63 – 26 janvier 2023 – La pensée masculiniste (suite).

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La journée chargée qui m'attend – et me presse légèrement je dois dire – m'interdit d'élaborer une analyse profonde et exhaustive de l'étude dont je causais avant-hier. Sans parler du fait que mille sujets me taraudent en même temps (à titre d'exemple, je me suis réveillé avec, en tête, la chanson « Jusqu'à la ceinture » de Graeme Allwright et je me suis promis d'écrire un texte à ce propos, un de plus, pffff).

Je vais donc me concentrer sur ce qui me touche personnellement, puisque, si ce journal n'a rien d'intime, il n'en adopte pas moins les codes de base, à savoir le « je » permanent, une subjectivité assumée (mais argumentée, j'espère), une bonne dose d'auto-analyse et des points de vue divers et variés, qui n'engagent évidemment que leur auteur mais qui prétendent parfois à l'universalité, parce que l'on écrit, peint, sculpte, pratique un instrument pour se rapprocher de ses congénères plutôt que pour s'en démarquer.

Je remarque en premier lieu que la dernière entrée du « Journal qui s'achève en traînant la patte », celle intitulée « la pensée masculiniste » datée du 24 janvier, semble vouée à demeurer la plus impopulaire de la série. Surtout auprès des hommes, dont je ne doute pas, toutefois, que certains d'entre eux l'aient lu. Aurais-je touché un point sensible ? On peut l'envisager.

Je vais donc reprendre ici certains points et les développer au maximum du temps qui m'est alloué avant le cours d'harmonie. (Qu'un cours d' « harmonie » me limite dans un exercice d'expression personnelle me frappe ici d'une ironie mordante mais passons.)

Nous, les hommes, pesons sur les femmes de tout le poids d'une idéologie invasive dont nous n'avons qu'à peine commencé à entrevoir les ramifications. Cette idéologie, certaines féministes la nomment « patriarcat », terme auquel je souscris parce qu'il associe les termes « pater » (père) et « arkhé » (pouvoir). Il s'agit donc de la combinaison latine d'un mot latin et d'un mot grec, qui remonte à l'époque où l'Eglise chrétienne pose les bases de sa domination, le patriarche étant à l'origine le chef d'une Eglise.

La notion de patriarcat invite à considérer que le père est dépositaire de l'autorité au sein de la famille, ce qui se traduit, par extension, par une autorité globale dans... ben dans tous les domaines de la vie sociale ! Une éducation patriarcale classique place le garçon au centre de l'attention et la fille en périphérie. Le garçon sera jugé potentiellement « intelligent », « physique », « cérébral », « débrouillard », la fille sera « jolie », « mignonne », « émotive », « sensible », « douce ». Je ne vous apprends rien, on a tous plus ou moins vécu la même chose, à des degrés divers, avec parfois des écarts énormes, puisque l'éducation diffère forcément selon que papa soit militaire de carrière, syndicaliste de gauche, prof, médecin, avocat, etc.

Et maman dans tout ça ?

Maman a eu fort à faire. Il lui a fallu lutter pour être considérée pour ses qualités intellectuelles. Il lui a fallu reconquérir, comme chaque femme avant, pendant et après elle, une image de personne autonome, adulte, aussi forte que n'importe qui, dans un monde qui lui impose la gestion des enfants, de la famille, du couple, de la maison, mais toujours aux ordres de l'homme, son mari, concubin, amant, père de substitution, et j'en passe.

Evidemment, quand je dis « maman », je ne parle pas de ma mère en particulier mais de toutes nos mères.

Il est démontré (dans l'étude et ailleurs) que les femmes sont toujours les premières à parler contraception au sein d'un couple. Que dis-je, au sein d'un couple ? Même pour tirer un coup vite fait entre deux portes, c'est sur elles que pèse le réflexe de la capote. Comble de notre veulerie masculine : les femmes n'ont pas de vit mais si elles sortent pour baiser, il faut quand même qu'elles pensent à fournir le préservatif !

(Quoi, c'est le mot « baiser » qui vous choque ? Ou le fait que certaines femmes sortent pour faire exactement la même chose que les mecs ? On peut arrêter de considérer une femme qui vit pleinement sa sexualité comme une prostituée et passer à autre chose, non ?)

