2 - PROPOSITIONS EMERGENTES
2.1 - Améliorer l’accompagnement du patient
2.1.1 – Favoriser le lien
Le service de Curiethérapie est réparti en trois sites géographiques distincts : consultation, traitement, hospitalisation. Si la communication s’effectue entre les différents intervenants (médecins, Internes, Cadres de santé, infirmières, aides-soignants, assistantes médicales, manipulateurs, brancardiers,…) en cas de besoin, elle reste limitée du fait de la configuration architecturale et l’emploi du temps de chacun.
Les soignants soulignent d’autre part que l’information est rarement bien assimilée par les patients surpris à leur arrivée de telle ou telle disposition.
L’organisation du dispositif d’annonce tel qu’il est prévu pour les autres pathologies favoriserait peut-être une prise en charge plus globale : un temps pour comprendre les peurs et les appréhensions, adapter l’information, présenter l’équipe, les lieux, faire le lien avec les différents membres de l’équipe, rester disponible en cas de besoin...
Le patient apprécie être au centre des intérêts d’une équipe qui se relaye autour de lui. Il apprécie mettre un nom, un visage sur une fonction, c’est ainsi que le monde hospitalier devient pour lui, un monde plus familier où il peut ancrer ses repères.
L’anticipation des besoins est également importante car la curiethérapie s’effectue lors d’un séjour unique de quelques jours.
Des personnes ressources travaillent sur le terrain. Elles ont une longue expérience de la thérapie et une motivation affirmée pour pratiquer ce soutien.
2.1.2 – Rompre l’isolement et soutenir l’épreuve
Patients et soignants déplorent les conditions d’hébergement qui limitent les visites et l’accès à d’autres corps de métier. Les patients ont bien exprimé l’impact de l’isolement sur leur état d’esprit.
Par les émotions et sensations décrites au cours de l’hospitalisation (épreuve, souffrance, dépendance, solitude, colère,…), on mesure aussi la nécessité d’un soutien.
Selon les propos de P. Ricoeur lorsqu’il parle de la souffrance, on pourrait développer l’idée d’encouragement. Ne peut-on pas comparer le patient dans cette situation, au sportif qui, dans la souffrance de l’effort et du surpassement, est encouragé tout au long de son parcours.
Conjointement à l’intervention des soignants de l’unité, l’équipe des soins de support, par diverses approches : kinésithérapie, sophrologie, esthétique, soutien psychologique…, pourrait vraisemblablement apporter ces signes d’encouragement, de reconnaissance et de respect à la personne traversant cette épreuve.
2.2 – Susciter la réflexion et le questionnement des personnels
2.2.1 – Communiquer
La curiethérapie reste un traitement méconnu du grand public mais également des personnels qui ne sont pas directement impliqués dans cette prise en charge. Le fait qu’elle se pratique dans des lieux dont l’accès est contrôlé, laisse planer aussi la crainte des effets de la radioactivité.
Parmi les soignants, deux visions s’opposent dans sa description : le bienfait d’un soin curatif et la barbarie d’une technique.
Faire connaître la thérapie, ses progrès, ses résultats thérapeutiques, interroger les patients sur leur vécu, comprendre leurs sentiments et transmettre leur expérience permettraient sans doute de restituer une image moins controversée de la thérapie et d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la prise en charge.
2.2.2 – Transmettre
Les soignants que j’ai rencontrés ont pour la plupart, une longue expérience en curiethérapie, ce qui traduit leur intérêt pour la thérapie et leur attachement aux patients.
La transmission de leur savoir n’est cependant pas aisée. Elle s’exerce partiellement par la formation des nouveaux intervenants dans le service mais se perdra aussi le jour où ils quitteront l’établissement.
En dehors des soins techniques, nombreux sont les actions et gestes bienfaisants à la portée de chaque personnel pour prendre soin et se soucier d’autrui. Ils ne peuvent cependant trouver place dans la conformité des protocoles parce qu’ils répondent aux besoins d’un sujet placé, à un moment donné, dans une situation particulière.
« Se soucier d’autrui » intègre un mouvement d’aller-retour : sans cela, comment connaître l’impact que nos actions auront produit en l’autre ? En cela, le témoignage des patients est riche d’enseignement et mérite discussion et partage.
Construire ensemble un petit recueil des actions bienfaisantes pourrait-il contrer le rapport rédigé par C. Compagnon et V. Ghadi pour l’HAS en 2009 : La maltraitance « ordinaire » dans les établissements de santé ?
2.2.3 – S’interroger
La réflexion éthique n’apporte aucun mode d’emploi, mais nous amène à prendre conscience de ce qui fait le bien.
Situations difficiles à gérer, importante charge de travail sont les composantes répétées d’un quotidien dont il semble indispensable de s’extraire pour redonner du sens à ce mouvement routinier qui peut altérer notre disponibilité, notre faculté d’écoute.
Marquer un temps d’arrêt pour questionner nos pratiques, confronter nos points de vue, peut nous aider à analyser les tensions issues de situations délicates dans lesquelles nous sommes impliqués auprès du patient.
D’autres approches, celle du philosophe, du sociologue, de l’historien…ouvrent aussi un champ de conceptions inexplorées que la société d’aujourd’hui ne met pas au premier plan des valeurs qu’elle prône.
Une réflexion éthique menée collectivement au sein d’une institution hospitalière nous permettrait-elle de participer à ce que Canguilhem appelle « une pédagogie de la santé » ?
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