Frustration
C’est compliqué à expliquer, mais avoir entendu « si ça va pas, tu peux me contacter » une fois, un jour, ne rend pas automatique et naturel le besoin de se confier quand le jour arrive où il s’en fait sentir. Un peu parce qu’on échange surtout des banalités, des petites blagues ou parfois des choses plus profondes, mais très généralistes : venir parler de mes tourments casserait une ambiance à laquelle je tiens et tu tiens toi aussi.
J’ai quand même essayé de me livrer un jour chez toi, un dimanche après Noel. Je t’ai parlé du vilain grain de sable récent dans mes rouages. J’ai senti monter les larmes que j’essayais de retenir par pudeur, et je me souviens que nerveusement sur la table je roulais en boule avec mes doigts le papier de deux chocolats, parce que ce que je racontais, et à qui j’étais en train de le raconter, me bouleversait ! Je me souviens que je pleurais par lâcher-prise comme ça peut arriver à tout le monde et je répétais la phrase, tout à fait vraie « Tout ce que je veux c’est une vie simple. Je veux juste une vie simple ». J’aurais tellement eu besoin que tu me prennes dans tes bras, ou qu’au moins tu poses ta main sur les miennes, nerveuses.
Bien entendu ce que tu as fait ce jour-là était très cohérent avec ta vision des choses… Ce souvenir est MON souvenir, pas le tien. C’est mon fardeau.
Tu as tendu une oreille attentive et c’est une bonne chose dans un couple ! Je ne pouvais pas attendre quelque chose qui n’est pas dans tes habitudes. D’ailleurs je n’avais pas d’attentes du tout ce jour-là, juste un besoin resté inassouvi, que je te confie maintenant qu’il y a prescription.
Là tout de suite j’ai envie de repenser à la patinoire, qui était ma première fois : je me souviens de ce jour, de ta main donnée, ton aide proposée en cas de besoin, tes mots d’encouragement. Peut-être un de mes meilleurs souvenirs non pas par l’activité, mais parce que j’ai pu voir ce jour tout ce que j’attends d’une relation… soutien, confiance, douceur, présence, connivence. Tu pouvais aller patiner loin, seul, sans moi, à ta grande vitesse maitrisée : j’en étais contente je ne te ralentissais pas, je ne semblais pas être un poids et tu revenais régulièrement me retrouver avec envie et bienveillance, constater mes progrès et les accompagner…
Je patinais façon Bambi apprenant à marcher dans le classique Walt Disney, mais je sentais ta main patiemment tenir la mienne dans cette petite épreuve et prouesse physique ! Tu étais l’espace d’un instant mon pilier, mon équipier, mon protecteur.
La patinoire a été une métaphore parfaite de nos personnes en tant que couple, car même moi j’étais ce jour-là ce que je suis généralement : hésitante, mais battante. J’essaie de bien faire en toute humilité, en toutes circonstances, et je ne pense pas à la chute.
Ce jour-là, j’avais eu un premier déclic avec toi, que j’ai précieusement gardé pour moi. Mais à trop mettre en collection privée les moments et sensations précieuses que je retiens de nos temps partagés, je perds un peu du sens de notre histoire. On ne débriefe pas, on ne se met pas en état de béatitude.
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