Chapitre 2

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 Elena reprenait doucement des forces. Elle avait eu besoin de temps pour se remettre debout et être capable de se déplacer sans aide. Cela n’avait malgré tout pris que peu de temps. Olivia avait été impressionnée par les capacités de récupération de la jeune femme. Elle semblait avoir retrouvé toutes ses capacités motrices et cognitives en l’espace d’une journée et demie. Malgré tout, elle exigea de la garder en observation avec elle. Magnus vint rendre visite à leur inconnue une fois qu’Olivia eut approuvé les visites.

— Chef ? dit la rouquine surprise de le voir ici.

— Je suis venu rencontrer notre invitée. J’ai attendu ton feu vert pour venir, rien de surprenant à cela.

— Je… oui.

— Fais-moi ton rapport, demanda-t-il en regardant la femme de ses yeux noisette.

Olivia hocha la tête avant de commencer. Magnus l’écouta attentivement. Il n’avait pas survécu et réussi à rester chef de Clan aussi longtemps sans avoir pris le temps d’écouter les membres les plus importants de ce dernier : guérisseur et Gardiens en faisaient partis. Il hocha la tête.

— Bien, penses-tu qu’elle puisse intégrer le Clan le temps que nous trouvions d’où elle vient. Si elle est de notre monde, elle doit avoir de la famille ou des proches, dans une tribu ou une autre.

— Elle est apte oui. Sa capacité d’adaptation est impressionnante. Mais il lui faut quelqu’un de patient. Je n’arrive pas à déterminer son âge, son aura magique est toujours aussi étrange. Et même si elle semble avoir des connaissances en dormances, elle est aussi pleine de questions.

— Je vois… Je pense savoir qui sera parfaite pour la guider dans notre monde.

— Je pense que Lara conviendrait parfaitement oui.

Magnus eut un sourire. Encore une fois, Olivia connaissait aussi bien que lui les membres de leur clan. Ce qui n’était pas une surprise pour la future Druidesse…

— Je vais aller me présenter.

— N’oubliez pas de frapper avant d’entrer, le railla Olivia.

Magnus eut un rire et se dirigea vers la chambre de leur invitée. Après un coup bref, une voix étouffée l’invita à entrer.

— Bonjour Elena, dit Magnus de sa voix de ténor.

Elena leva la tête du livre qu’elle était en train de lire. Olivia lui avait laissé à disposition tous les ouvrages qu’elle possédait. La jeune femme avait été très intéressée par un livre relatant l’histoire de leur monde et le dévorait dès qu’elle se sentait désœuvrée. Ce qui arrivait bien souvent.

— Bonjour… ? dit-elle un peu surprise. Ses yeux mauves si expressifs laissant transparaître sa question.

— Magnus, je suis le chef de ce Clan. Olivia m’a dit que tu étais apte à te joindre à nous. Je vais te confier à quelqu’un qui pourra te guider au sein de notre clan. Enfin, si tu souhaites t’ingérer à nous le temps que nous découvrions d’où tu viens et retrouvions tes proches.

Les yeux d’Elena se mirent à briller. Évidement qu’elle souhaitait connaître leur Clan. Olivia était très gentille, Sephiro aussi, mais elle aimerait bien connaître d’autres personnes et en apprendre plus ! Tellement de questions se bousculaient dans son esprit et les livres n’avaient pas toutes réponses malheureusement.

— Cela serait avec grand plaisir, répondit Elena avec engouement.

— Bien. Je vais te présenter à ton guide, suis-moi… Et nous te trouverons une chambre dans la maison générale lorsque tu te sentiras à l’aise.

Une légère angoisse saisie Elena. Une chambre… ? À elle ? Mais…

— Ne t’angoisse pas, cela ne se fera que lorsque tu te sentiras prête, la rassura Magnus, prends le temps de découvrir le clan avant tout. De t’y sentir chez toi. Pour l’instant Olivia n’a pas besoin de la chambre de soin, tu peux y rester.

