Chapitre 10.8 : Astrid

4 minutes de lecture

Une fois qu’elle eut tout dégusté, Astrid se laissa tomber vers l’arrière, profitant du confort du divan comme si elle se trouvait sur son propre canapé, dans le salon de ses parents. Une main sur le ventre, et l’autre pendant sur l’accoudoir, elle soupira d’aise. Son estomac criait certes encore famine, mais elle était parvenue à contenter sa faim pour les quelques heures à suivre. La jeune fille espérait tout de même qu’ils auraient bientôt droit à un véritable repas digne de ce nom, et encore plus à un bon lit ! Qui savait ? Peut-être que le chef du village se montrerait clément envers les braves héros qui viendraient pour sauver son hameau de la terrible menace dont ils sont accablés depuis… combien de temps, déjà ? Iakyndy n’avait donné aucune indication de durée, maintenant qu’Astrid y réfléchissait bien… Mais sans doute des années, pour vider totalement le Village de Cristal de toute présence féminine...

Lorsqu’elle entendit le verrou de la porte en cristal tourner deux fois sur lui-même, Astrid comprit que Iakyndy revenait pour lui faire part de la conclusion qu’avait prise la discussion avec le Chef. Et, lorsqu'elle ouvrit les deux battants dans un geste profondément théâtral qui la caractérisait tant, un large sourire étirant ses lèvres pulpeuses, Astrid ne sut déterminer si cette expression était de bonne ou de mauvaise augure pour elle.

– Mon Père est honoré du courage dont tes amis et toi faites preuve, déclara-t-elle d’une voix claire, tout en pénétrant dans la pièce telle une actrice se montrant sur le devant de la scène. Cependant, il semble également convaincu que vous échouerez lamentablement.

Tandis que Iakyndy referma la porte derrière elle avec la volupté d’une véritable reine, Astrid se retint tout commentaire quand à la fin de son entrée en scène. Elle était tout bonnement dépitée par l’absence de filtre chez cette fille. Elle aurait simplement voulu lui dire qu’il ne fallait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir abattue, seulement, la Princesse de Cristal fut bien plus rapide qu’elle et, sur un ton faussement ravi, elle enchaîna, en se tournant dans un tourbillon de voiles souples telles les ailes d’un ange machiavélique :

– Néanmoins, la perspective de me laisser une saison supplémentaire pour vivre lui fait pleinement chaud au cœur, tout comme la perspective de se marier avec toi, bien entendu. Père m’a demandé de vous décrire…

Tout en poursuivant son monologue, Iakyndy s’assit avec la grâce d’une divinité sur le divan aux côtés d’Astrid. Puis, comme si elle avait répété le geste des milliers de fois, elle servit deux tasses de thé encore fumantes, qu’elle tendit ensuite à son invitée, qui l'accepta avec un sourire de travers. Si la Princesse de Cristal avait noté l’absence des gâteaux dans le plateau, elle n’en fit en tout cas aucune remarque désobligeante.

– ... ce que je me suis empressée d'exécuter, expliqua-t-elle en humant le parfum exquis qui s’échappait des volutes de vapeur de sa tasse en porcelaine, mais elle n’en but pas une seule goutte, jugeant son contenu encore trop chaud. Il semblait ravi par ton apparence, et encore plus envieux de ta jeunesse.

Astrid ne put empêcher le frisson de dégoût qui partit de sa nuque pour descendre jusque dans le bas de son dos telles des millions de petites fourmis. Elle ne connaissait pas ce Roi, et elle n’avait aucunement envie de faire sa rencontre, en toute honnêteté ! Même l’idée d’un mariage forcé avec “Pot-de-Colle” lui semblait être une issue bien plus convenable dans cet ultimatum de l’enfer !

– Il planifiera votre rencontre dans les plus brefs délais, m’a-t-il ordonné de t’informer, dit-elle en soufflant dans son récipient, tout en se déchaussant de ses talons de verre, pour étendre ses jambes sur le divan largement assez grand pour cela. Je pense qu’il attend tout simplement la venue de tes amis, pour tous vous juger d’une seule traite.

Avec un soupir d’aise, ou bien rêveur, Astrid n’aurait su le confirmer avec certitude, Iakyndy déposa son coude tout contre le dossier du divan, avant de déposer l’arrière de sa tête dans sa paume cristallisée. Gênée, Astrid plongea son regard dans la tasse fumante entre ses doigts, tâchant de deviner son contenu. Une forte odeur sucrée émanait du liquide chaud ; peut-être des fruits rouges ? Des Herazons, cela serait-il possible ?

– Enfin… reprit la Princesse de Cristal, tandis que son regard se posa quelque part sur un point invisible dans la pièce. J’ai hâte de pouvoir t’appeler “Maman” l’espace de quelques mois.

Sortant de sa rêverie, Iakyndy déposa ses deux perles opalines qui lui servaient d’yeux sur la silhouette d’Astrid, qui déglutit de travers. La jeune fille n’avait osé dire un seul mot depuis leur départ du dressing, car elle avait peur de faire tomber à l’eau la magnifique idée qu’elle avait eu le miracle de trouver. Il serait dommage de tout faire capoter maintenant, alors que ses amis étaient très certainement presque à l’entrée du village.

Les yeux de Iakyndy se mirent subitement à luire, et ses pupilles verticales s’étirèrent de joie, leur conférant ainsi une allure bien plus humaine. Un sourire étrange scotché sur ses lèvres diaphanes, elle avoua, plus enjouée que jamais :

– Je sens que l’on va beaucoup s’amuser, toi et moi.

Pour une raison qu’elle ignorait, Astrid était certaine qu’elles n’avaient pas vraiment la même définition “d’amusement”, et n’avait aucunement hâte de découvrir quel sort cette étrange jeune fille de cristal lui réservait en réalité. Sans doute quelque chose qui n’allait très certainement pas lui plaire…

Maintenant plus que jamais, Astrid se maudissait encore de ne pas avoir demandé plus d’explications à Yume sur cet Arsenal Invisible dont il lui avait parlé, car son arc et ses flèches magiques auraient pu lui être d’une grande aide, contre cette dégénérée au cerveau refroidi et au cœur de glace.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Blanche Plume ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0