54 – 14 janvier 2023 – Les frites, c'est comme le chocolat.

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Salut à toi, passant qui passe sur le fil de Facebook et vaque à toute sorte de bagatelles que je te souhaite plaisantes et salutaires. Nous sommes le 14 janvier et voilà très précisément 21 ans que le juge Halphen a pris ses cliques et claques, fatigué de gérer le dossier des HLM de la ville de Paris. Se soustrayant ainsi au devoir de réserve que lui imposait sa mission et son statut de magistrat, il ne se lassera pas de dénoncer la corruption, les pressions, les menaces.

Mais c'est surtout l'anniversaire de John Dos Passos et de T-Bone Burnett, n'en déplaise aux contempteurs du blues et aux allergiques de la chose écrite. Je me souviens d'avoir lu « Manhattan Transfer » dans un état second. Version espagnole – j'avais emprunté le bouquin au pater. J'avais adoré. Je ne sais plus pourquoi, tout se mélange un peu dans mes souvenirs de vieux fumeur de haschisch, mais je suis tombé sur une traduction française dans un arbre à livres et je m'en vais le lire entre deux quintes diminuées. Ah, oui, c'est aussi l'anniversaire de Dave Grohl. Mais lui, il m'énerve. Tout le monde l'aime : il est cool, il est sympa, il joue de tout, il sait chanter, et il a créé les Foo Fighters, probablement le pire groupe de rock du monde, mais ça reste cool et sympa et ça me gonfle.

(J'ouvre une parenthèse pour étayer mes propos sur les Foo Fighters : toutes leurs chansons se ressemblent. C'est du rock à guitares basique qui respire la joie de vivre et qui donne envie de boire des bières entre copains. Or, si tu éprouves le besoin de boire des bières pour supporter tes copains, change de copains.)

Putain, c'était gratuit et ça n'a rien à voir avec les frites et le chocolat. Mais honnêtement, les Foo Fighters, je peux pas. J'arrive à écouter Pearl Jam – même si la voix d'Eddie Vedder suscite régulièrement chez moi de graves crises d'urticaire – et the Offspring parvient à m'amuser malgré d'insipides nanana. Mais les Foo Fighters, non. Dave Grohl aurait mieux fait de se casser une jambe au lieu de... Ah merde, ça l'empêche même pas de jouer, ce con ! Des images ont circulé, on le voit clairement assurer un concert la jambe dans le plâtre. Putain, il m'énerve. Si c'était un sportif, ce serait le prof de tennis, le blond, là, avec les pecs et les jambes musclées.

Passons tout de même aux frites et au chocolat puisqu'il s'agit du titre de ce texte idiot, rédigé en deux-deux, et autrement léger en comparaison des précédents, vous m'en serez gré.

Ce matin, j'ai donné pour la première fois depuis 2015, un cours particulier à un élève de première. En réalité, deux. Sa copine se trouvait dans les parages, ce n'était pas prévu, mais je n'en suis pas à refuser des élèves pour de mesquines questions pécuniaires (en effet, j'aurais été en droit d'exiger un salaire plus conséquent mais je me voyais mal extorquer cinquante balles à cette jeune fille sous prétexte que leurs parents respectifs possèdent une ouverture d'esprit autorisant leurs enfants à partager la couche dans le giron familial). J'ai donc donné un cours de méthodologie centré sur la dissertation.

Non, soyons précis. L'éducation nationale a beau appeler ça une dissertation, c'est bel et bien d'une discussion qu'il s'agit : deux parties au lieu de trois. Thèse / antithèse, sans la synthèse. La prof du gamin (un régal d'élève, par ailleurs, le modèle qui déploie ses esgourdes et ne clôture pas son cerveau) s'en sort comme elle peut en parlant de « dissertation dialectique » mais ne jouons pas sur les mots, que diantre, une discussion n'est pas une dissertation, ah putain ça me hérisse presque autant que Dave Grohl – et pourtant qu'est-ce qu'il est sympa, ce con, vous avez vu ce sourire trop cool ?

Je vous fais grâce de la méthode. Souvenez-vous juste qu'avant de se lancer dans l'élaboration d'un plan, il convient de reformuler le sujet. On se l'approprie, il est à nous, bordel, c'est notre question à nous qu'on meurt d'envie d'y répondre, d'abord, parce que, tu comprends, j'ai toujours rêvé de résoudre la problème de la « science sans conscience » qui ne serait que « ruine de l'âme » ou de batailler contre ce nazi de Heidegger qui disait que « seule la poésie est du même ordre que la philosophie et le penser philosophique ».

En réalité, rédiger une dissertation m'a toujours semblé passionnant, mais ce que je préfère, c'est dresser les plans des disserts en question. Une fois que vous avez votre plan détaillé, c'est réglé. Vous ajoutez quelques phrases, des exemples, des transitions, et votre devoir, vous l'avez torché en moins de temps qu'il n'en faut à Elisabeth Borne pour dire « Nous l'avons dit, nous voulons préserver notre système de retraite par répartition. »

(J'adore Elisabeth Borne. Moins démonstrative que Foresti, plus sage que Gardin, elle n'en demeure pas moins une humoriste de premier plan, et une femme investie de son rôle de femme moderne dans cette formidable déconstruction du système démocratique tout autant qu'une certaine vision de la générosité sociale en France. Je sais qu'une exception ne fait pas école mais lorsque je l'écoute parler, je me dis que ça y est, nous y sommes, les femmes sont devenues aussi connes que les mecs. Heureusement qu'il reste des rappeurs, des footballeurs et Noël Le Graët pour nous démontrer quotidiennement le contraire.)

« Les frites, c'est comme le chocolat » est le sujet idéal pour s'entraîner à la mécanique de la dissertation. La forme plutôt que le fond. Essayez, vous verrez.

1. Lisez bien chaque terme du sujet et concentrez-vous sur les mots-clefs. Ici, bien entendu, ce n'est ni frite ni chocolat, même s'ils ont leur importance.

2. Le terme « comme » - oui, je vends la mèche – induit une comparaison entre deux termes que tout oppose (d'où leur importance sus-mentionnée).

3. Reformulez avec vos mots à vous de façon à dégager une problématique. Oui, mais c'est quoi, une « problématique » ? Bah, ça revient à dire à ton examinateur : « Elle est super ta question, merci de me l'avoir posée parce qu'elle me permet de parler de ça. » Et ce fameux « ça », qui n'a absolument rien à voir avec un clown plusieurs fois millénaire qui se servirait de vos cauchemars pour se nourrir de vos peurs, constitue justement la problématique.

4. Je reformule donc et ça donne un truc du genre : « Est-il pertinent de comparer des aliments aussi différents que les frites et le chocolat ? »

5. Cherchez vos idées, ordonnez-les comme vous pouvez, rédigez, vous avez quatre heures.

Bon week-end, je vous bise sur les deux joues et vous souhaite le meilleur.

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