Le corps d’Elena se détendit, soulagée d’entendre cela. Elle commençait seulement à prendre ses repères et se sentir vraiment à l’aise dans ce qu’elle connaissait de l’infirmerie et de la maison d’Olivia qui y était reliée. Magnus lui fit signe de la suivre.

En sortant de l’infirmerie, qu’elle n’avait pour le moment pas quittée, Elena fut frappée par le village qui se dévoilait sous ses yeux. L’infirmerie était légèrement surélevée par rapport au reste du village. Ce dernier semblait d’ailleurs s’être construit en cercle autour d’une place centrale au milieu de laquelle miroitait un point d’eau si elle en croyait les reflets qu’elle apercevait. L’argentée observa de tout côté, curieuse de découvrir ce monde qu’elle ne voyait qu’au travers des fenêtres ou des livres. Un grand bâtiment se dressait sur la gauche de l’infirmerie à quelques mètres de là, sûrement la maison générale dont lui avait parlé Magnus. La savoir à quelques centaines de mètres seulement de l’infirmerie rassura la jeune femme. Magnus qui avait continué à avancer s’arrêta en se rendant compte qu’Elena ne le suivait pas et revint sur ses pas.

— C’est beau n’est-ce pas ? dit-il non sans une once de fierté en la voyant admirer le village.

La jeune femme hocha la tête, admirative. Elle trouvait ingénieux la façon dont s’était construit ce qu’elle apercevait du village. Trois bâtiments semblaient surélevés par rapport aux autres : l’infirmerie, la maison générale et un autre qu’elle n’arrivait pas à identifier, mais ressemblait à une armurerie ou un bastion. Le tout semblait avoir pris en compte la topographie du terrain et les éléments naturels qui y étaient. Certains bâtiments semblaient avoir été construits autour d’arbres ou à l’intérieur de ces derniers. Elle était très curieuse de voir comment cela avait pu être possible, mais Magnus semblait plutôt vouloir la présenter absolument à la personne qui la guiderait.

— Nous pouvons y aller, pardonnez-moi… C’est la première fois que je sors de l’infirmerie depuis mon réveil.

— C’est bien naturel, j’aurais dû y penser, dit Magnus bienveillant, mais je dois me hâter, des tâches m’attendent, je te laisserai visiter à loisir le village avec ta guide.

Ta guide. Premier indice, la personne qui se chargerait d’elle serait une femme. Elle avait le sentiment qu’on la babysittait comme une enfant, mais… elle n’avait aucun souvenir, même si cela la rendait un peu mal à l’aise ce n’était pas plus mal de savoir comment fonctionnait ce monde et le clan. Après quelques instants de marche, où Elena dû se faire violence pour ne pas s’arrêter et admirer chaque détail, ils arrivèrent devant une maison. Une jeune femme aux cheveux d’un bleu électrique sirotait une boisson chaude en lisant un livre, assise dans un fauteuil suspendu en osier.

— Bonjour Lara ! lança Magnus.

La dénommée Lara leva les yeux aussi noirs que de l’encre de son livre et un sourire amical éclaira ses traits.

— Bonjour chef ! dit la jeune femme en se levant et déposant livre et tasse sur le rebord de sa fenêtre, vous voulez boire quelque chose ?

— Cela aurait été avec plaisir, mais une autre fois, mes devoirs m’appellent. Je suis venu te confier notre invitée : Elena.

— Enchantée Elena, je suis Lara ! dit la jeune femme en lui adressant un gracieux signe de tête.

Une aura de douceur et de bienveillance se dégageait d’elle. Elena répondit à son salut, un peu plus maladroitement.

— Enchantée…

— Je te charge de lui faire découvrir le Clan et lui apprendre de tout ce qu’elle a besoin de savoir. Elle s’intégrera à nous le temps que nous en apprenions plus sur elle.

— Très bien. Je m’en occupe, c’est un honneur, répondit Lara en s’inclinant avec respect devant son chef.

