33 – 21 décembre 2022 – Glissé dans mes sandales.
Parler de la pluie et du beau temps reste l'accroche la plus banale que l'on puisse imaginer au départ d'un texte que l'on devine déjà peu inspiré. La catastrophe écologique que nous vivons – parce qu'elle n'est plus imminente – a certes redoré le blason des lapalissades conversationnelles basées sur le commentaire météorologique en le dotant d'une profondeur dramatique assez louable. Il n'en demeure pas moins que le « il fait beau ce matin » ne sera jamais aussi tendance que « Macron tête de con », « sérieusement, je ne m'intéresse pas au foot mais l'équipe du Maroc a réussi à me faire vibrer parce qu'elle sortait de nulle part et que personne ne l'attendait », ou « Beyoncé est vachement plus féministe que Mona Chollet ». Je tiens toutefois à souligner que je porte aujourd'hui mes sandales sans chaussettes, qu'on est le 21 décembre et que j'envisage sérieusement de marcher pieds nus sur le carrelage froid alors que plus frileux que ton humble et généreux narrateur, franchement, je vois pas.
La fin du monde, je la visualise sur mes orteils, c'est pas merveilleux, ça ?
Mon aîné est arrivé hier à la gare Sud de France, la gare la plus conne que l'on puisse concevoir. Les Montpelliérains savent. Les autres devraient se méfier. Et le fiston portera la bonne parole à la capitale à son retour dans ses pénates.
(A l'heure où j'écris ces lignes, le petit dernier achève une tartine en rebondissant sur un ballon de yoga dont la position spatiale se répercute sur mon champ de vision. J'ai beau aimer mes enfants de toute la force de mon être, je n'ai aucune peine à l'imaginer dans la machine à laver, à 60 degrés, programme long, séchage en 1500 tours.)
Lorsque Esteban (c'est l'aîné) est près de moi, je me sens complet. La table du salon n'est plus bancale et la voiture démarre au quart de tour. Peu m'importent la planète qui meurt et les souffrances animales, C-News et la recrudescence du fascisme dans les mentalités déglinguées de mes concitoyens fauchés.
Oui, j'exagère. Je n'arrive pas à me concentrer avec les va-et-vient du petit et de la grande (qui vient de prendre sa place à la table du salon) et j'ai du mal à me fixer sur une idée dont je déroulerais les fils dans un long texte argumenté. C'est peut-être ça, la magie de noël.
Je crois que lorsque j'ai entamé ce machin sans substance, j'avais envie de causer faute et responsabilité. Partir de mes sandales, enfourcher le cheval de l'éco-militantisme, proposer une ouverture sur la « c'est pas ma faute » cher au pékin moyen, botter en touche sur la notion de responsabilité, finir sur un pied de nez ridicule.
Je garde ça pour un jour prochain.
J'ai essayé d'écrire dans le salon : epic fail, comme ils disent. Liste des sujets que j'aurais souhaité aborder : les coupures de courant, les économies d'énergie, ma déception croissante devant la dernière saison de la guerre en Ukraine. Le temps d'écrire cette phrase et la grande, effrayée par un chat blagueur, a renversé l'essentiel de ces céréales sur la damier du salon. Tuez-moi vite et en silence mais tuez-moi maintenant.
Bonne journée, restez à l'écart du foot, vomissez Pascal Praud, ne tombez pas dans le foie gras, et éteignez-moi ces putains de décorations.
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