Chapitre 8.2 : Yume

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Sans un mot, Yume abaissa son épée. Effectuant un demi volte-face dans le but de garder Anthéa dans son champ de vision, le jeune homme vit effectivement du coin de l’œil le Second de Seven s'avancer lentement dans leur direction. Ses deux mains n'étaient pas jointes derrière son dos comme il en avait l'habitude, et ce détail pourtant anodin pour certain ne pouvait être que de mauvaise augure : Teki était sans aucun doute en colère, et lui aussi prêt à engager le combat à tout instant.

Les craintes de l'ancien Épéiste, mais aussi de tout le petit groupe d'infortune, se confirmèrent lorsque le brun fit apparaître magiquement ses épées dorées dans ses mains d'un geste sec et brusque. Les traits hautains de son visages étaient déformés en un masque de haine terrifiant, et Yume se demanda sérieusement lequel était le plus dangereux entre Anthéa et lui.

– Je vous l'avais dit, nargua Teki en s'arrêtant à quelques mètres de Thandon, qui avait été rejoint par Astrid pour l'aider à tenir tête à l'homme irascible. Nul n'échappe éternellement à l’Élite.

Yume effectua un pas dans la direction de leur second ennemi, lorsque la voix d'Anthéa résonna tout à coup à travers le silence de plomb, autrefois seulement dérangé par le clapotis de l'eau sous le pont de pierre :

– Qu'est-ce qui a pu autant vous retarder, Teki ? Vous étiez déjà sur place lorsque nous avons reçu l'ordre d'arrêter les fugitifs. Vous seriez vous perdu sur votre propre lieu de travail ?

– Ne me cherchez pas, Anthéa, réagit Teki sur le qui-vive. Vous oubliez qui est votre véritable adversaire. Cessez-donc ces enfantillages et arrêtons ces ingrats une bonne fois pour toutes.

Abasourdit, le blondinet s'attendait à voir l'un des deux commandant d'escadron sauter sur l'autre à tout instant. La tension entre eux était palpable et loin d'être amicale, n'importe qui sur le pont aurait pu le ressentir.

Le Second de Seven croisa ses deux épées scintillantes devant son visage, ce qui fit ressortir l'éclat terrifiant de ses deux pupilles bicolores ardentes.

– Ils ne s'échapperont pas, cette fois-ci, admonesta-t-il, sur un ton bien trop confiant au goût de Yume et de tout ses compagnons.

– Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord, approuva la Générale avec un sourire ravi.

Sans perdre une seule seconde, Anthéa se jeta la première dans le combat.

Fonçant en direction de Yume à la vitesse de l'éclair dans un bond prodigieux, que le jeune homme avait bien failli ne jamais voir, il parvint tout de même à parer l'attaque in extremis en levant simplement sa propre épée, qui reposait jusqu'alors nonchalamment sur son épaule droite. Le blondinet grinça des dents lorsque le choc provoqué par les deux lames émirent des petites étincelles.

– Pas mal, déclara la jeune femme en forçant en petit peu plus son arme contre celle de son duelliste, cherchant ainsi à le faire s'agenouiller devant elle. Je n'en attendais pas moins de l'ancien Numéro Deux !

Etrangement revigoré par cette remarque, Yume puisa dans ses nombreuses réserves de force et parvint ainsi à repousser la lame d'Anthéa sans grand mal. Cette dernière, comme si elle avait volontairement lâché prise, se recula d'un pas, abaissant son épée au niveau de sa hanche. Puis, la Commandante leva une main en l'air, paume grande ouverte. Aussitôt, les Miliciens à l'arrière s'accroupirent et prirent les fugitifs en joue.

– FEU ! s'écria-t-elle alors en inclinant sa main en guise de signal.

Ni une ni deux, les soldats noirs firent pleuvoir une véritable pluie de balles en direction des compagnons d'infortune. Yume le savait : ils n'avaient aucun moyen d'éviter de se faire toucher par l'une d'elles ! Elles étaient bien trop nombreuses, et le terrain ne comportait aucun abri sûr pour s'abriter de la véritable rafale mortelle !

– Yume ! Ne reste pas planté là ! prévint tout à coup la voix de Fileya à l'arrière.

Bien plus réactive que son meilleur ami, la jeune fille agrippa fermement l'épaule de son aîné pour le forcer à reculer. Là, Fileya agrippa son bâton d'Invoquation et le planta avec empressement dans le sol, tandis qu'elle psalmodiait les paroles suivantes dans une langue inconnue mais sonna d'une beauté incroyable aux oreilles du jeune homme malgré le ton pressant :

– Vfizùsu-dia kux kúdiwx, lennu awqaxalu !1

Soudainement, un vent magique mais plus que tout puissant souffla tout autour des cinq amis, faisant danser leurs vêtements et leurs cheveux en tous sens. Alors, une sorte de bulle protectrice mais transparente se forma au-dessus de leurs têtes, à l'instar d'un dôme impénétrable.

