Vers de nouveaux horizons
Les festivités durèrent une semaine, comme l’intendant l’avait annoncé, et dès le lendemain, les survivants de l’Ordre de Sol vinrent faire à Dave un compte-rendu détaillé de leurs recherches en même temps que le nouvel empereur et sa coéquipière essayaient les pièces d’armure finement ouvragées qu’avaient préparées les forgerons pour eux.
Karigar, le jeune prêtre de Sol qui avait sauvé Dave, était devenu son interlocuteur privilégié depuis, et servait d’intermédiaire entre l’Ordre de Sol et l’empereur, et se tenait aux côtés d’une immense carte des terres de Pangée. Il y pointait un endroit légèrement derrière la frontière de l’Empire, en Sylvia, et traça un itinéraire qui laissa Dave perplexe.
— Je ne comprends pas, Karigar ?
Le jeune prêtre se tourna vers lui.
— Oui, empereur ?
Dave se leva de son trône pour se rapprocher de la carte.
— Pourquoi un tel détour ?
Il posa le doigt sur le tissu et le fit glisser de la capitale de l’Empire jusqu’à sa destination.
— Ce ne serait pas plus simple de se rendre du point A au point B sans détours ?
Karigar sourit.
— Si, mais d’après ce que nous avons trouvé dans nos parchemins, le seul chemin existant pour se rendre au temple de Terre passe par la capitale Sylvianne. Et leur roi, Atellan de la lignée des Nananteliens, semble être le seul à pouvoir vous ouvrir ce passage. Ce qui signifie qu’aucun détour n’est possible.
Astrid intervint.
— Et qu’il faudra aussi faire preuve de diplomatie. Ce sera le moment rêvé pour renouer les liens entre l’Empire et Sylvia…
Dave soupira.
— J’aurais préféré laisser ça à un ambassadeur… Mais bon, si je n’ai pas le choix…
Il se tourna vers Astrid, qui essayait des avant-bras de plate, et sourit.
— Nous allons devoir prévoir quelques vêtements de qualité dans nos bagages, pour pouvoir être présentables à la cour du roi Atellan.
Astrid lui sourit.
— Voilà qui te fait une occasion de plus de me complimenter !
Dave rougit sans pouvoir expliquer pourquoi, avant de refaire face à la carte, peinant à se concentrer.
— Donc… Euh… Je disais…
Il se tourna vers Karigar et demanda.
— Je disais quoi ?
Le jeune prêtre lui sourit.
— Vous parliez diplomatie, Empereur.
— Ah, oui, c’est vrai… Je me disais qu’on ne pouvait pas y aller les mains vides. Il nous faut des cadeaux, en gage de bonne volonté, non ?
L’intendant Adémar, qui était resté silencieux jusque-là, fit un pas en avant.
— Le roi Atellan ne se laissera pas acheter par de la verroterie. C’est un Sylvien. L’âme humaine n’a pas de secret pour eux, et il saura lire dans votre cœur si vous méritez d’être accepté par le temple de Terre ou non. Les cadeaux pourraient être perçus comme une offense…
Dave se pinça les lèvres avant de murmurer.
— Mais, venir les mains vides me donne l’impression d’arriver en conquérant…
Retirant un plastron de plate, Astrid commenta.
— Venir avec des intentions pures, c’est un beau cadeau, vu le comportement de l’Empire avant ton sacrement.
Dave soupira.
— Espérons-le…
Faisant de nouveau face au prêtre de Sol, il demanda.
— D’autres choses à savoir ?
— Non, empereur.
— Bien, alors, nous nous mettrons en route demain à l’aube. Je vous remercie, Adémar et toi, de votre contribution.
Le jeune prêtre s’inclina respectueusement.
— Nous sommes là pour vous servir, en tant qu’empereur et en tant que Hérault des Anciens Dieux.
— Bah, merci quand même.
Karigar se retira tandis qu’Adémar dévisageait Dave.
— Qu’il y a-t-il, Adémar ?
L’intendant sembla hésiter avant de répondre.
— Dans la mesure où vous devrez vous confronter au roi de Sylvia, ne devriez-vous pas accepter une escorte à la hauteur de votre rang et de la situation ?
Dave hésita quelques secondes lui aussi.
— Non. J’y vais avant tout en tant que Hérault des Anciens Dieux, alors je dois y aller seul. Ou, tout du moins seulement accompagné d’Astrid. Et je ne reviendrais pas sur ma décision.
