les poings quelques instants avant de murmurer.

— De toute façon, je n’ai pas encore rassemblé d’équipement… Elle n’a qu’à venir demain, on verra bien à ce moment-là si j’ai envie de l’avoir à mes côtés ou pas…

                Baldur sourit avant de lâcher un sac aux pieds du jeune homme.

— Tiens. De la viande séchée et une outre de vin, pour que tu puisses quand même avoir quelque chose dans le ventre.

                Le jeune homme hésita quelques secondes avant de répondre.

— Merci monsieur.

                Celui-ci répondit avec détachement.

— Oh, il n’y a pas de quoi. Notre sens de l’hospitalité nous l’impose. Si ça ne tenait qu’à moi, tu serais resté l’estomac vide, ça t’aurait servi de leçon.

                Posant sa forte main sur l’épaule du héraut de Guerre, il reprit.

— Passe une aussi bonne nuit que possible malgré tout.

                Dave se tourna enfin vers lui pour lui présenter un sourire fatigué, mais reconnaissant.

— Merci, vous aussi.

                Baldur s’éloigna sans dire un mot de plus, et Dave attendit que la porte des écuries soit refermée avant de prendre le sac et rentrer dans le box. Il s’assit ensuite sur la paille et mangea la viande séchée tout en buvant avant de s’allonger et s’endormir. Quand il se réveilla le lendemain matin, il vit Astrid assoupie et appuyée contre un des murs du box. Il afficha un sourire triste avant de se lever pour s’installer aux côtés de la jeune femme et la pousser doucement du coude pour la sortir du sommeil. Quand enfin elle ouvrit les yeux, elle le dévisagea quelques secondes puis sourit à son tour.

— Bonjour Dave.

— Salut.

— Tu es toujours fâché.

                Il reporta son regard devant lui pour fixer un point imaginaire avant de répondre.

— Je ne sais pas trop… Est-ce qu’on peut réellement rester fâché envers une amie qui nous est chère ?

                Astrid sourit de plus belle avant de poser sa tête contre son épaule.

— Moi aussi, je te considère comme un ami précieux.

                Elle hésita quelques secondes avant d’ajouter.

— Je te demande sincèrement pardon.

— Moi aussi. J’ai eu une réaction excessive. Mais… J’ai été rejeté tellement de fois… Si je n’avais pas autant tenu à toi, ça ne m’aurait pas fait aussi mal, tu sais…

— Je sais.

                Elle se releva et tendit la main vers le jeune homme.

— Allez. Mon père m’a dit que tu n’avais pas de matériel. Ensuite, nous nous entraînerons, et ce soir tu dormiras chez nous. Nous ne partirons pas tant que tu n’auras pas fait une vraie bonne nuit de sommeil dans un bon lit bien chaud, c’est bien compris ?

                Dave sourit sans la quitter des yeux.

— Merci.

                Il se saisit de la main tendue et Astrid l’aida à se relever.

— Ce n’est rien.

                Elle lui décocha ensuite un puissant coup de poing dans l’épaule avant d’ajouter.

— Mais la prochaine fois, je vise la tête.

                Se massant l’épaule tandis que la guerrière s’en allait, Dave murmura.

— Ben mon vieux, qu’est-ce que ça aurait été si tu m’avais détesté...

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