Magnus après un bref signe de tête s’éloigna. De nombreuses choses l’attendaient et il n’avait plus de temps à perdre. Lara observa Elena. Fluette, les traits très fins, de beaux yeux mauves et de longs cheveux soyeux argentés. Elle semblait incarner l’innocence même. Un nouveau sourire étira ses lèvres.

— As-tu déjà mangé ? À la réponse négative d’Elena, elle ajouta, je te ferais faire le tour de village après alors, déjeunons avant tout.

Le repas bien que frugale fut suffisant pour Elena. Rapidement, Lara se mit en route vers la place centrale.

— Comme tu l’as peut-être remarqué en sortant de l’infirmerie, le village est construit en cercle autour de la place. Ce qui fait que peu importe le chemin choisi à un moment où un autre on retombera toujours sur la place et donc la sortie. Les grands évènements se déroulent sur la place et les quatre points cardinaux mènent au Sud à la sortie, au Nord à l’infirmerie, à l’Est à la maison commune et à l’Ouest au quartier général des Gardiens.

— Les Gardiens ?

— Oui. Ce sont nos protecteurs. Ils patrouillent sur notre territoire et sont chargés de faire respecter les lois et l’ordre. Ce sont nos plus puissants combattants, d’excellents chasseurs et diplomates.

— Je vois… dit Elena pensive.

Elle savait donc maintenant quel était ce troisième bâtiment sur lequel elle s’interrogeait un peu plus tôt.

— Si ce sont des combattants… Je suppose qu’ils sont entrainés à… tuer ? dit Elena un peu hésitante.

Lara s’arrêta et regarda la jeune femme droit dans les yeux.

— Oui. Mais la mort n’est donnée qu’en cas d’absolue nécessité et si aucun autre recours n’est possible. Nos peuples n’aspirent pas à la violence. Et la paix règne depuis plusieurs siècles entre les peuples magiques… Lorsqu’il y a conflit, nous essayons de passer par la diplomatie.

— Cela veut dire qu’il n’y a aucun conflit majeur depuis plusieurs siècles ?

— Non… juste que nous avons réussi à éviter les bains de sang depuis plusieurs siècles.

Tout en parlant, les deux femmes reprient leur marche. Elles finirent par arriver à la place centrale. En son centre reposait une immense fontaine en pierre sculptée. Elena s’arrêta ébahi.

— Qui est-ce sur la fontaine ? demanda-t-elle fixant l’homme de pierre sans âge qui regardait vers le ciel les bras levés. L’eau sortait par la paume de ses mains pour retomber en cascade dans la fontaine.

— Merlin. Nous sommes un Clan Merlinois, nous respectons les préceptes qu’il a écrits il y a plusieurs siècles de cela.

Elena s’approcha de la fontaine, fascinée. Elle avait l’impression de connaître Merlin pourtant elle était sûre de ne jamais l’avoir vu avant. Son visage lui semblait à la fois familier et étranger.

— Tiens regarde, dit Lara en lui montrant le tour de la fontaine.

Sur celle-ci était inscrit en vieille elfique, les fameux préceptes. Elena les lut sans aucune difficulté en faisant le tour de la fontaine.

— Respecter chaque vie. Ne pas altérer la Nature. Respecter l’ordre Naturel. Servir l’Équilibre.

— Tu sais lire le vieil elfique ? dit Lara surprise.

Elena regarda la jeune femme perplexe,

— Il faut croire… dit l’argentée.

— C’est bon à savoir ! Cela veut dire que ta famille ou tes proches ont pu t’instruire !

Elena eut un sourire timide. Lara semblait très enthousiaste alors qu’elle-même ne savait pourquoi.

— Réjouis-toi, cela veut dire que tu as pu suivre des classes ou que tes parents étaient suffisamment instruits pour t’enseigner.

— Ce n’est pas accessible à tous ? dit Elena surprise.

