Chapitre 8 - Partie 2
Deirane n’arriva pas à finir. Le souvenir était trop douloureux. Nëppë le comprit. Elle serra la jeune femme contre elle. Mais au lieu de la soulager, cela déclencha la crise. La jeune femme berça un moment sa future belle-sœur.
— Ils m’ont violée, dit-elle enfin entre deux sanglots.
— Tous ?
Deirane mit un long moment à répondre. Elle se laissait aller dans le giron de son amie. Enfin, elle sembla se reprendre. Les pleurs s’espacèrent. Mais elle resta longuement entre les bras accueillants.
— Je ne sais pas vraiment, je crois que le premier m’a à peine touchée. Je ne suis pas sûre.
— Ça devait être la bande du Poing alors. Un guerrier libre les avait infiltrés.
— Ils les ont arrêtés ?
— Non, on a retrouvé le guerrier attaché à un arbre. Torturé à mort. Il n’avait pas eu le temps de transmettre ce qu’il avait appris. Tu as de la chance qu’ils ne t’aient pas tuée.
— Ils ne pouvaient pas, le sort gems.
— J’avais oublié.
Deirane s’écarta.
— Le vrai nom du Poing est Stranis.
— Tu te rends compte que pour ce seul nom, la Pentarchie serait prête à te couvrir d’or ?
— Je l’ignorais. (Elle fit un petit sourire triste). Sinon, j’aurais monnayé le renseignement.
Nëppë prit un mouchoir dans sa poche, elle commença à essuyer le visage tout chiffonné.
— Et quand as-tu connu Dresil ?
— Quelques douzains plus tard. Lors du grand marché d’été de Sernos.
— Je me souviens. Il avait déjà effectué quelques visites à Sernos, mais c’était son premier grand marché. Il était tout excité en revenant. Je croyais que c’était à cause de l’événement, mais en fait c’était toi, la cause.
— À l’époque, je ne m’étais rendu compte de rien, mais mes amies n’ont pas arrêté de me chambrer.
— Normal, on est toujours la dernière à se comprendre de ce genre de choses.
Nëppë berça un moment la jeune fille comme un bébé. Brusquement, elle se raidit.
— Dis-moi. Quel âge a Hester ?
— Quatre mois, bientôt cinq.
— Ça ne colle pas.
— Comment ça ?
— Si Hester a quatre mois, qu’on rajoute la durée de la grossesse, si vous vous êtes rencontrés au grand marché d’été, Dresil ne peut pas être le père d’Hester.
— Il n’est pas le père. J’étais déjà enceinte à l’époque.
— Qui alors ?
— L’un des brigands sur la route. Je ne sais pas lequel.
Nëppë se leva brutalement et s’éloigna de la jeune fille, une expression horrifiée sur le visage.
— Tu veux dire que j’ai gardé chez moi le fils d’un violeur ?
La violence de l’attaque coupa le souffle à Deirane.
— C’est mon enfant avant tout.
— Mais Dresil n’est pas son père, tu nous as trompés.
— Je n’ai trompé personne, je n’ai jamais dit que c’était le fils de Dresil. Et lui non plus d’ailleurs. S’il avait été le père, il ne se serait pas privé de s’en vanter.
L’argument était pertinent, mais Nëppë n’était pas disposée à l’admettre.
— Dresil le sait ?
— Bien sûr qu’il le sait ! s’écria Deirane. Après ce qui s’est passé, je ne supportais plus qu’un homme me touche. Il lui a fallu des mois d’efforts pour que je lui fasse confiance. Et pourtant je l’aimais.
Nëppë respira un bon coup.
— Dresil t’a choisie. Et il a choisi d’élever ton fils comme le sien. Je ne m’opposerai pas à lui. Mais je ne suis pas obligée de t’apprécier. À l’avenir, nos relations se limiteront à la cordialité de mise entre membres d’une même famille, mais ne m’en demande pas plus.
Deirane regarda la jeune femme.
— Un jour, je porterai les enfants avec Dresil, dit-elle, Hester n’est pas son fils ; les suivants le seront.
— Alors, ne tarde pas trop. Nous verrons à ce moment.
La jeune paysanne regarda sortir celle qui venait brutalement de se déclarer son ennemie. Quand elle fut seule, elle s’effondra sur le lit, en larmes.
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