105 – 5 juillet 2023 – Lieux communs et lapalissades.

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105 – 5 juillet 2023 – Lieux communs et lapalissades.

« Rien ne justifie les pillages, les incendies, les violences contre les forces de police. » (Sarah Tanzili, Renaissance)

Une phrase que j'entends partout : à la radio, à la télé (licence poétique : je n'ai pas la télé mais j'ai internet et j'ai parfois l'extrait d'un machin télévisuel qui vient me polluer l'esprit), dans la bouche de certains membres de ma famille, de certains amis. Je le vois écrit sur les réseaux sociaux, fréquemment précédé de la conjonction de coordination « mais », celle qui marque l'opposition nette tranchée, celle qui t'indique sans ambiguïté que tout ce qui précède le « mais » fatidique ne veut rien dire. On le prend, on le froisse, on le jette et il ne reste que l'idée forte, puissante, l'expression d'une valeur, et les valeurs, on le sait, importent davantage que la vie des gens. Surtout si les gens, on ne les connaît pas et qu'ils n'ont pas passé le contrôle d'identité avec les mentions du jury. Le jury, en l'occurrence, est ici un flic armé, à la fois juge, bourreau, procureur. Ne lui manque plus que le chapelet du prêtre pour pratiquer l'extrême-onction et la pelle du fossoyeur pour qu'on n'en parle déjà plus.

« Rien ne justifie... »

C'est beau.

Ramassons un peu les miettes de notre discours et grimpons dans la Delorean de ce bon vieux Doc Brown.

2015 : Loi Macron : déréglementation du travail le dimanche, en soirée, les jours fériés. Notamment dans le secteur touristique et pour les entreprises de transports de passagers. Résultat : environ 14000 emplois créés contre les 22000 prévus. Résultat à long terme : les patrons accroissent leur pouvoir sur les employés, à qui ils n'hésitent pas à imposer les jours de repos, et des horaires contraignants.

2016 : Loi El Khomri, dite loi « travail » : il devient plus facile pour une entreprise de procéder à un licenciement économique.

2017 : loi autorisant la police à utiliser son arme pour refus d'obtempérer. « Les rapports de l’IGPN montrent une augmentation du nombre de décès à l’occasion d’une mission de police (32 en 2020, contre 17 en 2018), ainsi qu’une multiplication par deux du recours au taser depuis le milieu des années 2010 » Rapport annuel d'activité de l'IGPN 2020, ministère de l'Intérieur.

2018 : suppression de l'ISF : petit cadeau pour les riches et ultra-riches. Merci Macron.

2018-2019 : mouvement des Gilets jaunes : vingt-quatre éborgnés, cinq mains arrachées, le tout grâce aux tirs de LBD pratiqués par la police. Mise en place des techniques de « nasse », recours systématique au gaz lacrymogène, utilisation répétée de grenades dites « de désencerclement », et de grenades GLI-F4.

28 octobre 2020 : l'Etat français est condamné pour faute lourde par le Tribunal judiciaire de Paris. La condamnation concerne des violences policières, des contrôles d'identité injustifiés et des arrestations irrégulières de mineurs qui se sont déroulés à Paris entre 2014 et 2016.

Et il y a des tas d'autres trucs, dont la toute réforme des retraites imposée par la force, le recours systématique (oserais-je dire « systémique ») au 49-3, le mépris affiché, sans cesse renouvelé par le Président de la république et ses ministres, attachés, et autres garde-chiourmes pour le peuple, la masse, les gens. Faut-il rappeler toutes les petites phrases sur ces gares on l'on croise des « gens qui ne sont rien » ? Et encore une fois, j'en passe et non des moindres.

Tenez une autre statistique, toujours réjouissante celle-là. Chiffres recueillis sur le site « Désarmons-les ».

Nombre de personnes tuées par les forces de l'ordre par année :
2 en 1987, 9 en 1988, 1 en 1989, 4 en 1990, 5 en 1991, 9 en 1992, 16 en 1993, 12 en 1994, 14 en 1995, 10 en 1996, 12 en 1997, 6 en 1998, 13 en 1999, 6 en 2000, 14 en 2001, 9 en 2010, 13 en 2011, 17 en 2012, 14 en 2013, 21 en 2014, 17 en 2015, 16 en 2016, 24 en 2017, 23 en 2018, 24 en 2019, 32 en 2020, 52 en 2021, 35 en 2022.

Comme on peut le constater, à partir de 2017, c'est la fête du slip pour les flics cow-boys. Parce qu'il y en a. Ils aiment le Punisher, dont ils ont tendance à oublier que c'est juste un personnage, bordel, et ont du mal à gérer les notions de tolérance et de diversité culturelle. A titre d'exemple, je vous invite à lire ceci : (voir lien en commentaire)

Mais il y a d'autres Zineb, des Mohamed et des Rachid. La police tue en priorité tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Arabe.

Mais « rien ne justifie » blablabla.

Notons aussi au passage le mépris affiché pour les jeunes générations. La crise climatique est gérée comme un stand de buvette au salon de l'auto et on s'étonne que des gamins se radicalisent.

