21 – 09/01/21 – Rompich n°4

2 minutes de lecture

J'ai rêvé que je répondais à un appel d'offre émanant du petit dernier. Le cahier des charges était le suivant :


« Faut que ce soit cool, papa. »


Je me dis que cette assertion résumait à peu près les attentes de n'importe quel producteur, agent artistique ou commanditaire depuis la nuit des temps mais manquait de précision. Je l'interrogeai sur la visée commerciale envisagée pour le produit fini, ce qui causa chez lui un rire bref et glaçant. Il entreprit alors de me révéler ses projections à travers un exposé succinct sur fond de power point, graphiques et courbes empruntés à Bloomberg, achevant de me convaincre de l'urgence du projet sans pour autant proposer d'orientation particulière. Cette liberté imposée m'effraya au plus haut point et je dus m'enfermer quelques heures dans le bureau avec un paquet de tabac, un demi-litre de café éthiopien, une bouteille d'eau et un chat d'écrivain empaillé.


Lorsque je rendis ma copie, Milo exigea que je lusse à voix haute pour des raisons de connaissances parcellaires en matière de déchiffrage de la chose écrite et je m'exécutai non sans difficulté après les douze cigarettes roulées consommées pendant la rédaction. Je terminai sur une quinte de toux parasite – elle n'avait rien à voir avec l'intrigue – et levai les yeux en quête d'approbation.


« C'est nul. Ca manque de super-héros. Et Goldorak, hein ? Je t'avais dit que je voulais Goldorak dans le casting. »


Je repris mon texte et modifiai l'agencement des péripéties, ménageant une place de choix au robot japonais, ne manquai pas d'inclure Batman, Spiderman et Flash parmi les personnages secondaires de premier plan et transformai le protagoniste originel en une sorte de témoin des événements relatés sur le modèle du docteur Watson narrant les aventures de Sherlock Holmes. J'effectuai ces modifications en deux heures, fumant d'autres cigarettes, buvant toujours plus de café, et lorsque je présentai le résultat à son maître d'oeuvre, j'eus droit à des sourires gênés, des remarques sarcastiques, le ton paternaliste de ceux qui savent mais refusent de s'en expliquer.


Après plusieurs aller-retour, le texte ne ressemblait plus à rien. Goldorak était piloté par Batman et Robin, Actarus se remettait du mariage arrosé de sa petite sœur avec Alcor, et les hommes de Vega avait fait alliance avec Donald Trump. Flash passait son temps à courir sur l'eau à la manière d'un Hermès atteint d'hyperactivité et Superman se fendait d'une apparition courte mais significative en conclusion d'une histoire sans queue ni tête.


« Superman !


- Oui, c'est moi. Je revenais de mes vacances dans le système d'Orion quand ma vision à distance m'a informé de la situation. J'ai légèrement accéléré ma vitesse de croisière pour vous sauver les miches, une fois de plus. Batman, qu'est-ce que c'est que cette histoire de robot géant ? »


Et Batman répondait que Wayne Enterprise s'était fait racheter en bourse par Toei Animation, qu'il était ruiné et qu'on le payait chichement mais sûrement. Robin râlait à cause de son statut de stagiaire et Flash achevait de se sécher les bottes en courant sur une plage quelconque. Donald Trump finissait en prison et les hommes de Vega se tournaient alors vers Poutine.


Milo dormait depuis trois heures lorsque j'en vins à poser le point final.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Miguel Lopez ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0