Le sacrement

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                Dave ouvrit lentement l’œil droit, le gauche semblant incapable de lui obéir, et regarda autour de lui pour se découvrir dans une chambre richement meublée. Il se redressa en grognant, le corps perclus de courbatures et parcouru d’hématomes, et s’assit sur le rebord du lit pour se lever lentement. Une fois debout, il s’avança lentement vers une porte qu’il ouvrit pour découvrir deux gardes en faction lui barrant le passage. L’adolescent hésita quelques secondes avant de demander en murmurant.

                — Où est Astrid ?

                L’un des gardes lui répondit d’une voix puissante.

— Dame Astrid est en entretien avec les rares prêtres de Sol encore en vie, et ne devrait pas tarder à venir vous voir, Monseigneur.

                Dave cligna plusieurs fois de l’œil, perplexe, avant que le garde ajoute.

— Les prêtres de Sol ont recommandé que vous gardiez le lit jusqu’à leur venue. Ils pensent que vous avez besoin de repos, car, malgré votre statue d’Hérault des Anciens Dieux, vous restez un homme, et que votre corps a été soumis à rude épreuve…

                Dave balaya l’affirmation de la main.

— Conneries… Laissez-moi passer…

                Il voulut repousser les gardes avant de tituber, et les hommes en armes le saisirent immédiatement pour le soutenir.

— Voyez, Monseigneur. Il n’y a pas de honte à être un peu faible après avoir affronté un démon.

— Lâchez-moi…

                Les deux gardes le ramenèrent au lit malgré ses requêtes répétées pour le rallonger et rabattre les couvertures sur lui. Dave exprima son désaccord plusieurs fois avant de sombrer dans le sommeil, pour se réveiller de nombreuses heures plus tard. Il découvrit alors sa coéquipière assise aux côtés du lit, un large sourire aux lèvres et toute apprêtée.

— Bonjour, Dave. Tu te sens mieux ?

                Souriant à son tour, celui-ci répondit.

— Mon œil gauche s’ouvre un peu, et j’ai moins mal à la tête… J’ai dormi combien de temps ?

— Trois jours.

                Dave entrouvrit la bouche avant de murmurer.

— J’ai si mal fini que ça ?

                Astrid rigola.

— Oh, je crains que ce ne soit que le début.

— Tu dis ça à cause de notre quête ?

— Pas que…

                Dave fronça les sourcils avant de demander.

— Pourquoi ce petit sourire en coin ?

                Astrid rigola de nouveau.

— Je crois que je vais devoir t’épouser…

                Dave ouvrit de grands yeux choqués.

— Mais, pourquoi ?

— Réfléchis donc.

                Dave pencha la tête avant de se redresser en s’exclamant.

— Parce que je suis l’Hérault des Anciens Dieux. Tu as dit que tu m’épouserais si je devenais la personne la plus célèbre des terres de Pangée !

                Astrid acquiesça.

— Mais un truc va te rendre célèbre encore plus vite. Tu connais la tradition empiréenne du combat de la couronne ?

                Dave la dévisagea quelques secondes avant de murmurer.

— Dis-moi que ce n’est pas ce que je crois…

                Le sourire d’Astrid s’agrandit.

— Eh, si. Celui qui tue l’empereur prend sa place. Vive l’empereur Dave.

                Dave se voûta, abattu, et il s’écoula de longues secondes avant qu’il ose prendre la parole.

— Tu sais, pour cette histoire de mariage… Je te rassure, je ne compte pas te faire la moindre demande… Je n’ai pas envie que tu te sentes obligée de quoi que ce soit, et que tu te retrouves prisonnière d’un homme parce que tu as dit une bêtise.

                Astrid déposa un baiser sur la joue de son coéquipier avant de répondre.

— Je m’y attendais, et je t’en remercie. Maintenant, te sens-tu capable de te lever et de faire ta toilette ? Le peuple attend depuis des jours, le sacre est prêt, l’Empire n’attend plus que toi.

— Pitié…

— Non, Dave, je suis sérieuse. Tu te lèves, tu te laves, et tu y vas.

— D’accord…

                L’adolescent retira la couverture pour se rendre dans ce qui pouvait s’apparenter à une salle de bain, et y fit une toilette complète avant de revenir dans la chambre et découvrir la tenue qui l’attendait.

