Au lecteur (2)
Je veux bien que tu lises mais j'écris pour moi :
Mon gribouillis c'est sûr te semblera étrange !
Je te verrai froncer le sourcil quelquefois
Et soupirer souvent aux mots qui te dérangent.
Mes mots n'émanent pas tout droit du grand Robert,
Enchaînés aux boulets de leurs définitions :
Je les ai affranchis, leur sens exact se perd,
Aux méandres confus de l'imagination.
Parfois tu m'as aidée saisissant l'adjectif
Chassé par moi en vain, qui m'avait échappé ;
Parfois j'ai relâché sans regret ton captif
Car il avait pour moi un chant trop étranger.
C'est que vois-tu mes mots, ce sont les marque-pages
De mes instants de vie que tu n'as pas vécus ;
Si je dresse un portrait tu t'en fais une image
Qui ne ressemble pas à celle que j'ai vue.
La technique n'est pas pour moi le but suprême,
Même si j'en salue la savante prouesse ;
Je cherche à respecter les rimes et les mètres...
Mais je ne veux vraiment, au fond, que la tendresse.
Si tu te reconnais à l'amer de ma peine,
Si mon poème en toi fait vibrer quelque corde,
C'est que nos cœurs parfois ont une même haleine
Et entrent un moment en magique concorde.
Je t'offre un gros bouquet de mes mots s'ils te plaisent,
Prends-les, ils sont à toi à cet instant béni.
S'ils te sont incongrus et te semblent fadaises,
Passe donc ton chemin, au moins pour aujourd'hui.
Car tu trouveras bien au détour d'une page,
Des mots qui pourront mieux que les miens te distraire,
Quelque traduction de ton humeur volage,
Quelque interprétation de tes intimes rêves...
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