10 – 23/11/20 – News Of The Day
Je m'apprête à décoller pour l'école et je dispose de quelques minutes pour jeter ici trois lignes que je poursuivrai peut-être avant de rejoindre les Barbiches pour des retrouvailles musicales. Le temps habituellement dévolu à l'écriture sera cette semaine amputé par l'urgence de cette autre activité qui m'est chère et qui consiste, selon le mot de Zappa, à « sculpter dans l'air ». Ma relation à la musique s'inscrit dans une démarche trouble dans laquelle la force de l'intuition m'impose une recherche constante, dans la mesure où la plupart de mes idées dépassent largement l'étendue de mes compétences strictement instrumentales.
(interruption due à la livraison d'enfants dans le grand chenil de l'Education nationale)
Si ma maîtrise de l'harmonica m'ouvre l'accès au régime de l'intermittence – notamment grâce aux 60 à 80 dates annuelles des Barbiches Tourneurs – et si je suis capable de fulgurances erratiques et maladroites à la guitare ou à la basse, l'impossibilité pour moi notoire de tenir une rythmique solide et claire en respectant les tempos m'interdit tout autre position que celle de chanteur lead (ou de « choriste rigolo ») lorsque je monte sur une scène. Une réalité à laquelle j'ai cru m'habituer jusqu'à l'irruption des logiciels de musique assistée par ordinateur (MAO). Quelle joie d'entendre enfin l'intérieur de sa tête résonner toutes gammes dehors !
J'écris des chansons depuis mes onze ans. Des textes par dizaines et je pourrais quasiment vous chanter la mélodie associée à chacun d'entre eux. Je suppose que bon nombre de ces « partitions imaginaires » se ressemblent ou souffrent d'une similarité de bon aloi avec les répertoires dont j'étais féru au moment de leurs « composition » mais peu importe. Si le texte précède généralement la musique, tous deux n'en sont pas moins liés dans ma démarche et même si beaucoup de mes paroles s'apparentent à d'ambitieux exercices de style dont les accents baroques évoquent volontiers un Dylan ou un Thiéfaine – selon la langue qui s'impose à moi – il me semble qu'il leur manque ce petit plus qui les assimilerait à de la poésie pure. Mes textes n'existent pas sans la mélodie qui leur est propre, quand bien même celle-ci peut évoluer, voire se transformer de façon surprenante si on compare l'originale et le résultat obtenu sur un éventuel enregistrement. En définitive, la musique demeure pour moi une écriture avant toute chose, mais une écriture qui repose sur une activité mentale différente de celle qui préside à l'élaboration d'une fiction, d'une chronique ou d'un essai.
Sur le papier, ce fonctionnement paraît simple mais je suis un être humain comme les autres, c'est-à-dire une source infinie de complications ambulantes. Je préfère la création à la scène mais je recherche également, comme environ 99 pour cent des musiciens, cette surdose d'énergie qui te prend par les tripes et te retourne le cerveau, le cœur et le reste, te lessive le corps en t'étrillant la boîte à idées noires, tout en te nourrissant de l'illusion de te connecter au monde, aux musiciens qui t'entourent et au public qui parfois t'applaudit. Nous nous plions tous plus ou moins à ce schéma. Certains recherchent le contact auprès d'une audience d'autant plus réceptive, d'autres y voient de la reconnaissance et compensent ainsi, peut-être, certains manques. Il existe aussi une espèce de compétition bon enfant qui ne confine pas toujours à la rivalité entre les musiciens mais qui leur servira d'aiguillon, de moteur. Je n'y suis pas spécialement sensible, refusant toute idée de concurrence ou de hiérarchisation depuis ma plus tendre enfance, mais il m'arrive de céder à la provocation, à la pression du regard de l'autre. Alors je souffle encore plus vite dans mon Hohner, ça impressionne les adeptes de l'instrument, ça agace légèrement les autres mais surtout, ça me ventile littéralement les poumons. J'ai lu quelque part que certains médecins recommandent l'usage de l'harmonica aux personnes souffrant de cancer du poumon. Je ne sais pas si cette manière de thérapie du souffle s'avère vraiment bénéfique mais vous savez ce que c'est : les exercices de respiration, c'est bon pour le moral.
C'est tout pour aujourd'hui. Merci de me lire de temps à autre et prenez soin de vous et des vôtres.
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