Le bruit dans la taverne était à la limite du supportable. Un homme pourtant semblait fort bien s’en accommoder. Il buvait une chope de bière, la sirotait plutôt. Petite gorgée par petite gorgée. Il attendait. La porte s’ouvrit soudain à la volée, mais personne ne sembla la passer. Sûrement le vent qui l’avait ouverte. Il soufflait fort cette nuit-là. Aucune des âmes présentes ne vit l’ombre se faufiler. Aucune sauf lui. Il prit une nouvelle gorgée de sa bière.

— Bonsoir à toi petit oiseau.

— Bonsoir vieux renard, répondit une voix étouffée.

— Quelles sont les nouvelles ?

— Le souriceau ne s’est point fait attraper. Du moins, point encore, mais les Loups sont sur sa trace. Ils ont découvert une petite colombe… Celle-ci semble perdue. Mais forte et puissante. Cette petite colombe est à surveiller, elle semble bien curieuse.

— Petit oiseau va donc la surveiller. Peut-être que la petite colombe cache des secrets qui pourrait intéresser vieux renard. Le souriceau devient de plus en plus audacieux… Il va devoir tomber. Continue ta mission petit oiseau.

— Bien. Petit oiseau peut-il partir ?

— Petit oiseau peut s’envoler, petit oiseau a ses missions.

La silhouette encapuchonnée se leva et sortit sans se faire remarquer. L’homme lui termina tranquillement sa bière avant de laisser une pièce sur la table et de partir sans que personne ne le remarque

***

 Magnus avait convoqué Sephiro dans son bureau. Il attendait le Gardien, le nez plongé dans un long document, sur lequel il s’abimait les yeux. Les dieux seuls savaient combien il détestait devoir gérer les petites querelles entre les tribus sous sa protection. Encore plus lorsque les chefs de ces tribus écrivaient en pattes de mouche ! Il posa le courrier en bougonnant, massant ses yeux. C’est avec une voix sèche, qu’il invita son visiteur à entrer lorsque l’on toqua à sa porte.

— Tu m’as fait appeler Magnus ? Je peux repasser si je t’ennuie, dit Sephiro en voyant la montagne de papiers et l’humeur ombrageuse de son chef.

— Non, non, c’est bon. J’ai une tâche à te confier. Assieds-toi.

Sephiro s’exécuta.

— Bien. Tu vas t’occuper de tester Elena. J’ai besoin de savoir si elle a des aptitudes au combat, si tel est le cas. Tu la testeras. Selon tu l’entraineras. Elle doit être capable de se défendre comme tout un chacun ici.

Sephiro hocha la tête.

— Je le ferais Chef.

— Tu me feras un rapport. Selon, elle devra être entrainée à minima une fois par jour. Si Olivia l’estime capable de supporter cet entrainement évidemment.

— Très bien.

— Tu peux y aller, il faut que je me remette au travail… Ces foutus courriers ne vont pas se lire seuls.

Sephiro eut un sourire, se leva et après un bref signe de tête quitta la pièce. Il prit immédiatement la direction de l’infirmerie. À cette heure-ci, Elena devrait être en train d’aider Olivia à faire ses préparations. La jeune femme aux cheveux argent semblait être un puits de science. Elle avait de véritables connaissances de guérisseuse et Olivia était bien heureuse d’avoir une aide. La rouquine était seule depuis plusieurs mois maintenant. Son compagnon était parti chercher de quoi compléter leur réserve. Il ne se serait pas de retour avant que les premières neiges ne commencent à tomber. Ce qui ne devrait plus tarder à présent. Olivia n’avait pas encore d’apprentis, peut-être en aura-t-elle choisi un d’ici ce soir ? Plusieurs jeunes étaient venus découvrir le rôle de guérisseur. Toujours était-il que le Gardien allait devoir s’occuper d’Elena aujourd’hui et donc l’emprunter à Olivia. Il espérait que la guérisseuse serait de bonne humeur. Il arriva devant l’infirmerie et entra.

— Olivia, Elena ? appela le jeune homme.

— Oui ? lui répondit la voix douce et fluette d’Elena en se redressant de derrière une étagère.