Adémar s’inclina.
— Soit, si telle est votre volonté.
L’intendant se retira, laissant Dave seul avec Astrid, souriante.
— Nous repartons enfin à l’aventure.
L’adolescent sourit.
— Tu semblais plutôt dans ton élément.
— Peut-être, mais la vie d’aventurière me convient plus. Et puis, tous ces nobliaux en quête d’aventures d’un soir m’ont fatiguée, et je pense qu’il se pourrait que, bientôt, j’en frappe un, s’ils continuent de penser qu’au prétexte que je suis Nordienne, je couche avec tout le monde.
Dave ne put s’empêcher de rire.
— J’avais parié avec moi-même que ça finirait comme ça, et, en toute honnêteté, j’aurais adoré voir ça !
Astrid s’approcha de lui en fronçant les sourcils.
— Aimerais-tu me voir leur inculquer le respect ?
— Bien sûr que oui !
Le visage de la Nordienne s’étira d’un large sourire.
— En fait, tu aimes me voir me battre, tout simplement.
Dave acquiesça.
— C’est sans aucun doute là que tu es la plus belle.
Il ouvrit subitement de grands yeux choqués en réalisant ce qu’il venait de dire, tandis qu’Astrid rigolait.
— Tu es vraiment étrange, Dave. Aussi courageux qu’un chaton, mais aussi brave qu’un Nordien, et un humour déplorable.
Dave laissa s’échapper un rire nerveux.
— Oui… Oui, je sais, mon humour est pathétique… En tout cas, ton enthousiasme fait plaisir à voir.
— Merci ! Mais, maintenant, il est temps de te coucher !
Dave ouvrit de grands yeux étonnés, et Astrid reprit.
— J’ai pu constater que si tu ne dors pas assez, tu es tout ronchon le lendemain, oh, empereur !
L’adolescente se remit immédiatement à rire tandis que Dave la fusillait du regard. Il se mit néanmoins à l’imiter après quelques secondes et répondit, souriant.
— Je reconnais avoir déjà sommeil. Cette semaine a été éprouvante. Je te souhaite une bonne nuit, Astrid.
— À toi aussi. Et profite bien, car, dès demain soir, nous recommencerons à partager la même couche.
Dave se raidit avant de murmurer.
— Ah, oui… Bien… Bonne nuit.
Il se détourna de son amie et se rendit dans sa chambre, se déshabilla et se coucha.
Le lendemain matin, aux aurores, il se tenait droit sur sa selle aux côtés d’Astrid, dont le sourire trahissait la joie.
— Enfin, nous allons respirer l’air frais de la nature.
Dave sourit alors que les portes de l’écurie s’ouvraient devant eux.
— En tout cas, je suis content de te revoir aussi enthousiaste.
Ils se mirent en route pour découvrir que le peuple de la capitale s’était rassemblé tout le long du chemin pour les saluer, et ils ne trouvèrent rien à en dire jusqu’à être sortis de la capitale. Une fois dehors, ils parvinrent à retrouver leurs esprits, et Astrid commenta.
— Par tous les Anciens Dieux, le peuple t’aime !
Dave répondit, toujours choqué.
— J’aurais aimé être aussi populaire chez moi…
Astrid sourit.
— Si tu venais à croiser les gens de ta vie d’avant, ils seraient obligés de se prosterner devant toi, tu te rends compte ?
Dave pensa à son lycée, à Robert Deville, Josh Mac Ridy et Sarah Miller, et répondit, laconique.
— Crois-moi, ça ne changerait strictement rien. Ce serait peut-être même pire… Mais, je m’en moque, puisque c’est avec toi que je suis, et je préfère de loin ta compagnie !
Astrid le dévisagea avant de demander, curieuse.
— Quel village pourrait se moquer du fait que tu sois tout à la fois l’Empereur et l’Hérault des Anciens Dieux ?
Dave soupira.
— Un endroit horrible où les plus violents rabaissent les plus intelligents pour rester de fausses idoles… Un endroit où tout ce que je peux accomplir ici ne serait que source de moqueries…
— Tout ceci travaille ma curiosité… Ce n’est pas la première fois, depuis que je te connais, que je me dis que j’aimerais bien voir le monde comme toi, et que j’aimerais savoir qui tu es réellement.
Dave repensa à l’Amulette de la Libération que lui avait donnée Sol, et envisagea de l’offrir à Astrid, quand l’avertissement de l’Ancien Dieu lui revint.
