Quelque part, il y a fort longtemps.

 Un cri déchira le silence moite de cette nuit d’automne. L’ambiance était confinée, étouffante dans cette chambre seulement éclairée par la lumière de plusieurs bougies et de la cheminée. Un linge frai fut posé sur le front de la jeune femme.

— Tiens bon mon aimée, dit la voix, le bébé sera bientôt là.

Une nouvelle salve de douleurs traversa le corps de la future mère et un hurlement s’échappa de ses lèvres. Elle haletait, un soupire de soulagement s’échappa de ses lèvres en sentant à nouveau le linge humide parcourir son visage. Elle avait l’impression que cela faisait des jours qu’elle accouchait. Quand donc ce bébé viendrait-il au monde ? Une nouvelle contraction la traversa. Une nouvelle vague de douleur.

- Encore une fois mon aimée. Je vois la tête, dit la voix masculine.

La femme hocha difficilement la tête, sentant tout son corps se tendre vers sa prochaine délivrance. Ils habitaient trop loin de tout et de tous pour que quelqu’un d’autre que son compagnon s’occupe de mettre au monde leur enfant. Aucun d’eux n’avait peur de cela, mais elle n’aurait jamais cru que donner la vie puisse faire aussi mal. Elle regrettait son refus qu’il soulage sa douleur. Et en même temps non. Elle poussa un hurlement quasi inhumain alors qu’elle se redressait poussant de toutes ses forces avant de s’écrouler à demi inconsciente sur le lit.

Le bébé se mit à pleurer une seule et unique longue fois après que le jeune père l’eut sorti du ventre de sa mère. Il le nettoya sommairement, l’enveloppement dans un linge.

— Mon aimée, regarde notre enfant… dit-il en déposant le nourrisson contre le sein de sa mère.

Cette dernière prit son bébé… Son regard fut soudain envahi de noir. Sa voix sembla venir d’outre-tombe alors qu’elle prononçait :

— Enfant des Deux Grands.

Perdue dans le temps.

D’Ombre et de Lumière étant.

Harmonie et Chaos formant.

Sur ses épaules reposent,

La survie de toutes choses.

L’Équilibre ne pourra régner

Que si elle trouve la Clé.