— Au sein d’une tribu ou d’un Clan si, chaque individu peut avoir accès à la connaissance, à l’apprentissage… Mais pour des individus qui vivent en dehors, cela leur est plus dur.

— Pourquoi ?

— C’est compliqué. Ceux qui choisissent de vivre sans tribus ou clans choisissent aussi dans de nombreux cas de ne plus avoir de contact avec les autres. Donc leurs enfants n’ont accès qu’à la connaissance que leur apporte leur parent et les quelques rencontres qu’ils peuvent faire s’ils sont nomades. Rares sont les exilés très instruits, cela veut donc dire que tu es issue d’un clan ou d’une tribu. Qu’on te recherche très certainement.

— Oh. Mais… si l’on me cherchait n’en auriez-vous pas entendu parler ?

— Pas forcément. Nos territoires sont grands, et éloignés les uns des autres. Les messages peuvent mettre beaucoup de temps à arriver.

— Même avec la magie ?

— La magie ne peut pas toujours transmettre tous les messages, surtout inter-clan, tribu ou espèce. Nous avons tous nos codes, et ils sont propres à tous, il n’y a que très peu de code commun et les disparitions n’en font à ma connaissance pas partie.

— Cela me paraîtrait pourtant bien utile.

— Oui, peut-être, Magnus en parlera sûrement. Nous avons que peu de cas de disparition…

Elena fronça les sourcils. Cela lui paraissait assez improbable. Même si tout était bien gardé, elle ne pouvait croire que cela n’arrivait pas. Elle ne releva cependant pas.

— Que fais-tu au sein du clan ? demanda Elena, as-tu un rôle en particulier ?

— Je suis professeure, dit Lara. J’enseigne les histoires de nos peuples aux jeunes générations, je leur apprends nos Lois, nos règles…

— Leur apprenez-vous la magie ?

— Je n’ai pas cet honneur, je ne suis pas une mage assez puissante et adroite pour cela.

— Pardon.

— Ne t’excuse pas, tu ne pouvais pas savoir et c’est tout aussi honorifique d’enseigner le passé de nos mondes et les Lois qui nous permettent de vivre. Si tu le souhaites, je pense que tu pourras assister aux classes. Si tu as tout oublié, cela pourrait t’être utile.

Elena hocha la tête.

— J’ai passé le temps depuis mon éveil à lire les livres d’Olivia. Mais je n’ai pas récupéré de souvenirs pour le moment. Cela pourrait en effet combler mes lacunes.

— Que t’as dit Olivia à ce sujet ? la questionna Lara en s’asseyant sur le bord de la fontaine.

Elena la rejoignit.

— D’être patiente qu’ils remonteraient en temps voulu. Elle n’arrive pas à déterminer combien de temps je me suis retrouvé dans le sommeil. Et mon amnésie semble aussi en partie due à ce sommeil magique.

— Alors sois patiente, et viens aux cours, cela t’occupera, mais ne soit pas effrayé par nos jeunes, ils seront surpris de voir une adulte parmi eux, mais je les préparerais.

Elena hocha la tête remerciant Lara. Les deux femmes discutèrent encore un moment avant que Lara ne termine de lui faire faire le tour du village. Il n’était pas immense, mais c’était l’un des plus importants des Merlinois. Le Clan de Magnus était le plus grand près de deux mille âmes y vivaient, mais aussi le plus ancien. De nombreuses tribus avaient prêté allégeance à Magnus, bénéficiant de sa protection et de tout ce que cela pouvait apporter. Elena était impressionnée. Tant par la prospérité du Clan que par la façon dont le village avait été construit. Certaines maisons évoluaient autour d’arbres, ou même à l’intérieur. Lara lui avait expliqué que la magie permettait aux arbres de continuer à grandir tout en gardant la maison intacte. Cela avait fasciné Elena. Lara l’avait ensuite raccompagnée à l’infirmerie, lui donnant rendez-vous le lendemain.

