L'alerte

4 minutes de lecture

8 Novembre.

13h19.

La télé l'a dit.

J'avais toujours su que c'est la télé qui le dirait. Mais personne me croyait, et surtout, personne a cru la télé.

Au départ, on n'a pas su dire ce que c'était, cette épidémie. On disait juste que des gars revenaient à la vie. De là à parler de zombies... Ah, bah, pour moi, y avait qu'un pas! Pour les autres, non. Et le Père Lancin, qui prétendait que c'était un miracle! Un miracle? Tu parles! Des cadavres verdâtres, au sang et à la peau moisis, reviennent à la vie et jettent leurs crocs dans le cou des gens, et ça, c'est censé être un miracle?!

Moi j'ai eu un peu de chance. Je suis pas si bête que ça, peu importe ce que diront les gens. Je l'avais fait, moi, l'abri. Dans la cave! Au sous-sol. Vous me direz: "C'est stupide, tout le monde sait que les cadavres viennent d'en bas!". Pas faux. Sauf que mon abri, c'est du solide. On est deux, là-dedans. Heureusement que c'est grand!

Je suis avec mon meilleur pote: Paco. Il a eu peur, Paco. Mais bon, il a toujours flippé pour un rien. Bref! Combien de temps depuis le premier jour ici? Quatre, ou cinq. Pas moins. On sait plus vraiment. L'heure, c'est pas important dans cette "guerre" comme l'a appelé Paco. Oui. Le truc, c'est qu'il y a pas d'armes. Enfin, si. Mais pas beaucoup, et tout le monde ne sait pas s'en servir. Y en a qui ont du mal. Les armes, "Pan", un coup, ça peut partir très, très vite. Heureusement, Papa, il était chasseur. Donc, il m'a appris à me servir de son flingue. J'ai jamais vraiment aimé les armes, mais là, est-ce que j'ai le choix? Bah, non. C'est sois je tire, sois on se fait grailler comme de vulgaires steaks de viande d'humains.

J'ai aussi passé ma jeunesse à lire des bouquins sur ces bestiaux bouffeurs de chair. Tout ce que j'ai retenu, c'est du vent. On a failli crever, parce qu'on y croyait, nous, à ce qu'on lisait. La balle dans la tête? Nope! C'est pas vrai. Foutaises! Ils les suportent très bien, ces cons-là! Je le sais. Je me suis battu avec un "green blood", comme on les appelle. Et j'ai très bien compris: la balle, la tête. Eh, bah, ça ne marchait pas et puis c'est tout! J'ai commencé au flingue et ai fini à la machette. Et ai cramé le macchabée au chalumeau. Qu'est-ce que vous voulez? Ils nous auraient bouffés, autrement.

Tenez, d'ailleurs: Paco vient de m'appeller. Il a aussi faim que moi. Je reprendrai mon journal de bord plus tard. Là, on va manger le peu de choses qu'il reste et boire un peu. Mais je sais que, d'ici six jours, ou un peu plus (j'espère!), nous devrons remonter à la surface, nous battre contre les "green blood" et piller une supérette pour avoir de quoi bouffer ne serait-ce qu'un peu.

9 Novembre.

12h29.

Y a un gars qui frappe à la porte de la cave depuis 10h ce matin. Alors, de deux choses l'une: sois le type est doté d'un halo "enti-zombies" autour de lui (bien entendu, je suis pas assez con pour croire à une théorie pareille) sois c'est un "Green blood" et c'est pas demain la veille que je vais lui ouvrir.

C'est ce matin aussi que la télé a commencé à déconner. Bien sûr: tous les gens qui bossaient là-bas ont été bouffés par des zombies, ou alors ils sont devenus des "Green blood", eux-mêmes. Je sais pas et je vais pas chercher à savoir. J'ai jamais vraiment aimé la télé. C'est comme les armes: ça peut bousiller les gens. Z'avez qu'à regarder ce qu'on y voit. On allume la téloche, on a des conneries plein les yeux!

En fait, les gens c'était déjà des zombies avant. A regarder leur télé, leur téléphone, sans faire attention aux gens, en s'enfermant dans un silence dangereux. A cela prés que les vraies zombies foncent tête baissée sur la population, qu'ils mangent des gens, qu'ils ont un corps en putréfaction et un état de pourriture avancée.

Et le gars qui continue à cogner sur la porte! Non mais, et ce bordel! C'est pas bientôt fini?

Paco a envie de hurler. Je lui mets la main sur les lèvres en guise de baillon. Il peut pas crier. Trop dangereux. Si c'est un zombie, il lâchera l'affaire. Si c'est un gars, eh, bah, il pensera qu'il y a absolument personne et se cassera d'ici. Lui aussi, il lâchera l'affaire. Ou il se fera bequeter par un "Green blood" passant par là.

Peut-être qu'il est gentil. Mais peut-être que c'est un pilleur.

Eh, bah. Qu'il aille piller ailleurs.

Je vous écrit ce que Paco m'a dit (en murmurant, en tremblant... Il était à deux doigts de chialer!):

"Qu'est-ce qu'on va faire?

-Eh bah, on va rester ici!

-Mais c'est dangereux!

-Ah. Donc tu préfères te faire bouffer par un "Green blood" que survivre?"

Il a pas répondu. Ah, c'est mon meilleur pote, Paco. Mais des fois, il est con! Il réalise ce qu'il dit? Bah, non, je crois pas. Il réalise ce qu'il dit? Là, on est dans un abri bien solide, on risque "presque" rien, et lui... Et lui il voudrait remonter à la surface? Carrément dingo, ce gars-là!

10 Novembre.

12h23.

Paco et moi, on vient de se lever. Ah, oui, ça, c'est un grand changement par rapport à la vie surbookée qu'on menait, "là-haut". Quand les "Green blood" venaient pas nous faire chier. C'est triste à dire, hein? Il a fallu attendre les zombies et la famine pour avoir le droit à une grasse-mat'. Malheureux monde!

Quand on était "là-haut", Paco était serveur et moi j'étais prof de langues. J'apprenais le russe à des adultes. J'aimai pas du tout ça. Je veux dire, le russe, oui. Les gens, non. Et vous savez ce qui est ironique? Eh, bah, moi, à la base, je voulai être croque-mort ou fossoyeuse.

Annotations

Vous aimez lire Morley Douglas ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0