Le cœur du jeune Gardien fit des bons en la voyant. Olivia passa la porte s’essuyant les mains.

— Que veux-tu Sephiro ? demanda la guérisseuse.

— Magnus m’a demandé de tester Elena au combat. Je dois savoir si elle sait se défendre et sinon l’entrainer pour qu’elle en soit capable.

— Je vois. Ménage-la tout de même. Elle n’est éveillée que depuis quelques jours.

— Je ne suis pas en sucre Olivia, protesta Elena, et je récupère vite, tu l’as toi-même constatée.

Olivia lui lança un regard sévère.

— Je suis encore la guérisseuse de ce Clan, Elena. Il paraît évidemment que tu as été plongée dans le sommeil durant plusieurs mois. Même si tu récupères vites, tu ne peux pas tout avoir récupérer en même pas semaine, donc il te ménagera jusque nouvel ordre.

Elena pinça les lèvres. Sephrio eut un coup au cœur. Cette expression. Il était certain de la connaître. Ce pli que prenaient ses lèvres lorsqu’elle était contrariée, les petites rides autour de ses yeux qui se plissaient… Il avait l’impression de l’avoir déjà rencontrer.

— Quand veux-tu me tester ? demanda-t-elle.

— Maintenant.

— Je vais me changer, dit l’argentée en disparaissant au fond de l’infirmerie pour rejoindre sa chambre.

— Tu ne devrais pas être aussi dure avec elle, elle est adulte tout de même, dit Sephiro à Olivia.

— Elle est peut-être adulte, mais elle est comme une enfant. Elle n’a plus aucun souvenir, même si elle en retrouve, qu’elle a des connaissances… Cela reste une enfant dans un corps d’adulte. Je ne peux toujours pas sentir sa réserve magique. Son aura énergétique dégage toujours autant d’étrangeté. Tant que…

— Ce n’est pas une curiosité Olivia, elle est un être vivant, avec des sentiments et émotions, et elle est adulte. Je pense qu’elle est bien plus capable de prendre soin d’elle que tu ne veux bien l’admettre. Je sais que tu crois bien faire, mais si tu continues à la voir comme une enfant dans un corps d’adulte… Tu vas t’attirer des ennuis.

La rouquine ne répondit pas, ou plutôt fit un geste obscène avant de lui dire de sortir s’il ne voulait pas qu’elle s’en charge elle-même.

Sephiro eut un rire et s’abaissa évitant ainsi le chiffon que lui jetait Olivia. Il attendit quelques minutes. Leur guérisseuse était peut-être talentueuse, mais elle prenait parfois son rôle très à cœur. Cela pouvait se comprendre lorsque l’on connaissait son histoire… Mais elle réagissait un peu trop fort avec Elena, et même si la patience semblait bien être une des qualités de l’argenté… Il n’en restait pas moins qu’elle commençait à être agacée comme il avait pu le voir.

— On peut y aller, dit Elena qui rejoignit enfin Sephiro.

Elle s’était changée, optant pour un t-shirt assez moulant et un pantalon un peu large qui pourtant ne gênerait pas ses mouvements. Elle avait aussi relevé ses longs cheveux en un chignon, dégageant ainsi son visage et par extension son champ de vision.

— Olivia t’a aidé ?

— Non, j’ai pris ce qui me semblait être le mieux.

Sephiro approuva d’un signe de tête avant de prendre la direction du quartier général des Gardiens. Le temps étant doux, il pourrait utiliser le terrain extérieur pour la tester.

Le bruit du métal contre le métal accueillit Elena lorsqu’elle entra sur le terrain d’entrainement. Elle observa bien curieuse les Gardiens qui s’entrainaient.

— Il n’y a que des hommes parmi vous ?

— Non, il y a aussi des femmes, mais c’est plus rare, répondit Sephiro, échauffe-toi un peu. Je vais chercher ce qu’il nous faut.