***

Sephiro observait de loin l’infirmerie. Il n’avait pu s’y rendre depuis plusieurs jours. L’intrus n’avait toujours pas été trouvé et cela commençait à peser sur tout le groupe de Gardiens. Quelqu’un avait enfreint les règles, les enfreignait sûrement encore, mais lui et ses frères ne le trouvaient pas. Voilà qui était bien ennuyeux. Il se rendait d’un pas chaloupé sur la place. Aujourd’hui était jour de marché. De nombreux commerçants venaient des quatre coins du monde pour vendre leurs marchandises. C’était aussi un grand marché, car le dernier de la saison. Par la suite, la neige recouvrirait tout, et les déplacements ne seraient plus possibles aussi loin. Même si, tous connaissaient l’existence de la magie, leur existence… Ils n’étaient pas acceptés et devaient vivre le plus discrètement possible. Dégagez la neige et les chemins ou empêcher le temps de les obstruer n’était pas ce qu’il y avait de plus discret. Son rôle ainsi qu’à ses frères aujourd’hui était de protéger et assurer la sécurité de tout ceux présents sur la place du marché ce jour-là. Un éclair argenté passa non loin et il tourna la tête en sa direction. Elena. Elle était passé aussi vive qu’un bouvreuil. Elle semblait avoir pris ses marques dans le village, et cela lui plaisait sans qu’il ne sache pourquoi. Il faisait bon de vivre ici, cela n’avait pourtant rien d’étonnant qu’Elena se plaise ici. Il résista à son premier instinct qui lui criait de la suivre et alla rejoindre son poste.

***

 Elena se hâtait. Elle aurait dû retrouver Lara il y avait cinq minutes, mais happée par un livre racontant les exploits des Druides contre les invasions, elle n’avait pas vu le temps filé.

— Pardon pour mon retard ! dit Elena en arrivant devant la jeune trentenaire aux cheveux électriques.

— Pas de problème, tu t’es encore faite avoir par un livre ?

— Oui… bredouilla Elena confuse.

— Allez viens, tu ne veux surtout pas manquer l’ouverture du marché, dit la jeune femme en glissant son bras sous le sien.

Elles marchèrent d’un bon pas et arrivèrent quelques instants avant que le marché ouvre. Un chatoiement arc-en-ciel entourait la place.

— Une barrière magique, expliqua Lara, elle protège la place le temps que les marchands et Gardiens se mettent tous en place, personne ne peut entrer à part eux.

— Comment allons-nous entrer alors ?

— Tu vas voir… dit Lara un sourire énigmatique sur le visage.

Elena attendit curieuse. Soudain, elle ressentit comme un infime mouvement dans l’air. Une légère pression et regarda autour d’elle fronçant les sourcils. Que se passait-il donc ? Cette question se formait à peine dans son esprit que la barrière magique disparut en un milliard de papillons de toutes les couleurs qui s’élevèrent dans les airs avant de disparaître en un millier de poussières d’étoiles. Le regard d’Elena brillait, impressionnée et admirative de ce spectacle.

— Superbe n’est-ce pas ?

Elena voulut lui répondre, mais ses yeux se voilèrent soudain.

— Papa ! Papa ! Regarde ! s’exclama Elena.

Du bout de ses doigts s’échappaient des étincelles de poussières d’étoiles.

— Bravo petite louve, tes pouvoirs s’éveillent ! Je t’avais dit d’être patiente.

Un baiser chaleureux et empli d’amour se déposa sur sa chevelure.

— Demain, je t’apprendrais un tour ou deux…

— Elena ? demanda la voix de Lara, tout va bien ?

— Oui, excuse-moi je suis encore toute émerveillée.

Lara ne dit rien, mais pendant quelques secondes elle avait eu l’impression qu’Elena n’était plus là. La jeune fille à la longue chevelure d’argent semblait avoir quitté son corps. Elle ne releva pas, Elena lui parlerait lorsqu’elle se sentirait prête. Les deux femmes s’avançaient côte à côte, Lara expliquait à Elena ce qui se trouvait autour d’elle dans les différents étales.

