90 – 3 mars 2023 – La cabane dans les bois.
J'ai oublié le nom du village. Il se situe à proximité du lac du Bonheur. C'est pourquoi vous y trouverez volontiers l'auberge du même nom, la route éponyme et je ne sais quoi d'autre répondant au même glorieux patronyme. Nous nous sommes dits de concert qu'aucun de nous n'y connaît grand chose, comment ça marche, pourquoi ou sous quelles conditions, mais en tout cas, on sait où ça se trouve : le bonheur, c'est pas loin de l'Espérou, à 8 km du Mont Aigoual, sur un plateau plus neigeux qu'enneigé, jonché de maisons vides.
Nous y restons jusqu'à dimanche. Ma compagne et moi, les enfants, des amis qui nous ont rejoints tout à l'heure.
Le temps est au clair et à la brise froide. Mais le soleil tape par moments et nous avons cheminé pendant une paire d'heures sans trop se fixer d'objectif. Pour ma part, je rêve de fin du monde et d'apocalypse zombie. On peut prendre le temps, vous savez, respirer ce bol d'air frais qui te revigore les bronches et hâte ton sommeil. On peut aussi sortir sur la terrasse et observer le couchant à travers la cime des résineux-épineux qui projettent leurs griffes à contre-jour vers un ciel dégagé. Je tourne la tête et je vois des arbres nus, un oiseau en ombres chinoises, des poteaux électriques qui m'évoquent ceux de Lucky Luke.
La maison est en kit. Des lattes horizontales emboîtées comme dans ce jeu de construction dont je rêvais enfant. Les murs t'enferment avec la candeur délicieuse du brocanteur : la porte est close, la boîte fermée, les parois te tiennent par le bout des yeux et se rapprochent de tes épaules. Mais c'est du bois, rustique, clair, c'est doux, c'est beau, l'air est vif, n'y pensons guère, à cette cellule ambrée.
Là où d'autres entrevoient un cadre, un horizon, de la neige à rouler en boule avant de la balancer à la face d'un autre, moi j'imagine un carnage, un meurtre, une attaque d'ours ou un lynchage au pays des chasseurs bourrés – comment ça, c'est un pléonasme ? Je rêve de temps passé à aligner des phrases. Les idées, pourtant, ne se précipitent pas sous ma plume.
La fatigue – encore – me pèse. Le souffle court, le muscle mou. J'ai l'impression que mes jambes se dérobent à certains moments, comme si mon corps me rappelait de temps à autre qu'il faut parfois s'asseoir, s'arrêter, regarder autour de soi.
Lorsque je me retrouve en montagne et que la neige intègre mon champ de vision, je repense fatalement au hameau de Bécours, près de Sévérac-le-Château, où j'ai passé une année il y a tout juste une décennie, me semble-t-il. M'enfin, bon, les dates et moi hein...
Je te laisse et t'embrasse. J'essaierai d'écrire un brin demain.
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