Chapitre 2 (Pt.3)
— Kaminari a vraiment rencontré le comte ? demande Satoshi, sous le choc.
— Rencontrer est un terme qui ne correspond pas… ajoute Arashi en écrasant son mégot contre le mur. Pendant des semaines, il s’est fait torturer. Les manières et les méthodes sont toutes aussi inhumaines les unes que les autres. C’est même lui qui lui a enfoncé sa puce, explique l’homme en kimono.
Néo et Satoshi ont des mines dégoûtées alors que Ruddy se cache derrière son ourson en peluche dans la cellule d’en face.
— Pourquoi un tel mépris ? C’est vrai, non ? Qu’a fait Kaminari pour s’être retrouvé en face de lui ? interroge Satoshi toujours choqué de ce récit.
— Et surtout comment il a fait pour en sortir vivant ? ajoute Néo.
— Il répandait l’espoir… achève Arashi sur une note mélancolique. C’était il y a bien longtemps. Kaminari allait voir chaque personne en liberté et les recueillait dans sa cathédrale. Il protégeait tous les enfants maudits par sa foi et tentait de renverser la milice en réunissant sa propre armée, pour la liberté.
Il fait une pause dans son récit et se prépare pour conter cette longue histoire :
Alors que tous attendaient l’arrivée des soldats de pied ferme pour les affronter, ils sont arrivés en masse, les encerclant de toute part. Une erreur de stratégie, de mon point de vue. Ils n’étaient pas assez bien préparés. Puis Adès est apparu. Il s’est emparé de Kaminari pour le ramener à la Citadelle. Il y a passé des semaines, voire des mois à se faire torturer jusqu’à ce que mort s’ensuive. Même lui n’arrive pas à se souvenir du temps qui s’est écoulé dans cet enfer, mais cela lui a semblé durer une éternité. Si le comte se charge personnellement d’une torture, soyez assuré que celle-ci sera très lente et se fera dans l’agonie. Kaminari vivait ses derniers instants, il le savait. Adès l’avait presque vidé de son sang, l’ayant mis à l’épreuve physiquement et moralement. Il m’a dit à quel point c’était difficile de devoir lui faire face. Bien plus que de subir la douleur qu’il lui faisait endurer. Alors que Kaminari allait rendre son dernier souffle, quelque chose d’inexplicable s’est produit. Une lumière a jailli dans la pièce. Kaminari décrit cette sensation comme une étreinte, une connaissance lointaine qui lui tendait la main pour le délivrer de son sort. Il est parvenu à s’échapper par miracle malgré ses blessures. Il est revenu se réfugier dans la cathédrale. À ce jour, il est encore incapable d’expliquer les évènements qui se sont produits. Ni même d’affirmer qu’il serait vivant si cette aide ne lui avait pas été apportée.
Une manifestation divine selon lui… termine Arashi qui regarde par la fenêtre de sa cellule d’un air pensif.
Satoshi et Néo sont stupéfaits de ce récit. Le prêtre ne leur a jamais parlé de cela auparavant. Mais des questions persistent dans l’esprit du plus jeune. Une aide divine ne peut pas être la réponse à tout, il refuse de le croire. Ses yeux se lèvent alors vers la cellule d’en face où Ruddy semble écouter le récit avec une attention qui ne lui ressemble pas.
On n’aura pas tous cette chance. S’il met la main sur l’un d’entre nous, on a plus qu’à espérer crever vite, reprend Arashi d’un ton détaché.
Des cris viennent l’interrompre dans son récit. Un jeune homme avec des cheveux noirs et lisses en bataille se fait tirer avec violence entre les portes des prisons le long du couloir. Les bourreaux n’hésitent pas à le rouer de coups pour qu’il avance plus vite. Le captif les supplie, mais rien ne semble perturber les deux armoires à glace qui l’escortent. Une scène abominable pour Néo qui lui donne des haut-le-cœur. Il reconnaît alors ce visage familier et va rapidement se coller aux barreaux, croisant les iris du détenu lorsqu’il passe devant lui.
— Karma…
Il ne l’a pas revu depuis ce qui lui semble être une éternité. Cela date certainement de sa dernière fugue. Il ne savait pas qu’il a été attrapé de nouveau.
— Néo ! Aide-moi, je t’en prie ! implore le brun. Je ne veux pas mourir !
Les soldats sortent un bâton électrique et envoient une décharge sur le corps du jeune homme qui se retrouve parcourus de spasmes.
— Arrêtez ! Ne lui faites pas de mal ! crie Néo en s’accrochant de rage aux barreaux de sa cellule.
Un soldat, arrivant de derrière, frappe contre le métal pour faire taire Néo. Il recule sous l’effet de surprise.
— Où est-ce que vous l’emmenez ?
— Se faire gazer. Boucle-là si tu ne veux pas être le suivant, menace le soldat de sa voix robotique et artificielle avant de continuer sa marche.
— NON ! Ne faites pas ça, attendez !
Satoshi se met aussi à s’agiter dans sa prison à l’entente de la nouvelle. Arashi, quant à lui, donne un coup de poing dans le mur derrière lui, serrant les dents de frustration.
— Prenez-moi à sa place !
— Néo, ferme-là ! s’interpose Arashi.
Le plus jeune se laisse tomber à terre face aux évènements, imaginant que cette scène soit la dernière image qu’il puisse avoir de son ami. Les larmes coulent d’elles-mêmes le long de son visage qu’il couvre de ses mains.
— Il faut faire quelque chose ! s’adresse-t-il à l’homme au kimono. Dis-moi que tu as un plan, je t’en prie !
— Oui, mais pour cela, il va falloir que tout le monde accepte d’en chier. Toi compris.
Néo, dans son désespoir, se redresse en allant vers l’autre prisonnier.
— Je veux que ça cesse, qu’on soit tous libres.
Il sèche ses larmes et serre les poings.
— Je promets que je mettrais fin à ce cauchemar, une bonne fois pour toutes.
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