Plusieurs heures avaient passé depuis que Sephiro était allé chercher Elena. Il l’avait d’abord testé au combat rapproché puis à l’utilisation des dagues, ainsi que de l’arc. Elle s’était plutôt bien débrouillée. Même très bien. Elle avait su parer chacun des coups à main nue ou avec les dagues avec plus ou moins de maladresse. Avec l’arc, elle avait su toucher à chaque fois la cible qu’il lui avait indiquée. Les coups n’étaient pas forcément fatals. Mais suffisamment pour lui permettre de survivre si le besoin était. Il la testait maintenant à l’épée et même si, elle était capable de parer quelques coups simples… Elle n’était clairement pas à l’aise avec cette arme. Elle l’utilisait beaucoup trop comme une dague et cela pourrait lui coûter la vie.

— Allez ! Tiens ta garde ! ordonna-t-il avant de l’attaquer à nouveau à l’aide de l’épée. La jeune femme para difficilement, ses bras tremblant sous l’effort.

— Ça suffit, je n’en peux plus… ! dit Elena.

Sephiro sentit l’agacement l’envahir à nouveau. Il fit un mouvement, repoussant Elena au loin. Elle marcha sur quelques mètres en arrière.

— Va boire et récupérer, dit-il.

Plusieurs fois, la jeune femme avait répugné à exécuter certains des exercices. Elle respectait énormément la vie. Et même mettre à mort un mannequin qui avait attenté à sa vie… Elle l’avait contesté. Pourtant, elle avait toutes les capacités pour être une gardienne : vitesse, aisance, souplesse, discrétion, clémence étaient dans les valeurs des Gardiens. Mais elle semblait être incapable d’exécuter un être vivant pour payer la dette du sang. Cela pouvait évoluer, il n’était pas maître des décisions concernant les Gardiens. Et puis, il existait plusieurs rôles. De plus, en la voyant se battre, prendre ses positions de défense. Il avait encore des impressions de déjà-vus. Cette façon de se placer, de tenir ses dagues, brandir son arc. Il les connaissait. C’était les siennes. Ces positions de combat. Il les avait appris de son maître : Yren. Elena ne pouvait pas l’avoir imité ; jamais elle ne l’avait vu se battre. Il but à son tour et la rejoignit. Elle s’était assise à même le sol, cherchant son souffle en se forçant à respirer lentement et profondément buvant par petites gorgées.

— Où as-tu appris à te défendre ? demanda Sephiro.

— Je… Je crois que mes parents m’ont appris, ou quelqu’un quand j’étais plus jeune. C’est flou. Je n’ai que des images, des sons où l’on me demande de me tenir comme-ci ou comme-ça. De tenir un peu mieux, plus, haut ou plus bas mes bras. De tenir ma garde… répondit-elle.

Sephiro sentit son cœur se réchauffer. Il se sentait étrangement fier en l’entendant parler.

— Qui que ce soit, il t’a bien appris, et même si tu ne te souviens pas consciemment, ton corps lui se souvient. Tu as dû être entrainé longtemps pour qu’il s’en souvienne.

Elena ne dit rien, buvant seulement par petite gorgée. Elle observa Sephiro. Ces yeux bleus-gris si pénétrant, ses mèches noires qui collaient à son front par la sueur. Elle lui avait quand même donné un peu de fil à retorde.

— On s’arrête là pour aujourd’hui. J’ai pu te tester sur ce que je voulais. Je vais te raccompagner. Tu devrais te reposer. Ce soir, c’est le dernier jour de l’automne, mais aussi l’intronisation des apprentis.

Elena le regarda un peu perplexe.

— On célèbre le dernier jour de l’automne, et cette année, ce jour tombe le même jour où nous introduisons nos futurs apprentis : certains deviendront des Gardiens et peut-être certains Guérisseurs si Olivia en a trouvé qui ait des affinités fortes avec la guérison. C’est une belle fête. Tout le village y assiste.

— Je ne savais pas qu’il y avait une fête...

— Veux-tu m’y accompagner ? demanda Sephiro.

— Es-tu en train de m’inviter ?

— Oui Elena. Veux-tu m’accompagner ce soir ?

Les yeux d’Elena se mirent à pétiller. Ce qui eut le don de faire bondir le cœur de Sephiro.

— Oui.

