56 – 17 janvier 2023 – Le temps est un sablier qui se remplit d'air.

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J'adore ce titre. Il n'est pourtant que prétexte et pirouette métaphysique inspirée de la fameuse image du verre d'eau que l'on peut considérer comme à moitié vide ou à moitié plein, en oubliant systématiquement que tout est matière. Il manque peut-être un peu d'eau dans le verre si l'on a très soif mais il n'en reste pas moins plein.

Tout ça pour dire que je n'ai pas le temps d'écrire aujourd'hui. Mes insomnies me poursuivent jusqu'à l'état de veille – ah la belle époque de nos vingt ans où nous enchaînions les nuits blanches sans bâiller plus que de raison – et je me perds dans les méandres de mes diverses activités. Mon sablier déborde d'air depuis quelques jours.

J'avais tout de même envie de prendre quelques minutes pour m'autoriser une légère respiration et évoquer le concept d'inintelligence artificielle. Oui, vous avez bien lu. Je parle bien d'inintelligence, à savoir le manque d'intelligence, la bêtise, la simplicité d'esprit, l'art de confondre les tenants et les aboutissants, l'opacité appliquée à la recherche d'idées, la jonglerie des lacunes et des coquecigrues sémantiques, la connerie débilitante et enfiévrée, la quête de soi à travers l'absence d'âme, le plaisir du rien haussé sur un piédestal, bref, l'ineptie démagogique posée en axiome.

J'en parlais la semaine passée avec mon dentiste, un individu sympathique et volubile, ce qui n'enlève rien à certains aspects sadiques de sa personnalité que l'on imputera sans vergogne à une profession oralement invasive. En d'autres termes, les dentistes adorent vous glisser des trucs pointus dans la bouche et ouvrir la leur pour parler de choses et d'autres. Qu'ils se révèlent plus pertinents que les coiffeurs tient de la tautologie mais c'est un point de vue qui n'engage finalement que votre humble et respectueux narrateur (à la dentition désormais remise aux normes et à la coiffure à jamais mal fichue).

Nous parlions donc – lui plus que moi puisque je me trouvais du mauvais côté du manche de la roulette – et nous convînmes de concert que le concept d'intelligence artificielle ne nous amusait pas outre mesure. Il est évident que je développai mon argumentaire au moment de la transaction carte vitale/ carte bleue mais je ne bataillai pas longtemps. Manifestement, nous avions tous deux vu et revu « 2001, l'Odyssée de l'espace » et entendu ainsi 357 fois la douce voix atone de HAL répéter « I'm sorry, Dave. I'm afraid I can't do that. »

Comment créer une machine capable de nous surprendre par ses étourderies, ses oublis et ses inconséquences ? Comment programmer un ordinateur de façon à ce qu'il multiplie les fautes d'orthographe, se plante dans les opérations les plus simples, prenne toujours la mauvaise décision, vote à droite, accuse les étrangers, réforme les retraites, reconduise Darmanin dans ses fonctions, etc ? Je vous avoue, ça m'épaterait. Nous cherchons – enfin, quand je dis « nous », je parle des programmeurs/ingénieurs/inventeurs de génie – à reproduire la liberté de conscience de l'esprit humain perçu comme un idéal, ou, si vous préférez, de quelqu'un qui a su élaborer une pensée complexe, cohérente, d'une logique imparable, tout en respectant un système personnel de valeurs morales qu'il ou elle aura passé sa vie à construire et peaufiner. Nous espérons créer un esprit synthétique dont Vision, chez Marvel, apparaît comme une version fantasmée : un être physiquement beau et spirituellement noble, dont l'intelligence rivalise avec celle des génies de toute époque (par exemple Zappa et Marie Curie). Quelle étrange et merveilleux paradoxe alors que la plupart d'entre nous adore débrancher la boîte à idées en se gaussant devant Hanouna.

Vivement l'inintelligence artificielle que nous nous sentions enfin supérieurs à la machine. Vivement des robots capables de concourir aux Darwin Awards, des cyborgs susceptibles de réciter l'alphabet en rotant tout en considérant que « lire, c'est pour les intellos », des GPS qui confondent la droite et la gauche (non, ce n'est pas une métaphore politique), des voitures automatiques qui décident de griller les stops et des smartphones devenus unsmart parce que bigre, j'avais envie de la placer, celle-là.

Je vous embrasse sur la joue gauche, puis la droite, mais non l'autre droite, voilà. Merci de me lire et bonne soirée.

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