— Tiens là, regarde. Une herboriste. J’ai besoin de quelques plantes pour préparer mes décoctions, arrêtons-nous.

Elena parcourut l’établi, observant les différentes plantes. Les noms lui revenaient aussitôt qu’elle posait les yeux dessus. Menthe, mélisse, verveine, sauge, sarriette, arnica, aubépine, bardane… Son regard d’arrêta sur une des plantes, la surprise se lisant sur son visage.

— Où avez-vous récolté ces écorces de saules blancs ? demanda Elena à la vendeuse.

— Mon fils l’a récolté bien à l’Est d’ici ma jeune amie.

— Vous ne devriez pas la vendre, votre récolte est malade.

— Comment ? dit la vendeuse, l’inquiétude et la peur se peignant sur son visage.

— Vous voyez cette substance ? dit-elle en montrant la fine pellicule visqueuse qui recouvrait les écorces, elle contamine tout, vous devriez brûler les arbres sur lesquels vous avez récolté ses plantes. Elle détruit tout, et rends tout ce qui entre en contact avec elle poison. On peut en mourir.

— Par Merlin… Comment vais-je faire…

— Vos plantes sont transportées séparément ? Elles ne m’ont pas l’air contaminées, vous pouvez continuer à les vendre. Avez-vous déjà vendu de l’écorce ?

— Non pas encore, je vais les retirer de suite.

— Couvrez-vous les mains et brûlez-les de suite si vous le pouvez. Et laver bien vos mains ensuite.

La vendeuse remercia mille fois Elena, lui disant que tout ce qu’elle souhaiterait acheter sur son étal lui serait offert. La femme aux yeux mauves la remercia. Elle fit profiter de son offre à Lara qui une fois ses emplettes terminées, lui demanda

— Comment as-tu su que l’écore était gâtée ? Je n’avais jamais vu cette substance étrange avant.

— Je… je crois que mon père me l’a appris. J’ai des souvenirs qui remontent concernant cette substance, d’un grand feu parce que tout était contaminé. On avait dû tout brûler.

— Des souvenirs commencent à te revenir, c’est bien. On a de la chance que cela te soit revenu maintenant. Tu as sauvé cette vendeuse.

Elena hocha la tête.

— Je savais faire de la magie. Je savais faire des étincelles du bout de mes doigts.

Lara sourit.

— Tu sais toujours, tu as juste oublié comment faire. Cela reviendra, prends ton temps, l’énergie magique n’est pas inépuisable. Il faut que tu sois en pleine possession de tes moyens pour pouvoir utiliser ta magie.

— Je sais, Olivia me l’a expliqué plusieurs fois. Je suis une créature magique, mais elle n’arrive pas à sonder mes niveaux d’énergie, tant qu’elle ne les sentira pas : interdiction de tenter d’utiliser la magie. De toute façon je ne saurais même pas comment faire, rit Elena.

 Le reste de la journée s’écoula bien rapidement, rythmée par l’aide qu’apportait Elena à Olivia. Après la découverte de ce matin, la guérisseuse s’était mise en tête de tester les souvenirs d’Elena et notamment ses connaissances sur les plantes. Elena avait reconnu toutes les plantes qu’Olivia lui avait présentées, arrivant même parfois à dire à quoi ces dernières servaient. C’est épuisée, que la jeune femme se glissa dans ses draps.

***

Elena jouait dans le bosquet non loin de l’arbre-maison. Son père serait absent pour la journée, elle se retrouvait donc seule avec sa mère. La fillette était accroupie au milieu des buissons et observait les fourmis qui se suivaient en file indienne. Certaines portaient des feuilles, d’autres des miettes de pain, des aiguilles de sapin, voire même des graines qu’elles avaient réussi à trouver là où seules elles pouvaient aller. La petite fille était fascinée par ses créatures. Du haut de ses trois ans, elle était déjà bien curieuse. Elle était capable d’attendre pendant des heures qu’une chose arrive, quelle qu’elle soit.