— Il faut un tempérament hors du commun pour supporter ça sans devenir fou, alors choisi judicieusement.
Dave se ravisa alors avant de soupirer.
— J’aurais beau te l’expliquer, je ne ferais que te sembler plus fou qu’avant… Laissons donc mon passé derrière moi, et concentrons-nous sur notre quête.
Astrid murmura, peinée.
— Soit… Tant pis…
Dave la regarda du coin de l’œil, avant de demander.
— J’ai dit quelque chose qui t’a blessé ?
Astrid se contenta de hausser les épaules, arrachant à Dave un long soupire. Après quelques secondes de silences, il reprit.
— Le grand mage de ton village avait raison, quand il disait que je venais d’ailleurs.
— Oui, tu viens de l’Empire, je sais.
— Non…
Astrid dévisagea Dave, et celui-ci répéta ce qu’il avait dit au grand mage à l’époque.
— J’ai vécu dans un autre endroit, différent d’ici, beaucoup plus avancé technologiquement… Et c’est cette technologie qui m’a envoyé ici… Je ne sais pas comment te l’expliquer… Dans mon monde, vous n’êtes pas réels, vous êtes le fruit de l’imagination d’un développeur… Et moi, je suis un élève qui se fait chahuter par des mecs comme Barn… Puis pouf, je me retrouve ici alors que je voulais juste jouer à un jeu vidéo, et… Et voilà…
Astrid le dévisagea avec intérêt, avant de poser la même question que le grand mage avant elle.
— Es-tu saoul ?
Dave ne put s’empêcher de rire.
— Non, mais le grand mage m’a posé la même question à l’époque…
Astrid réfléchit quelques secondes avant de répondre.
— Tu devrais me donner l’Amulette de la Libération, ce serait plus simple.
Dave se raidit à l’évocation de l’artefact sacré avant de répondre.
— Rappelle-toi ce que Sol a dit. Cette amulette pourrait te rendre folle. Et, moi, je ne veux pas que tu deviennes folle… Je tiens trop à toi pour te souhaiter du mal.
— Même si ça doit me maintenir dans l’ignorance ?
Dave se pinça les lèvres.
— Je ne peux pas prendre une telle décision. Je suis partagé entre la joie de me dire que tu serais comme moi, et la peur que ça tourne mal… Ne me force pas la main, s’il te plaît, et laisse-moi le temps de choisir. Tu veux bien ?
Astrid acquiesça lentement.
— Je ne comprends rien à ce que tu essaies de m’expliquer, mais d’accord, j’attendrais que tu sois prêt. Ceci dit, je suis flattée que tu t’inquiètes ainsi pour moi. Ça prouve que j’ai une certaine place dans ta vie.
Dave sourit.
— Je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un que de toi de toute ma vie…
Astrid haussa les sourcils.
— Et tes parents ?
Dave soupira de nouveau.
— Mes parents ont passé leur vie à s’inquiéter pour moi, à cause de tous ceux qui me chahutaient. Ils semblaient penser que j’étais trop faible pour pouvoir affronter ça…
— Il faut dire que tu ne t’es visiblement jamais rebellé.
— Non, c’est vrai. Mais, crois-moi, il faut beaucoup de force et de courage pour encaisser tout ça sans rien dire, en se contentant de miser sur l’avenir pour m’offrir une revanche.
Astrid sourit.
— Pour ma part, je pense que si tu devais les croiser aujourd’hui, tu saurais leur botter les fesses comme jamais personne ne leur aura bottées avant toi.
Dave haussa les épaules.
— C’est possible, mais… Malgré tout ce qui a changé en moi ces derniers temps, je ne suis pas sûr que je le ferais… Pour moi, la violence n’est pas la solution.
Astrid se pencha vers lui, l’air menaçant.
— Je veux que tu me jures quelque chose, Dave.
L’adolescent haussa les sourcils, dubitatif, avant de grogner.
— Dis toujours…
— Jure-moi que, si tu les recroises un jour et qu’ils te cherchent querelle, tu les affronteras comme le guerrier que tu es, et que tu triompheras en utilisant juste la force dont tu as besoin.
Dave se pinça les lèvres, aussi Astrid insista-t-elle.
— Jure-le-moi.
Dave hésita avant de soupirer.
— Je te le jure.
— Que me jures-tu ?
— Je te jure de les vaincre avec juste la force dont j’aurais besoin.
Astrid sourit.
— Tu me le jures sur ton honneur de Hérault des Anciens Dieux ?