— Sérieusement ? Il y a tellement de fourrures que je vais ressembler à un loup-garou…

                Astrid rigola encore.

— J’étais sûre que tu aurais préféré une robe de princesse !

                Dave la fusilla du regard sans répondre, et s’habilla en silence pour ensuite ouvrir la porte de sa chambre. Il recula immédiatement en poussant un cri de surprise alors que des clairons lui hurlaient dessus tandis qu’une cohorte de gardes frappaient le sol de la hampe de leur hallebarde, et les rires d’Astrid redoublèrent alors que Dave s’écriait.

— C’est quoi, ce bordel ?

— Ton escorte.

— Mais pourquoi la fanfare ?

— Pour avertir le peuple que le sacrement va avoir lieu, pardi !

                Dave fusilla sa coéquipière du regard.

— Et tu ne pouvais pas m’avertir ?

                Toujours hilare, Astrid peina à répondre.

— Et me passer de ta réaction ? Oh, ça non, alors !

                Dave grogna, mais finit par emboîter le pas à la parade, suivi de près par Astrid.

— Tout ceci est ridicule…

— Ne te plains pas. J’ai cru comprendre qu’en général, au moment du sacrement, le futur empereur est défié à mort par des gens voulant s’accaparer le trône, mais comme tu as l’épée de Sol et que tu as tué un démon, personne n’oserait rien faire. Ils voient en toi l’envoyé de leur dieu tutélaire, et respectent sa volonté.

— Chouette… Une journée sans combattre, quelle chance…

                Dave et Astrid furent conduits au Temple de Sol, et la cérémonie pû commencer. Quatre heures plus tard, Dave, fraîchement sacré, fut conduit à la salle du trône sur lequel il s’assit en soupirant.

— Quelle mascarade inutile…

                Astrid vint lui faire une grande révérence, et Dave soupira une seconde.

— Arrêtes, veux-tu ? Tout ceci est ridicule !

                Se redressant, sa coéquipière répondit.

— Et tu vas avoir du mal à aller au temple de Terre si tu restes coincé sur le trône…

                Le jeune prêtre de Sol qui avait sauvé la vie de Dave s’avança alors en s’inclinant respectueusement.

— Empereur, si cela peut vous faciliter la vie, je vous signale que vous avez un intendant.

                Dave et Astrid échangèrent un regard dubitatif avant que la Nordienne intervienne.

— Intendant qui était au service du démon. Ce n’est pas rien.

                Le prêtre la contredit.

— Mais ne s’est pas transformé en démon, et n’a pas disparu à la mort d’Azurael, ce qui signifie qu’il est un être humain normal. Sous sa surveillance, l’empire a prospéré, puisque l’Empereur ne se préoccupait que de son armée.

                Astrid et Dave échangèrent un nouveau regard avant que le jeune empereur se tourne vers le prêtre.

— Je veux bien le rencontrer, dans ce cas, Karigar. Dis-lui de venir, s’il te plaît.

— Très bien. Je vais vous le chercher.

                Le prêtre se retira tandis qu’Astrid s’approchait de Dave.

— Tu serais prêt à lui faire confiance ?

— Est-ce qu’on a le choix ?

— Comme tu veux… Après tout, c’est toi l’empereur…

— Oh, arrête !

                L’intendant arriva quelques secondes plus tard pour trouver Dave bougonnant et Astrid hilare et marqua sa surprise par le haussement de son sourcil droit avant de s’incliner.

— Vous souhaitiez me voir, empereur.

                Le fou rire d’Astrid s’intensifia, et Dave attendit une longue minute qu’elle se calme enfin pour prendre la parole.

— Intendant Adémar, quels sont les plans pour l’avenir de l’Empire ?

                L’intendant acquiesça comme s’il s’attendait à cette question.

— La priorité de l’usurpateur Azurael était d’accroître nos forces militaires, mais je pense que ce plan n’a plus lieu d’être.

— En effet.