Les balles des Miliciens percutèrent alors la vitre invisible, et celles-ci ricochèrent immédiatement à son contact. Les projectiles retournèrent à leurs envoyeurs. Les soldats de l’Élite n'eurent pas le temps de comprendre ce qu'il leur arrivait que les munitions les fouettèrent de plein fouet, éliminant ainsi une bonne partie des rangs adverses. Mais Anthéa ne sembla même pas s'en accommoder, ses traits ne trahissant aucune émotion de son cœur.

– Si vous voulez mettre en place une stratégie... C'est maintenant ! informa Fileya sur un ton pressant, de la sueur perlant déjà sur son front dû à un effort évident. Mes pouvoirs ne sont pas assez puissants pour faire durer la Barrière très longtemps, c'est déjà un miracle que je sois parvenue à en créer une aussi énorme !

Saisissant parfaitement l'urgence de la situation, Yume effectua un vif volte-face en direction de ses amis, n'hésitant pas à faire le dos à ses ennemis. Il se savait immunisé contre toutes sortes d'attaques, physiques ou même magiques, du moment que la Barrière de Fileya serait encore debout.

– Voilà le plan, dit-il, s'imposant comme leader, mais personne n'y trouvât rien à redire, car ce rôle lui allait à merveille. On est pris entre deux eaux : devant nous, Anthéa et son armée, derrière nous, Teki et son escouade. Je propose donc que l'on fasse deux groupes distincts pour résister sur les deux fronts de manière consécutive.

– Tu oublies un détail, mentionna alors Astrid sur un ton paniqué, comme à chaque fois que la situation devenait tendue comme ici. Je n'ai pas d'arme !

– Je t'ai déjà dit d'invoquer ton arc ! répliqua Yume sur la défensive, qui se sentit tout à coup agressé par sa nouvelle amie de circonstance. C'est pourtant pas compliqué, non ?

– Et moi je t'ai déjà dit que je savais pas comment l'invoquer !

– Je ne voudrais pas interrompre votre scène de ménage, intervint tout à coup la voix de Fileya quelque part derrière eux, mais la Barrière est en train de céder !

Effectivement, lorsque Yume leva les yeux vers la voûte céleste, il put clairement voir les particules magiques du sort protecteur s'envoler au gré de la brise marine de Fikternand.

– On n'a plus le temps de réfléchir maintenant ! s'imposa à son tour Thandon e, s'avançant d'un pas pour prendre son petit frère dans ses bras, car le pauvre tremblait comme une feuille et pleurait en silence, sans que personne ne l'ait remarqué jusqu'ici. Je ne peux pas me battre me de mon côté, car je n'ai ni armes ni pouvoirs magiques. Je peux tout de même tenter le corps-à-corps face à un Épéiste, mais je risque d'y rester, puisque je n'ai aucune armure pour me protéger...

Roulant des yeux en comprenant qu'il était pratiquement le seul, avec Fileya, en état de se battre, Yume dut se résoudre à lui céder ses quelques pièces d'armure. C'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour permettre au jeune garçon de se lancer lui aussi dans la bataille, même s'il doutait que ces quelques maigres protections lui seraient réellement utiles face à l'un ou l'autre des Épéistes.

– Bon, c'est parfait, il ne reste plus que mon problème à régler, alors, enchaîna derechef Astrid en s'avançant d'un pas déterminé en direction du blondinet, ses mains posées sur les hanches, peut-être dans le but de se paraître plus intimidante.

Constatant que la Barrière de Fileya était déjà pratiquement détruite, Yume ne prit pas le temps de s’adonner à un cours magistral sur le thème « comment invoquer mon arme magique en cas d'attaque imminente ». Au lieu de quoi, le jeune homme eut tout juste à tendre la main. Là, il se concentra pour se remémorer l'arme de son amie dans les moindres détails, que ce soit pour se représenter mentalement les flèches dorées, la corde en fil d'argent, ou encore le joli relief représentant une sirène.

Une fois que l'arc lui apparut mentalement dans les moindres détails, celui-ci parvint à se matérialiser de lui-même dans sa paume, sous les yeux exorbités d’ahurissement d'Astrid.

– Mais comment tu as fait ?! questionna-t-elle en récupérant son arme dans les mains de son ami, le prenant avec précaution, comme s'il s'agissait d'une relique particulièrement rare et puissante.

– Je t'expliquerai plus tard, on n'a pas le temps, s'empressa de répondre l'ancien Épéiste tandis qu'il fit apparaître le carquois et les flèches, cette fois-ci. Tiens, t'auras aussi besoin de ça... Et de ça.

Là, il farfouilla dans le sac magique et sans fond offert par la Reine des Falkies à Buxih, et il en tira plusieurs sphères rondes et lisses qui ressemblaient à s'y méprendre à du Lapis Lazuli. En leur sein tourbillonnait une drôle d'énergie blanche, pareille à une galaxie.

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