Contresens
J'ai franchi autrefois les journées une à une
Comme on avance amer, sur du verre pilé ;
Je digérais le temps minute après minute
Écartée de la vie et des joies exilée.
Je disais « tout va bien », sourire sur les lèvres,
J’entamais l'heure neuve en retenant mon souffle,
Et j'attendais la fin, du jour, de la semaine,
Pour m'évader enfin, dans le sommeil, ce gouffre.
A peine était fini le labeur d'aujourd'hui,
Que je cognais mon front à celui de demain ;
Et je n'osais jamais confier à autrui,
A quel point je souffrais sans avoir l'air de rien.
Je lisais le mépris, à l'innocent sourire,
Je faisais taire en moi, toutes les gentillesses,
Faute de quelques mots, j'ignorais la tendresse,
Mon squelette éperdu menaçait de fléchir.
Je refusais que coule le flux de ma peine,
Je refusais d'ouvrir la boîte de Pandore ;
Je voulais me convaincre au plus profond du corps
Que je me portais bien et que j'étais sereine...
Il aura bien fallu, doubler, tripler le fil,
Pour réparer enfin mon cœur tout lacéré !
Il aura fallu tuer les craintes imbéciles,
Pour arracher mon âme à ces crocs acérés !
Je pose un front confiant à l'épaule des heures,
Je me laisse fléchir, pour ne pas me briser,
Je leur tends une main où se tient mon vrai cœur,
Afin de les comprendre, afin de les aimer.
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