Alors oui, ok, ça brûle à tout-va, ça brûle des écoles et ça s'attaque au bien d'autrui. Et si on peut gratter un jean's ou un I-phone au passage, pourquoi se priver ? Je ne sais pas comment je réagirais à leur place. J'aime à penser que je ne céderais pas aux sirènes de la violence en bande, de la curée dévastatrice, cathartique, du grand pétage de plomb avec mes copains de toujours, mes voisins d'une vie, tous aussi gueux que moi. Mais au fond, je n'en sais rien et je me dis que l'on brûle ce qu'on connaît, que l'on s'attaque à ce qui nous paraît représenter l'autorité, que l'on vole ce qu'on ne peut pas s'acheter parce qu'on nous a démontré mille fois par A plus B que c'est exactement ce qu'il nous manque pour être beau, élégant, puissant, cool, l'homme d'aujourd'hui.

Et puis merde, de toute façon, tout le monde vole, tout le monde se sert, pas vrai ? On en parle quand des multiples casseroles judiciaires de nos élites politiques ?

Dans un pays corrompu jusqu'à la moelle où le pouvoir se repose sur une police constituée de demeurés adeptes de la gâchette facile, comment s'étonner que des gamins s'excitent et se jettent dans la mêlée ?

Ils ne réfléchissent pas ? Ha ! Parlez-moi d'un scoop ! Et vous réfléchissez, vous ? Ils regardent les mêmes émissions que vous, ils connaissent Hanouna et C-News, ne lisent que des commentaires haineux sur les réseaux sociaux, se gavent de films d'action où le héros règle le problème à coup de tatannes ou de revolver. Comme vous, les gars, comme nous tous. La preuve, c'est que la seule réponse que je le lis sur vos lèvres, c'est l'incompréhension, la rigidité cadavérique de celui qui se drape dans des valeurs civilisationnelles.

« Tout ça, c'est un problème d'éducation. »

Oui et non. Tout ça, très cher, c'est le retour de la lutte des classes. Sauf que ce ne sont plus des ouvriers qui s'opposent aux patrons mais des Morlocks qui voudraient bouffer de l'Eloï. Et si tu n'as pas la référence, laisse-moi rigoler et te rappeler que tu méprises le manque de culture de ceux que tu ne connais pas, ceux qui ne te ressemblent pas (crois-tu), ceux dont tu imagines qu'ils passent leur vie à braquer des banques et à vendre du shit.

On les a parqués dans des ghettos, on leur impose quotidiennement le contrôle au faciès et faudrait s'étonner que la colère gronde.

D'autant qu'il fait de plus en plus chaud, tu l'auras remarqué. Et quand la chaleur t'accable, elle te fatigue, elle t'énerve, elle brouille tout. Va voir « Do the Right Thing », de Spike Lee, et regarde-le avec amour et tendresse pour CHACUN des personnages.

« Ils ne sont même pas politisés. »

Et alors, bordel ? La révolte politique, qu'est-ce qu'elle a donné, récemment ? Epuisement du mouvement des gilets jaunes, répression brutale et systématique, dissolution des « Soulèvements de la terre », menaces voilées de la part de Darmanin à l'encontre de la Ligue des Droits de l'Homme, adoption de la loi des retraites malgré une opposition farouche et généralisée de l'écrasante majorité de la population, recours aux interpellations gratuites de façon à museler les manifestants, répression enfin du droit de grève, dont je rappelle qu'il s'agit d'un droit constitutionnel ET fondamental.

Alors tu sais quoi ? Politisé ou non, je ne vois pas pourquoi on n'irait pas tout casser et tant pis pour les dommages collatéraux.

« Vous sortez du cadre républicain » (Elisabeth Borne s'adressant aux députés de la France insoumise ayant osé émettre une idée contraire à ce vent mauvais qui semble ne souffler que dans un sens et qui annonce sans ambages l'installation de l'extrême-droite au pouvoir. Tout avis contraire sera réprimé. Et tant pis pour ceux qui disent que les flics sont des cow-boys analphabètes et tueurs d'enfants. Ils sortent du cadre républicain.

Je me demande si Charline Vanhoenacker et sa joyeuse bande sortaient du cadre républicain ? Encore une preuve, s'il en manquait, que le fait d'être politisé ne prêche pas forcément pour une meilleurs efficacité.

Je vais vous dire un truc qui va peut-être vous surprendre. J'ai un très bon ami commerçant. Oui, oui, je vous assure, y en a des bien. Comme la plupart des commerçants, il penche un peu plus à droite qu'à gauche, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve de générosité et de gentillesse dans son quotidien. C'est peut-être parce qu'il est libraire.

« Nahel n'était pas un ange. »

Bon, ça va alors. Y a que les anges qu'on n'a pas le droit de tuer.

Il faut rappeler tout de même que le garçon, s'il était connu de services de police, jouissait d'un casier judiciaire vierge. Je rappelle à toutes fins utiles qu'il était mineur et que les mineurs sont encore un tout petit peu protégés en France.

En réalité, cette phrase, « Nahel n'était pas un ange », signifie que vous soutenez la peine de mort et que vous considérez que les enfants ont droit au même traitement judiciaire et pénal que les adultes. Je vous le dis comme je le pense : ça craint. Toute la merde sous-culturelle émise par les filiales audiovisuelles de Bolloré aura donc fini par atteindre votre cerveau et, encore une fois, c'est les connards qui gagnent.

Ah puteborgne, c'est pas avec vous qu'on aurait détruit l'Etoile de la mort !

Allez, je t'embrasse quand même, humain faillible, et te dis à très bientôt dans cette magnifique prequel de « la Route » que nous vivons avec plus ou moins de bonheur.

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