Si tu es fatigué de travailler sans cesse,

Que le monde t'accable de mille et un soucis,

Et que tous les chagrins s'abattent sur ta tête

Comme un essaim vivant de sombres mélodies,

Ferme ta porte à clef, va-t'en par les chemins,

Glâner dans ton panier les sourires, épis mûrs

Des oiseaux qui pépient comme des boute-en-train,

Des fleurs et des rayons que t'offre la nature.

Allonge-toi sur l'herbe au doux soleil de mai ;

Appuie-toi à l'épaule d'un chêne centenaire ;

Laisse venir à toi le parfum du muguet

Et la brise souffler sur le noir de ta peine.

Souris à l'enfant blond dont les yeux te regardent ;

Caresse doucement, le chat sur tes genoux.

Dis bonjour, dis merci ; sans qu'on y prenne garde,

Ces mots du quotidien sont un baume si doux !

Laisse enfin s'écouler ta douleur s'il le faut

Au fil du ruisseau bleu de l'encre de ta plume ;

Et nous t'allègerons du poids de ses cristaux

En l'écoutant ce soir se plaindre sous la lune.