Chapitre 7 - Sans maison.
L'après-midi printanier tire à sa fin dans l'air clair et frais de Saint James Park. Les pelouses, les allées et les bancs se vident peu à peu de tous les moldus qui étaient venus y flâner.
Sous un grand chêne, un couple et leur enfant observent de petits écureuils craintifs en tentant de les amadouer par des miettes de pain. Au bout d'un moment, comme ils se résignent à ne pas pouvoir finir par caresser ces froussardes petites boules de polis, ils rebroussent chemin après avoir remis le garçonnet titubant dans sa poussette.
Les cahots du chemin secouent l'engin et une petite peluche en tombe.
Mais les parents ne remarquent rien et continuent de s'éloigner.
Et la peluche, une girafe verte et violette, saute sur ses frêles petites pattes de coton et se met à caracoler derrière la petite famille. Arrivée à leur hauteur, l’értrange petite créature bondit dans le panier sous le siège.
Satisfait, je souris dans mon buisson et reporte mon attention sur une autre famille qui remballe les restes d'un pique-nique en riant.
Je me délecte et ne me lasse pas de ce spectacle exotique de moldus ordinaires dans le ballet routinier de leur quotidien !
Plein d'enthousiasme et de curiosité, j'ai tant à découvrir ! Alors, chaque jour, je parcours ce monde dont j'ignore tout avec un mélange d'excitation et d'étonnement, le tout relevé d'une pointe de tristesse.
Certes, je suis heureux et même au comble du bonheur de ne plus être sous la férule des Malefoy - et malgré moi un besoin presque irrépressible de m'infliger des souffrances terribles monte en moi chaque fois que je m'autorise une pensée désobligeante envers mes anciens maîtres (les habitudes sont difficiles à changer...) - mais la solitude est amère à celui qui découvre la liberté et n'a personne avec qui la partager.
Alors je trouve dans mon voyeurisme un réconfort ambigu, vivant par procuration des joies qui me paraissent inaccessiles. Mais chaque jour un sentiment désagréable me ronge un peu plus fort : après des siècles de servitude, je ne sais pas quoi faire de mon indépendance. Je me sens inutile.
Il y a bien Harry Potter qui fait face à de grands dangers, mais veiller sur lui, ce n'est pas vivre avec lui, et il a déjà des amis pour partager avec lui les meilleurs, les pires, mais aussi les banals moment de l'existence.
Je n'ai connu que la servitude aux sorciers et j'ignore tout de ce que peut être l'existence d'un elfe de maison libre.
Je me frappe brusquement le front du plat de la main : je n'ai pas eu de mauvaise pensée envers les Malefoy mais une illumination que je m'en veux de ne pas avoir eue plus tôt tant elle est frappée du coin du bon sens !
Élevé pour servir des sorciers, je n'avais vécu que dans leur ombre et m'étais cantonné là depuis que Harry Potter m'avait libere.
Je n'avais pas encore recouvré ma liberté puisque j'étais encore prisonnier de ma soumission au monde des sorciers et, par extension, à celui des moldus.
C'est parmi les miens que je dois construire et conquérir ma liberté, dans, par et pour mon peuple : les elfes de maison !
Les elfes libres !
Rendu euphorique par ma nouvelle résolution, j'ai les yeux qui brillent dans le crépuscule. Et puisque ma nouvelle vie a commencé à Poudlard, c'est là-bas que je me rendrai en premier pour me porter à la rencontre du peuple invisible, cette armée empressée d'esclaves dociles, des ombres pressées, en nombre oppressées.
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