Si les hommes tombaient enceinte, il n'y aurait pas de débat sur l'avortement : Pétain l'aurait légalisé pour faire passer la pilule du Vel d'Hiv' ! Les préservatifs seraient gratuits et on en trouverait partout tout le temps. La pilule masculine serait disponible (essayez un peu de demander la pilule masculine à un pharmacien, il vous rira au nez, je parle d'expérience) ET remboursée par la Sécurité sociale.

Si les hommes avaient leurs règles, il y aurait des jours de récupération pour chacun d'entre eux et la notion de « règles douloureuses » n'entraînerait pas de remarques désobligeantes de la part de collègues peu compréhensifs. Les tampons seraient pris en charge par l'Etat, n'en doutons point.

Au lieu de ça, les femmes nous applaudissent lorsque nous réclamons une vasectomie ! J'en ai parlé tantôt à des femmes, jeunes et moins jeunes, rencontrées dans le cadre de ma formation au JAM.

(Petite parenthèse explicative : comment en vient-on à évoquer sa vasectomie face à des inconnus, c'est une vraie question qui mérite qu'on s'y attarde. Je racontais ma vie, les enfants, mes soucis d'organisation, le fait que je n'en aurais pas d'autre, d'enfants, ouf, et on me répondait que tout était possible pour un homme, puisque « ça » (avec le fameux geste des guillemets avec les doigts levés) fonctionne jusqu'à la fin de notre vie, contrairement aux femmes, soumises à la ménopause. Je rétorquais que non, ce n'était plus possible, et l'on surenchérissait que si-si, c'est biologique (tiens, une bonne blague, serait-ce du « womansplaining » ? eh bien non, même pas, parce que nous autres, mecs, sommes statistiquement peu au fait de comment fonctionne le corps des femmes alors qu'elles connaissent parfaitement le fonctionnement du nôtre, et non, ce n'est pas juste, non), alors j'ai fini par avouer ma vasectomie. Et- là, donc applaudissements et tout le toutim. Je n'en revenais pas.)

(Vous avez vu toutes ces parenthèses imbriquées ? Je crois qu'il faut que je consulte.)

J'en était donc, avant d'être interrompu par un aparté comportant lui-même des notes de bas de pages, à cette discussion avec un groupe de femmes qui s'esbaudissaient de me savoir vasectomisé. Techniquement, selon les croyances populaires, cela devrait me rendre vachement moins viril, n'est-ce pas, les gars ? Détrompe-toi, couillu ! Si tu veux draguer en boîte, porte un t-shirt « Vasectomie forever » !

J'assume totalement l'humour douteux de cette blague pourrie mais que voulez-vous ? L'absurdité du parallèle vasectomie/avortement me hante depuis que j'ai cru comprendre que cette décision me définissait implicitement comme « éclairé », « progressiste », « pro-féministe », « adulte » ou « responsable ». Mais enfin, bigre, les femmes sont amenées à prendre ce genre de décisions combien de fois dans leur vie ? Et combien de fois à cause de l'inconséquence des hommes ? Et d'ailleurs, l'éternel débat sur l'avortement ne traduit-il pas un grand mépris pour la liberté de choisir chez les femmes – dont je rappelle qu'elles sont celles qui portent, accouchent, souffrent et assument ? Ah les fondamentaux... Donc, si je résume, c'est bien qu'un mec subisse une intervention chirurgicale pour ne pas avoir d'enfants mais si la femme avorte, elle va en enfer ?

Oui mais tu comprends, le fœtus est déjà là et le pauvre, c'est une vie qui s'éteint, tout ça machin.

Ah, ok. Donc on va encore faire passer la vie (et l'avis) de la femme APRES les enfants. Même s'ils ne sont pas nés et pas sûrs de naître.

Donc l'homme est adulte quand il opte pour une vasectomie parce que la femme ne lui impose pas de délai dans l'exercice de ce choix, alors que la femme est une meurtrière inconséquente parce qu'elle refuse d'accoucher de l'erreur d'une nuit, erreur dont l'homme reste au moins pour moitié responsable, et dont les conséquences imposent un délai que la femme ressentira dans sa chair et dans son âme.

Bon, ben avec ça, on est bien.

Je vous laisse. J'ai de l'harmonie à intégrer.

Je poursuivrai probablement demain. Ce n'est pas très construit mais ça vient du cœur. Je vous embrasse toutes et tous dans une orgie de pensées douces.

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