86 – 21 février 2023 – Je file dans un quart d'heure / aphorismes de comptoir.

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Entendu hier sur une radio d'Etat : nos cycles de sommeil ne sont pas adaptés au rythme que nous imposent nos sociétés modernes. Ce serait plutôt l'inverse ou je ne m'appelle pas Jean Foutre.

Quand le lait monte, le téléphone sonne et tu ne sais pourquoi, tu veux répondre à cet appel en particulier. Pourtant, ça y est, le lait a chauffé et il grimpe à toute berzingue contre la paroi tubulaire de la casserole en fonte. Ton portable a sonné quinze fois auparavant et tu as ignoré chaque sonnerie. Cet appel, toutefois, tu y tiens sans raison et le lait continue son ascension. Métaphoriquement parlant, Hitchcock te tient par les roubignoles mais tu te crois dans un film de Rohmer.

Il faut savoir se vendre. L'année dernière, je démarchais pour un groupe qui m'a gentiment poussé du pied sans jamais oser me demander de partir et qui, dans un soupir de soulagement outragé, m'a maudit de le quitter sans pourtant oser se réjouir parce que le changement effraie plus qu'il ne titille. Aujourd'hui, je cherche d'autres lieux et je me vends autrement. Les argumentaires ont changé, les camarades de jeu aussi, mais la transaction reste plus ou moins la même : tu me payes un bifteck et je t'aide à vendre de la bière. Quand je pense aux joies qu'inspire la musique au quidam, je me projette ailleurs et souhaite n'avoir jamais rien écouté pour le redécouvrir, ignare et sorti de l’œuf, avec la naïveté des anges et la sagesse du nouveau-né.

Le chat du voisin me toise et je lui signale que je ne suis pas dupe d'un geste de la main : il me cherche tout comme il cherche mon chat et la matrone de l'impasse, Newton, ma chatte tigrée au ventre élastique. Il cherche aussi un passage quand j'ai le dos tourné et me scrute de sa petite mine de faux jeton tout blanc. Un chat au pelage neigeux, quoique le poil ras, alors que mon chat Cooper, d'une rousseur cuivrée, ressemble à une explosion de mousse, à un plumeau à poussière, un boa de drag queen. J'observe tout ce petit monde, qui se croit au -dessus de tout soupçon, mais encore une fois, je ne suis pas dupe de leurs manœuvres. J'ai saisi les arcanes de chaque jeu d'alliances et me méfie tout particulièrement de Cooper. C'est une guimauve informe, le genre de bête que tu peux choper à l'improviste, tourner dans tous les sens, tu en tireras fatalement des ronronnements satisfaits. C'est louche.

Le Canard enchaîné révèle que nous sommes encore plus enfoncés dans un vide excrémentiel que ce que je croyais. La question se pose de conserver ou non un abonnement à un objet dont la lecture amuse et parfois enivre, mais qui entretient également une certaine forme de sinistrose. Je me répète ensuite qu'on ne tire pas sur le messager et que l'état du monde dépend peut-être aussi de ces lectures. Je me dis aussi que, puisque que rien ici n'a de sens, c'est peut-être le seul organe de presse qui mérite encore ma confiance. Je conclus pour finir que je ne lis qu'un numéro sur trois, que la vie est plus longue que prévue, que je passe trop de temps aux toilettes pour m'acheter un mauvais prétexte.

En définitive, je ne sais de quoi je me plains, je crois que je culpabilise d'avoir peu écrit ces derniers jours.

Le texte sur Muddy Waters m'a éreinté le moral. Je le trouve lourd, mal structuré, confus dans certaines de ses assertions, flou dans le développement de certaines idées, globalement et irrémédiablement raté. Il me permet de mesurer à quel point je me suis laissé aller depuis trente ans que je rédige des œuvrettes insipides dans le secret de mon alcôve. Oh, il y a du métier, si je puis dire, une sorte de savoir-faire, une langue fluide et rythmée. Mais il manque l'essentiel, et non, ce n'est pas le talent. L'essentiel, c'est un propos défini. Je crois que j'écris ce que je pense au moment où je le pense. D'où cette pensée en arborescence qui rappelle le « stream of consciousness » de Virginia Woolfe. Elle m'aura marqué, celle-là !

Le quart d'heure s'est écoulé depuis trois ou quatre minutes et je tire sur la corde alors que je dois revêtir mon tablier symbolique. Je te laisse avec ça, c'est un peu court, mais j'avais tout de même envie de poser quelques mots. A bientôt, j'espère. Le rythme de la maisonnée n'est pas toujours très clair pendant les vacances.

Passe une bonne soirée.

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