Dave cria.
— Quoi ?
Astrid se redressa, fière d’elle.
— Ainsi, je suis sûre que tu ne te défausseras pas de ta parole, le moment venu. Allez, jure-le !
Dave soupira.
— Très bien… Je te jure sur mon honneur de Hérault des Anciens Dieux que, le jour venu, je les vaincrais en utilisant uniquement la force dont j’aurais besoin. Tu es heureuse ?
Un gong retentit alors que devant Dave apparaissait une information importante.
Succès déverrouiller : Prêter serment en tant que Hérault des Anciens Dieux
Nouvelle quête : Accomplir le serment prêté en tant que Hérault des Anciens Dieux
Dave soupira avant de murmurer pour lui-même.
— Super, j’ai maintenant une quête pour en dehors du jeu… Le pied…
Astrid le regarda en souriant.
— J’en connais un qui vient de recevoir un message de Savoir.
Dave acquiesça.
— Oui. Le serment a bien été entendu par les Anciens Dieux, il n’y a pas de problème…
Astrid se mit à rire.
— C’est une bonne chose, ça te motivera. Mais, ce jour-là, pense surtout à moi. Ça t’aidera à te rappeler quel guerrier honorable tu es, et peut-être retrouveras-tu ainsi ta force, ton courage et ta bravoure actuelle.
Dave sourit à son tour.
— Possiblement. Je me sens tellement fort quand tu te tiens à mes côtés.
Astrid rigola.
— Sauf quand je suis nue.
Dave devint immédiatement rouge, et Astrid rit de plus belle.
— Ah, Dave… Si tu connaissais le nombre d’hommes qui auraient essayé de tirer profit de la situation.
Dave haussa un sourcil.
— Et combien d’entre eux auraient fini dans un état nécessitant des soins urgents ?
La jeune femme rigola plus fort.
— Tu as bien raison ! Je sais que ça surprend beaucoup les Empiréens, mais les Nordiennes ne sont pas des chiennes en chaleur couchant pour le plaisir. Même si mon peuple a le sang chaud et aime les plaisirs de la chair, la monogamie fait partie du culte de Guerre. Et bien qu’elle fasse aussi partie du culte de Sol, les Empiréens sont plus prompts à l’ignorer sciemment que les Nordiens.
Dave rigola.
— Ça ne m’étonne pas vraiment…
Il regarda l’horizon, un léger sourire aux lèvres, et Astrid l’observa de longues secondes avant de demander.
— Pourquoi ce petit air béat ?
Dave lui lança un bref regard avant de demander.
— Béat, carrément ?
La Nordienne haussa les épaules.
— Bien heureux, au minimum…
Dave haussa les épaules à son tour.
— J’aime être avec toi, j’aime t’entendre parler de ce monde, j’aime voyager à tes côtés, et même me battre à tes côtés. Et, le jour où tu auras regagné ta liberté, je perdrais quelqu’un qui m’est très cher…
Astrid lui mit un violent coup de poing dans l’épaule en s’exclamant.
— Ce jour-là, tu pourrais me proposer de continuer à partir à l’aventure à tes côtés, et j’accepterais peut-être, tu ne crois pas ?
Dave regarda sa coéquipière en souriant, comprenant qu’elle souhaitait l’accompagner jusqu’au bout de sa quête, par-delà sa dette d’honneur, et acquiesça.
— J’en serais honoré, tu peux me croire.
— Et moi aussi.
Ils se sourirent avant de refaire face à la route, quand Astrid lança son cheval au galop.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je gagne du temps !
Dave s’élança à sa suite pour la rattraper tant bien que mal, et Astrid lui sourit.
— Plus vite on arrive, plus vite on vit de nouvelles aventures !
— Mais, nos chevaux ne tiendront jamais la cadence ! Nous avons quatre jours de route devant nous !
— Alors galopons aussi longtemps que possible avant qu’ils ne fatiguent, puis nous irons au pas jusqu’à ce qu’ils soient assez reposés, puis nous galoperons de nouveau, et ainsi de suite ! L’aventure nous appelle, et j’ai grand-hâte d’y être.
Dave rigola.
— Astrid la Vagabonde, tu es folle !
La jeune femme lui sourit à pleines dents.
— Et toi, tu dois être plus fou que moi, pour me suivre partout !
Les deux adolescents rirent aux éclats tandis que leurs montures galopaient en soulevant un petit nuage de poussière.
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