80 – 13 février 2023 – 10, 15 minutes pour un bref état des lieux.
Bonjour à toi, internaute procrastinateur, j'espère que ta semaine démarre dans la joie. Pour ma part, je piquerais bien un roupillon, histoire de prendre de l'avance sur la sieste, des fois que je n'aurais pas le temps pour le petit somme entre 3 et 6 heures du matin.
Pas le temps d'écrire aujourd'hui, j'ai la guitare qui m'attend, la basse qui crie « et moi ? » et un cours de chant à préparer (en tant qu'élève, je précise pour ceux qui me confondraient avec un pro). Sans parler des vicissitudes du quotidien mais tu connais, t'es comme moi, tu manges, tu laves, tu vis. Bref.
Il me faut parfois faire le point sur les écrits qui s'entassent et les idées qui traînent, s'amoncellent, s'agglomèrent, se transforment ou, pire, filent sans se retourner, vers d'autres lieux propices à l'oubli. J'ai arrêté de noter ce qui me traverse – parfois ça n'arrête pas – par souci d'hygiène mentale : tu notes à foison, en écriture chiffrée, codée, des bouts de phrases, des mots épars, des flèches qui appellent des flèches, des astérisques ou des tirets, tu croques un mauvais schéma parce que tes talents de dessinateur, tu les as laissé stagner depuis la primaire, et au bout de trois semaines, tu as rempli quatre carnets de brouillons insondables, ruiné le mythe de la page blanche en trichant comme un bleu, et, sans t'en rendre, accumulé les frustrations, parce qu'il s'agit de mener le texte à son terme au lieu de projeter dans les marges.
Evidemment, quand je dis « tu », je parle de moi. Je n'essaie pas de me planquer derrière un procédé littéraire. Ca sonne mieux, c'est tout. Et surtout, ma foi, c'est une façon efficace de me botter moi-même le cul.
Bilan des dernières semaines de production littéraire : ce journal faussement intime où toute la pudeur du monde ne masquera qu'à grande peine une certaine propension à l'exhibitionnisme mou, s'écrit quasiment tout seul. Sans plisser et sans bouger les oreilles. Parfois, il y a du style, parfois même des idées. Il arrive, lorsque les astres sont bien alignés, que les deux coïncident et sans aller jusqu'à clamer une fierté d'orgueilleux du traitement de texte, j'en arrive à poser un point final avec un ouf dont le soulagement coexiste avec un début de satisfaction. Avoir écrit diffère d'écrire. Le premier est un état, le deuxième un processus. Tout processus en cours exige effort, concentration, une forme d'obsession qui te démange de l'intérieur, en vient parfois à te ronger la cervelle sans que tu comprennes pourquoi. C'est exactement ce que j'ai ressenti hier en rédigeant le texte sur « Killing in the Name ». Je n'en étais pas content. Je m'égarais sans cesse dans le fil de mes idées, revenais en arrière, modifiais, ajoutais, gommais. Il m'a travaillé, ce foutu texte, et si je devais en tirer un recueil-papier, de « La musique adoucit les meurtres », tu peux être sûr que celui-ci aurait droit à un remaniement en profondeur.
Le « Journal d'un monde qui s'achève en traînant la patte » comporte 80 entrées. 210 pages au compteur du fichier Word dans lequel je le stocke. Je me demande si je ne devrais pas envisager d'y mettre un terme, de le remanier en surface et de le publier à mes frais. Autant poursuivre jusqu'à la fin de cette année d'étude au JAM, par souci de cohérence temporelle, puis je verrai.
« La musique adoucit les meurtres » répond à un désir d'écriture rock hérité de mes lectures du Rock & Folk des années soixante-dix – j'ai hérité de très vieux numéros dans lesquels on trouve du Paringaux, du Yves Adrien, du Alain Dister et j'en passe. Manoeuvre n'est même pas encore dans la place ! J'ai aussi dévoré pas mal d'articles de Lester Bangs, de Hunter S. Thompson, et je lis des biographies d'artistes, des dictionnaires du rock, des bouquins d'analyse. Le dernier en date se concentre sur l'histoire de la presse rock en France et je me régale. Ecrire sur la musique m'autorise une approche différente de cet art abstrait qui consiste à empiler les tierces pour amuser l'oreille d'un auditeur lambda dont il faut considérer qu'il se fiche royalement de la théorie musicale. Je choisis les chansons d'une semaine sur l'autre mais j'ai dérogé à la règle hier soir, après avoir écouté la version antique du « Manish Boy » de Muddy Waters (histoire de me le glisser dans l'oreille avant dimanche prochain), et j'ai commencé à chercher des trucs de Conlon Nancarrow parce qu'il n'y a pas de raison que je m'en tienne au rock, au blues ou à n'importe quelle musique considérée comme un tant soit peu populaire.
Réfléchir sur la musique m'apporte du réconfort et oriente ma pratique.
Mais passons à la suite, la guitare me fait du pied.
J'ai continué les « Lieux communs », cette série de textes courts rédigés dans un mélange de prose poétique et de coup de sang thérapeutique. Il s'agit d'un concept tout ce qu'il y a de banal : je choisis un aphorisme, une proverbe, une maxime, bref, un de ces mantras que l'on se répète pour avancer dans une direction donnée – généralement celle que l'on considère comme la direction adéquate, voire la seule valable – et je le décortique comme je peux, avec des contraintes purement stylistiques en filigrane.
Le roman « Champagne pour les ploucs » n'en est qu'au tout début et je le souhaite long et foisonnant, stupide dans son propos mais pas dans sa fabrication. C'est du pulp qui se voudrait parfois drôle, parfois terrifiant, un récit en cours toutefois, et je ne peux pas me permettre de publier les chapitres sans les avoir lus et corrigés plusieurs fois. La suite n'arrive donc pas avant une bonne dizaine de jours mais j'y travaille.
J'ai pris un plaisir immense à écrire sur « Moby Dick », mais l'effort reste intense, prenant, exténuant. Il y aura d'autres « Chroniques livresques par temps de crise » mais ma priorité va à la fiction, « Champagne » donc, et un récit encore embryonnaire qui n'a pas encore quitté le cahier rouge dans lequel je l'ai entamé au stylo. Je ne sais pas s'il te plaira mais plus je le feuillette, plus il me ressemble.
Il y a un autre texte en cours, de l'heroic fantasy pour amuser ma compagne. J'y reviens timidement depuis trois jours mais ça n'avance pas.
Enfin, je dois me rendre à l'évidence : il faut ré-écrire les « Confessions d'un blaireau. » Lui donner le fil conducteur qui manquait, passer du récit morcelé en vignettes – forme qui convient à son auteur mais qui semble déplaire à de potentiels éditeurs – à un roman formellement classique. Et ma foi, ce personnage du blaireau me correspond de moins en moins.
Ce qui ne signifie pas que je n'en suis pas un, entendons-nous bien.
Bref. Tout ça prend du temps et tu me connais si tu me lis parfois, pas sûr que j'arrive à tout mener de front.
Parlons de musique à présent.
Non, je déconne. Le bilan annoncé n'était que littéraire. J'évoquerai mes projets musicaux un jour prochain. Il me faut fignoler et d'ailleurs, comment dire ? La musique, tant qu'on écrit sur celle qui existe, ça mange pas de pain et ça nourrit les neurones sans peser sur l'estomac. Mais projeter à l'écrit quelque chose qu'il faut composer, arranger, adapter, jouer devant d'autres me semble finalement assez stérile.
Disons que je travaille et ce n'est pas si mal.
Je t'embrasse. Bonne journée à toi, bonne semaine, à bientôt.
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