— Elena ! l’appela la voix de sa mère, viens mon enfant.

La fillette sortit rapidement des bosquets, sans pour autant laisser voir à quel point elle était excitée. Elle allait passer du temps avec sa mère. Elle ne la voyait que trop peu. Sa mère était toujours occupée. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle l’avait pour elle toute seule ! Et elle avait promis de lui apprendre à préparer des crèmes soignantes. Elle avait hâte d’apprendre ! Son père lui avait déjà appris à reconnaître certaines plantes et ce qu’elle pouvait faire. Peut-être sa maman lui montrerait-elle comment les utiliser ? Elle finit par courir sur les derniers mètre qui la séparait de sa mère qui l’attendait devant la porte de l’arbre-maison.

— Allez viens, tout est prêt. Aujourd’hui je vais t’apprendre à faire des cataplasmes à base d’argile. Cela te sera bien utile, on fait énormément de soin à partir d’argile.

— Apprends-moi ! quémanda la fillette.

La grande femme lui sourit et l’invita à entrer. Dans la pièce qui servait à préparer le repas, différentes poudres étaient présentées dans ses bols.

— Il y a l’argile blanche, verte et grise ici.

— Mais ce sont des poudres ? dit la fillette surprise.

— Oui bien sûre, pour la transformer en pâte, il faut y ajouter de l’eau de source. Une quantité suffisante pour que cela soit une pâte suffisamment malléable pour pouvoir être appliquée facilement.

Elena hocha la tête, écoutant attentivement ce que sa mère lui expliquait.

— Est-ce qu’il faut mettre une quantité précise d’eau comme quand on fait la cuisine ?

— Non, on ajoute petit à petit jusqu’à obtenir la conscience venue. Ces cataplasmes à base d’argiles vont servir pour soigner diverses blessures : des abcès, furoncles, maux de dents, douleurs musculaires ou articulaires. Soulager des brûlures, la fièvre, des infections, ajoute la grande dame en désignant tour à tour les différentes poudres.

— Et si tu y ajoutes des huiles de certaines plantes, tu accentueras certains effets, mais cela sera une autre leçon.

Les yeux de la fillette se mirent à briller. Une autre leçon. Cela promettait de nouvelles connaissances, mais aussi un nouveau moment avec sa mère ! Elle hocha la tête pour dire qu’elle avait compris.

— Bien, grimpe sur la chaise, on va mélanger poudre et eau puis que je t’expliquerai comme l’appliquer…

 Un bruit soudain éveilla Elena qui se redressa dans un sursaut dans son lit. Elle mit quelque seconde à se repérer avant de se lever, enfilant un gilet par-dessus sa chemise de nuit dans un mouvement rapide. Elle ouvrit la porte de sa chambre,

— Il y a quelqu’un ?

— Excuse-moi Elena, dit la voix d’Olivia, je n’ai pas voulu allumer et je me suis cognée contre l’étagère.

— Tu t’es fait mal ? dit Elena en allumant sans y réfléchir à l’aide sa magie.

— Non, j’aurais juste un bleu…, répondit la rouquine avant de froncer les sourcils, Elena… Il me semblait t’avoir dit de ne pas utiliser ta magie…

— Je n’ai pas utilisé…, voulu protester Elena avant de prendre conscience qu’elle avait tout allumé, je ne m’en suis pas rendu compte… J’ai simple souhaiter y voir clair…

Olivia ne répondit pas immédiatement.

— D’accord, ce n’est pas un sort très couteux, mais soit prudente à ce que tu souhaites en ce cas… Retourne te coucher, il est tard.

— Cela ira ?

— Oui, ne t’en fais pas, rien de mal. Bonne nuit, Elena.

— Bonne nuit Olivia, dit Elena retournant se coucher. Les vestiges de son rêve déjà oublié dans les méandres de sa mémoire.

***

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