36 – 25 décembre 2022 – Vous reprendrez bien un peu de graillon ?
Signe que l'on évolue parfois un peu avec le temps, j'ai échappé aux ballonnements et à l'indigestion de noël. Peut-être que je mange moins. Peut-être que le rôle de poubelle de table a échu à quelqu'un d'autre alors que j'avais le dos tourné. Peut-être que l'heure est mal choisie pour verser dans l'introspection et que je me contente de racler le fond des lieux communs de fin d'année pour tâcher d'aligner quelques mots.
(Il est important d'écrire – pour moi, ça l'est. Urgent même. Je l'ai écrit plusieurs fois ces derniers jours et je l'avais déjà rabâché auparavant. Pardonnez ces radotages et reprenez un alka-setzer.)
J'ai ramené mon aîné à la gare. A croire qu'il crèche là-bas.
Meuh non, bande de noceurs à la vessie pleine ! Il s'en est retourné, vers le chat, la copine, l'appartement, la fac dans quelques jours, et je le reverrai dans six mois. Je sens que je vais encore me répéter mais je n'aime pas le voir partir. Je préfère quand il arrive. On me rétorquera que c'est une question de point de vue, que seul change le verbe et que le verbe importe peu. Je répondrai sans hésiter : vous êtes encore chargé, très cher, reprenez un doliprane et double dose de café.
L'après-midi s'est écoulé sans heurts entre les lego du petit et les Demon Slayer de la grande. Notre déjeuner a fauché les horaires du goûter et ce dernier, j'imagine, ne devrait point trop tarder. Entre deux briques de plastique (vaut mieux les manipuler que marcher dessus, dit la légende, mais je ne l'ai jamais vérifié, je ne marche pas pieds nus), je m'isolais dans mon propre local à litière – que je partage avec celle des chats – pour lire le Punisher de Garth Ennis, à qui j'aimerais rendre hommage en observant un temps indéterminé de silence respectueux mais fécond.
(…)
(Non, je ne vous dirai pas combien de temps je me suis tu, les yeux clos, devant mon écran d'ordinateur.)
La fatigue ne me sied guère. J'ai pratiqué la mélancolie et nagé la brasse en de sombres pensées. Je repense à l'été qui vient de s'écouler et à la mort de Fred. Je repense à mes coups de sang d'antan et à mes multiples errances. Je mesure le chemin parcouru et, j'ai beau m'apprécier davantage, pas sûr que je me demanderais l'heure dans une ruelle sombre.
En revenant de la gare, j'ai croisé une vieille dame qui mendiait au feu rouge. Rabougrie sous son fichu détrempé, elle affrontait la bruine triste avec le sourire vainqueur des cas désespérés. Je me suis senti sale et pathétique de la voir ainsi, à la fois forte et fragile en ce jour de joie imposée, colportant la misère dans chacune de ses fibres. Puis je suis rentré et j'ai construit un robot ninjago.
Bonne soirée, profitez bien de vos enfants, ils vous paieront peut-être la retraite.
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