 Non loin de là, une ombre se faufila entre les murs. Voilà qui intéresserait son acolyte, la petite colombe était pleine de ressources… et cachait bien des surprises. Il fallait envoyer un rapport au plus vite. Peut-être est-ce elle qu’ils attendaient depuis si longtemps.

***

 Lorsqu’elle était rentrée, Elena avait tout de suite parlé à Olivia de l’invitation de Sephiro à la fête de ce soir. Si la rouquine avait paru surprise, elle n’en avait rien laissée voir. Sephiro invité quelqu’un ? Voilà qui était fort inhabituel ! Une fois l’engouement passé, Elena s’était rendu compte qu’elle ne savait pas comment s’habiller. Lara avait donc été contacté et les deux femmes avaient rendu Elena plus belle que jamais. Elles avaient coiffé les longs cheveux argent d’Elena. Sa coiffure à la fois simple et sophistiquée était un savant mélange entre tresse et cheveux libres. Pour ne pas souligné la petitesse d’Elena, Lara lui avait trouvé des chaussures à talon et Olivia une belle et longue robe colorée qui allongeait la jeune femme tout en soulignant sa silhouette fluette. Lara avait terminé le travail avec un maquillage léger et discret. Elena se regarda dans le miroir. Était-ce bien elle cette femme ? Elle avait l’impression qu’une étrangère lui renvoyait son regard. Pourtant elle savait que c’était elle. Observant son reflet, elle commença à apprécier les courbes douces de son corps. Tournant sur elle-même, un rire lui échappa lorsqu’elle sentit la jupe de la robe tournoyer autour d’elle, la chatouillant. Pour parfaire sa tenue, mais aussi couper au froid de la nuit, Olivia avait prêté un châle noir chatoyant, comme composé de milliards d’étoiles.

— Elena ! Ton cavalier est là ! lui cria Olivia.

Elena glissa le châle sur ses épaules avant de rejoindre Sephiro qui l’attendait dans le salon d’Olivia. Il attendait patiemment que sa cavalière arrive. Le gardien observait distraitement Olivia qui terminait de ranger quelques bricoles dans son salon avant de partir elle aussi à la fête. Après quelques instants, Elena entra enfin dans la pièce… le jeune homme eut le souffle coupé. Les filles l’avaient vraiment mise en valeur. Il surprit finalement le regard d’Elena et s’inclina en une référence profonde.

— Elena, tu es sublime ce soir…, dit le jeune homme avant de lui tendre son bras qu’Elena prit en rougissant.

Galamment, Sephiro conduisit Elena jusqu’à la place centrale, décorer spécialement pour l’occasion. Des lanternes flottaient magiquement tout autour de celle-ci, un grand feu brulait tout autour de la fontaine qui laissait s’écouler de l’eau tintée des couleurs de l’automne. Le regard d’Elena brillait, impressionnée par les moyens qu’avait déployés le Clan.

— C’est l’une des fêtes des plus importantes : tant l’intronisation que celui du dernier jour de l’automne. On remercie la Nature de nous avoir apporter nourriture durant toute la belle saison et d’avoir faire grandir nos jeunes pour qu’ils puissent apprendre, expliqua Sephiro.

Il désigna un coin de la place ou plusieurs jeunes étaient regroupés.

— Ce sont les aspirants, tous ne seront pas choisis, certains n’ont pas les aptitudes, mais cette année nombreux sont ceux qui vont rejoindre les rangs des Gardiens.

— Y’a-t-il des femmes cette année ? demanda Elena curieuse.

— Non, aucune n’avait les aptitudes pour. Cela fait plusieurs siècles que nos rangs n’ont malheureusement pas comptés de femme parmi les Gardiens…, dit-il.

— Comment cela se fait ?

— On ne sait pas, tu es la première que j’ai testé qui regroupait toutes les aptitudes pour. Mais ce n’est pas moi qui prends les décisions pour introduire les apprentis.

— Qui est-ce ? Magnus ? demanda Elena.

— Il en fait partie oui, mais c’est mon ancien maître Yren qui a le dernier mot. C’est lui, le chef des Gardiens. Il est juste là d’ailleurs, dit-il en lui désignant un petit homme tout en muscle qui discutait en riant avec un groupe.