— Bien. J’ai donc planifié une restructuration des armées qui libérera les conscrits en quelques mois au lieu de plusieurs années, de façon à économiser les fonds de l’Empire tout en diminuant les taxes et les impôts. Ensuite, il faudrait, selon moi, travailler à restaurer les relations diplomatiques avec les autres régions des terres de Pangée, et œuvres à développer le commerce extérieur, tout en lançant un grand chantier d’urbanisation financé par les revenus de nos exportations.

                Astrid et Dave échangèrent un regard perplexe avant que l’adolescent demande.

— Vous seriez en mesure de gérer tout ça tout seul ?

— Bien entendu, empereur. Ce qui vous permettrait de vous concentrer sur votre quête.

                Dave acquiesça, et Adémar reprit.

— Toute fois, je vous suggère de régulièrement repasser ici. Le peuple sera toujours ravi de connaître l’avancée de votre mission divine, et ce sera bénéfique pour son moral.

                Dave acquiesça de nouveau.

— Si vous le dites…

— Oui. Ensuite, j’ai une question purement technique. Désirez-vous qu’un régiment vous accompagne pour vous aider à accomplir vos tâches ?

                Les deux aventuriers échangèrent un nouveau regard avant que Dave réponde.

— Non. L’Hérault des Dieux doit affronter ces travaux tout seul.

                Lançant un bref coup d’œil à sa coéquipière, il ajouta.

— Enfin… Je serais tout seul le jour où Astrid aura réglé sa dette d’honneur… Mais c’est ma mission, et ce ne serait pas honorable de m’appuyer sur l’armée pour l’effectuer.

                Adémar acquiesça.

— Soit. Je vous suggère néanmoins d’attendre la fin des festivités de votre sacrement pour repartir. Le peuple en sera content, et ça permettra aux survivants du culte de Sol de travailler à vous trouver des informations utiles. Et, aussi, les forgerons auront du temps pour vous fabriquer de l’équipement de qualité.

                Dave se pinça les lèvres et Astrid intervint avant qu’il ne puisse refuser.

— C’est une excellente idée. Partir à l’aventure sans savoir ni où n’aller ni à quoi s’attendre est trop risqué…

                Dave la dévisagea, pensif, avant de refaire face à son intendant.

— Soit, faisons comme ça…

— Selon votre volonté. Autre chose ?

— Non, ce sera tout.

                Adémar pencha humblement la tête en avant.

— Alors je me mets au travail.

                Il fit demi-tour et s’en alla. Dès qu’il eut quitté la salle, Astrid se tourna vers Dave.

— Une semaine de répits, pendant laquelle d’autres travailleront à nous faciliter la tâche, ça ne se refuse pas.

                Dave acquiesça.

— En effet…

                Lançant un bref regard à sa coéquipière, il ajouta.

— Ça te va bien, d’être habillée en dame de la cour.

                Astrid sourit avant de faire jouer les manches bouffantes de sa robe.

— C’est vrai, ça te plaît ?

— Beaucoup.

                Astrid tourna sur elle-même, et Dave savoura le spectacle. La robe, faite de tulle et de tissu cousus d’or, soulignait à merveille sa taille et ses seins, faisant ressortir tout ce qu’il y avait de plus féminin en elle et effaçant presque entièrement la guerrière pour donner l’image d’une femme fragile. L’adolescent ne put s’empêcher de sourire à ce spectacle, imaginant déjà quelques nobliaux de la cour qui tenteraient de séduire la belle avec un peu trop d’insistance, mais se garda bien de faire part à Astrid de cette idée. Après quelques instants de contemplation, sa coéquipière le tira de ses pensées.

— D’après toi, est-ce que le temple de Terre recèlera des pièges aussi ?

                Dave acquiesça lentement.

— Je pense qu’il faudra s’attendre à des épreuves dans chaque temple, pour nous tester. Réflexion, combats, pièges, magie, monstre… Sans mise à l’épreuve, pas de récompense…

— Comme pour vérifier que tu es digne d’être l’Hérault des Anciens Dieux ?

                Dave acquiesça.

— Exactement… Et la première épreuve de chaque temple sera de trouver où il est dans les terres de Pangée…

                Astrid réfléchit quelques secondes avant de parler.

— Maintenant, avec l’aide des prêtres de Sol survivants, ça devrait être plus facile…

— J’espère… J’espère…

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