Chapitre 5.3 : Astrid
Thandon se détendit progressivement, tandis que ses épaules se relâchèrent d'elles-même, alors crispées, et que ses doigts en firent de même.
– Je n'ai rien tenté, annonça-t-il sans la regarder. Je me suis laissé faire, parce que j'ai craint pour la vie de mon frère.
Le jeune garçon se redressa d'un bon, comme ne tenant pas en place, puis tourna le dos à Astrid. La tête basse, il poursuivit son histoire tragique, mais presque dans un murmure :
– J'ignore pourquoi, mais Fileya est revenue à son tour. Et elle s'est laissée faire, elle aussi. Non. Elle a tenté de se battre. Elle est tellement plus forte que moi.
Le grand frère de Thandon plongea un regard de détresse dans sa paume, avant de la serrer honteusement et de porter son poing à l'endroit exact de son cœur.
Astrid ne pouvait que compatir. Entourant ses jambes de ses bras, alors ramenés vers sa poitrine dans un geste auto-protecteur, la jeune fille attendit patiemment la suite du récit.
– Mais maintenant… Ils sont tous deux les prisonniers de l’Élite. Mais j'ignore où ! Tout ce que je sais, c'est qu'ils sont dans leur QG, et qu'ils souhaitent faire de mon petit frère l'un des leurs !
Dans un geste de rage, Thandon écrasa son poing contre le mur de poing, qui trembla légèrement face à la puissance de l'impact. De nouveaux cris de victoire fusèrent de toutes parts du couloir, ce qui eut pour effet d'agacer Astrid, qui ne comprenait décidément rien à la constitution du cerveau des hommes !
Un nouveau silence s'installa progressivement entre les deux jeunes gens, uniquement coupés par leurs respirations respectives. Finalement, et contre toute attente, ce fut Astrid qui reprit la parole la première :
– Et maintenant, Yume aussi est enfermé là-bas… Décidément, notre mission pour sauver le monde est un véritable fiasco !
Totalement désemparée, mais surtout de plus en plus certaine que sa mort approchait à grand pas, Astrid sentait presque ses espoirs de retourner un jour dans son monde s'envoler au loin aussi vite que les nuages poussés par le vent. Elle pouvait presque voir les sables du sablier de sa vie s'écouler à une vitesse phénoménale, tandis que ses espoirs, qui n'étaient rien d'autre qu'une petite graine sans grand intérêt, se mourraient lentement.
– Sauver le monde ? réalisa subitement Thandon en se tournant lentement en direction d'Astrid, la dévisageant sous ses sourcils froncés.
Écarquillant les yeux de réalisation, la jeune fille se rendit soudainement compte qu'elle venait de commettre une énorme bêtise ! Thandon, et encore moins son petit frère Khomas, n'avaient été mis au courant de leurs plans pour sauver Onyrik et empêcher la guerre avec Aristofée lors de leur première visite à Buxih !
– On dirait que j'ai gaffé…, soupira la brune en libérant ses jambes, pour porter ses mains au niveau de son visage dans un geste de lassitude. J'imagine que je peux t'en parler, maintenant… Enfin, pas entièrement. Je voudrais attendre l'approbation de Yume, avant cela…
Alors, Astrid, après avoir minutieusement cherché ses mots, lui expliqua la raison véritable de leur voyage : guidés par une Prophétie qu'ils ne connaissaient que vaguement car étant seulement orale, Yume, Fileya et elle-même tentaient de rejoindre le Royaume d'Aristofée dans le but de prévenir les Elfes que l’Élite allait les trahir sous peu, et qu'elle représentait de ce fait une menace imminente, qu'il fallait exterminer au plus vite.
– « L'Enfant aux Yeux Rouges », tu dis ? releva Thandon en fronçant ses sourcils de concentration, tandis qu'il affaissa un côté de son corps contre le mur froid. Non, ça ne me dit rien. Mais je te dois au moins des remerciements.
– Pardon ? fit la jeune fille en arquant un sourcil. Des remerciements pour quoi ?
– Pour ça, dit-il en fourrant ses mains dans ses poches.
Il en ressortit seulement quelques secondes plus tard une sorte d'aiguille qu'il pointa fièrement en direction d'Astrid, qui afficha alors un léger sourire en coin. Thandon avait-il sérieusement l'intention de s'en servir comme ils le faisaient tous dans les films d'espion ? Allait-il réellement crocheter la serrure de leur cage ?
Sans un mot de plus, le grand frère de Khomas s'agenouilla près des barreaux, tandis que ses doigts tâtonnaient les grilles à la recherche de la serrure tant convoitée. Une fois celle-ci trouvée, il se servit de leur aiguille comme d'un clé de secours.
– Mon père m'a appris quelques tours utiles, expliqua le jeune garçon tandis que Astrid se souvenait qu'il lui avait raconté que son paternel appartenait autrefois à l’Élite, avant de mourir pour elle. J'aurais jamais cru devoir m'en servir un jour… Enfin, tant mieux pour nous ! Là !
Astrid s'approcha lentement, bras croisés sur sa poitrine d'impatience, tandis que les grilles coulissèrent lentement dans un grincement sinistre. Un sourire ravi sur les lèvres, Thandon lança un regard empli d'alacrité à son amie. La brune s'empressa de le lui rendre, tandis qu'elle sentait, au plus profond de son cœur, la graine de l'espoir renaître à nouveau. Elle en était persuadée. Une fois qu'elle aurait retrouvé Yume et Fileya, cette petite graine se changera bien assez tôt en arbre et, tel le puissant et majestueux Yggdrasil qui donnait vie à la source de toutes choses dans son monde (pouvait-elle dire l'Aïoh dans ce monde ?), Astrid ferait vivre à nouveau l'espoir dans le cœur des hommes d'Onyrik.
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