88 – 26 février 2023 – Le code couleur du minot.

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Aujourd'hui, le petit est habillé en bleu. T-Short bleu, pantalon bleu, chaussettes bleues. C'est le code couleur de Steve Rogers aka Captain America. Quand il choisit le rouge, c'est pour imiter Spirou, le vert fait référence à Lloyd, le ninja vert de chez Ninjago. Il lui arrive parfois de se vêtir d'une cape noire, d'un chapeau de cow-boy qui joue à contre-emploi, une épée en plastique ou en mousse, et de sauter sur le canapé du salon en hurlant « Carne y sangre » ! Ceux qui connaissent « De cape et de crocs » apprécieront.

Le grand, je ne l'ai pas eu au téléphone depuis sa gastrite d'il y a dix jours. Sa mère, dans la foulée, m'a prévenu : « Quand il tombe malade, j'existe. Il m'envoie des messages, me demande des conseils, et je sais quand il va mieux parce qu'il tarde à répondre. » Gnagnagna, ai-je envie de lâcher. C'est vrai que les mères soignent et les pères ennuient. Je suppose qu'on l'a cherché, d'une certaine façon, surtout moi en ce qui concerne notre histoire particulière, mais défaire ce qui fut fait ou refaire ce qui fut mal fait me semble compliqué sans un accès direct au multivers ou à je ne sais quel artefact hérité de Harry Potter.

Ai-je mentionné que le petit se déguise également en Harry Potter ? Dans ce cas-là, il se dessine sur le front une vague cicatrice un peu alambiquée, un peu ratée, ça dépend des jours. Je n'ai pas souvenir que le grand allait jusqu'à singer cette partie-là de la panoplie quand il avait le même âge. Petite parenthèse à part, Harry Potter aura amusé mon petit frère côté paternel, puis mon fils aîné, ma fille qui n'est pas ma fille et le petit dernier. J'ai beau détester cet univers et les histoires de sorciers en général, il me faut bien admettre que nous sommes au devant du nouveau Star Wars – du moins si l'on réfléchit en termes de saga cinématographique à l'impact socio-culturel s'étendant dans le monde entier et sur plusieurs générations.

Pour ma part, j'aime mieux les sorcières. Non parce qu'elles brûlent bien, comme le prétendent les Monty Python dans un fameux sketch de « Sacré Graal », mais parce qu'elles n'existent que dans l'imagination des patriarches qui voudraient les museler.

En relisant d'un œil distrait ce qui précède, je me dis qu'il y a matière à reprendre mes réflexions sur le masculinisme et l'état du sexisme en France. Pas aujourd'hui, mais j'y songe. C'est une pensée obsédante. J'ai besoin de temps pour la décortiquer, et j'ai besoin également de me remettre en question à chaque palier franchi.

Hier soir, ma compagne a accompagné sa fille (la demi-mienne en quelque sorte) à un concert de Soprano. Je ne l'envie pas et, même si elle se défend d'avoir souffert le martyre, elle est obligé de se répéter mordicus qu'elle se sent heureuse d'avoir offert ce moment à la grande. Douze ans, une ado ou presque, avec ses interrogations d'ado, ses angoisses, ses brutalités de langage et ses romantismes cachés. Surtout, du point de vue strictement musical, nous avons opté, ma compagne et moi, pour une totale absence de jugement esthétique et une ouverture d'esprit soumise à la notion de goût. Pour résumer, disons que nous aimons ou n'aimons pas mais refusons de considérer tel ou tel artiste comme « de la merde », pour employer l'expression triviale par excellence.

Je vous avoue que c'est très dur parce qu'il arrive que certaines phrases nous échappent. Nous évoquions l'autre soir le dernier film Astérix, celui de Guillaume Canet, éreinté par la critique mais manifestement « plébiscité » par le public (oui, le terme « plébiscité » exige à mes yeux des guillemets mais c'est ainsi que s'expriment les journalistes à deux balles lorsqu'un film réalisé par un aveugle aux bras cassés semble plaire à la majorité) et je parlais comme un critique abonné au café du commerce : « Apparemment, c'est une merde. » Ou quelque chose comme ça.

J'ai vu le regard de la grande se durcir et sa mâchoire frémir.

« Non, il est super. »

Le ton froid et définitif. Je n'ai pas insisté. Je lui ai demandé si elle l'avait vu. Elle a répondu d'un « oui » tout aussi froid que le reste et j'ai encore moins insisté. On apprend à ses enfants que l'on ne juge pas tant qu'on ne connaît pas et je me retrouve à assassiner une œuvre sans autre argumentaire que celui de critiques de cinéma – dont je valide toutefois le point de vue parce que j'ai croisé les sources, j'ai comparé les angles d'attaque et suis parvenu à la conclusion que ce film ne me plairait probablement pas. Bref. Douze ans, aucune raison de ne pas lâcher l'affaire. Si un jour, je tombe dessus par hasard, j'essaierai peut-être. Mais déjà que j'ai du mal avec « Camping »...

La suite de mes élucubrations un autre jour. Je m'étais autorisé 35 minutes et deux cafés. J'ai bu les unes et les autres.

Je t'embrasse, te souhaite un beau dimanche, une chouette soirée, et ce qui te convient mais en mieux, parce que tant qu'à souhaiter, autant souhaiter grand.

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