- Votre mère a pas tort, fit remarquer à la fratrie leur oncle Emmanuel, affichant un sourire joueur, effectivement, vous n'étiez pas toujours très tendre avec lui !

- C'est tout ce qu'il méritait, lança Baptiste, saisissant enfin l'occasion de plaisanter.

Dans le ventre de Marine, ça se dénoua un peu. C'était pas bon non plus. On n'engageait pas de telles conversations pour ensuite les saigner à blanc, chacun y allant de son scalpel de futilités.

- Il se cherche, dit Chloé, la jeune tante, compagne d'Emmanuel. Même à vingt ans, c'est normal. Faut que jeunesse se fasse...

À cette intervention Marine se retint d'expulser son fiel. Chloé proposait la nulle, comme ça, sans broncher ! Madame voulait qu'on conclue, à défaut de résoudre ! Tout en se réservant la semi-correction de ne s'en être pas trop mêlé, elle suggérait ça : compteurs à zéro et zou, retour à la gastronomie. C'était pour ça qu'on était là, non ? ! On n'allait pas le changer, le Papi. Sauf que le Papi, il en avait encore derrière la mâchoire.

- Nous, à vingt ans, on passait un an à l'armée, on faisait notre service militaire. Oui je sais ce que vous vous dites ; je finis quand même. Tout le monde était pareil : riches, pauvres, intellos, etc. « Tu parles combien de langues ? Trois ? Quatre ? Bien ! Il y a les chiottes à nettoyer. » Aujourd'hui, les gamins sont lancés dans la vie, sont tentés de faire n'importe quoi. À l'armée, au moins, on nous ramenait tous à égalité. Il vaut mieux que vous pensiez que votre Papi est un vieux con plutôt que de me taire.

- Cependant, répliqua Mamie, sérieuse, déterminée, boursouflée de tact, faisant danser son long index pointu, mes petits-enfants sont tous très bien élevés. Papi couvrit son visage de rides béates et entoura de son bras l'épaule de son épouse.

- Certes, ma chérie, certes. Mais sache que c'est une chance ! Puis, se tournant vers le petit peuple qui partageait sa table :

- Ah, elle vous aime, votre mamie... Heureusement qu'elle est là. Sinon, vous vous diriez que votre Papi est trop dur.