— Vous êtes vraiment tous différents au sein des Gardiens, dit Elena songeuse.

— Heureusement, nous avons tous les mêmes aptitudes et capacités, mais chacun de nous à sa spécialité, certains sont des Gardiens-Espions, Combattants, Soigneurs, Patrouilleurs, Chasseurs, Mages, Stratèges… Mais nous devons tous effectués toutes les tâches même si nous sommes meilleurs dans une ou l’autre. Cela nous permet d’être unis et de comprendre les difficultés que rencontre chacun lorsqu’un conflit majeur se présente et donc d’être capable d’apporter notre aide.

— Et toi tu es quoi ?

— Officiellement Gardien-Combattant, dit Sephiro.

— Officiellement ?

— Oui, j’ai plusieurs assignations comme beaucoup de mes frères.

Ce qui n’était pas tout à fait vrai. Il n’était pas rare de voir un Gardien exceller dans deux voir trois spécialités, mais dans toutes cela n’était pas arrivé depuis plus de trois siècles… Depuis la disparition de Merlin et Morgane. Mais cela, il se garda bien de l’expliquer à Elena, c’était assez complexe comme cela.

— Tu veux boire quelque chose ? proposa-t-il, changeant de sujet.

— Oui s’il te plait, je veux bien un jus de fruits. Mais tu n’es pas en service ce soir ?

— Je suis toujours en service, répondit Sephiro, mais je ne suis là qu’en renfort, officiellement je suis censé avoir ma soirée.

Elena sourit et hocha la tête. Elle regarda le jeune homme s’éloigner au milieu de la foule et attendit observant les diverses décorations qui l’entouraient. Elle se plaisait beaucoup dans le clan, mais elle avait parfois l’impression de ne pas être à sa place. Avec Sephiro, elle n’en avait pas pris conscience. Elle se sentait à l’aise en sa présence, mais… Elle se sentait tout de même mieux lorsqu’elle pouvait aller se balader un peu seule dans les alentours, au milieu des bois sans autre présence bipède qu’elle-même. Son regard s’accrocha à une lanterne imitant le scintillement d’une luciole, et un sourire naquit sur son visage. Les lucioles… Son regard se figea soudain durant un bref instant. Le visage d’un jeune garçon aux yeux bleu-gris et cheveux ébène entouré de luciole se superposa à celui de la lanterne. Elle cligna des yeux, la vision s’effaçant. Ce visage lui parut familier. Elle tourna la tête en entendant Sephiro l’appeler. Son visage ne laissait rien transparaître, mais… elle fut soudain certaine que le visage de sa vision appartenait à Sephiro. Les mêmes yeux, les mêmes cheveux… La forme de son visage. Elle en était certaine. Elle prit son verre, remerciant le Gardien, ne sachant comme lui parler de ce fragment de souvenirs qui lui était revenu. Elle préféra se taire, faisant le choix d’en parler lorsque plus de souvenirs lui reviendraient.

— Viens, on va se rapprocher. Les apprentis vont bientôt être appelés.

Il lui tendit à nouveau le bras et Elena y glissa le sien, tenant son verre de sa main libre. Après s’être approchés d’un espace où une petite estrade avait été montée, Magnus ainsi que l’homme que Sephiro lui avait désigné comme étant Yren montèrent sur l’estrade, mais aussi à la surprise de tous Olivia.

— Oh ! murmura Sephiro, elle a donc choisi un apprenti !

— C’est une bonne chose non ? dit Elena.

— Oui, confirma Sephiro.

La voix de Magnus s’éleva alors, apportant le silence dans l’assemblée.

— Nous sommes réunis ici ce soir, pour célébrer le dernier jour de l’automne… Mais aussi, pour introniser nos jeunes en tant qu’apprentis. Ce soir nous désignerons nos apprentis Gardiens ainsi que… guérisseurs, dit-il après avoir jeté un bref coup d’œil à Olivia. Je laisse la parole à Yren, chef de nos Gardiens.

Yren s’approcha alors du bord de l’estrade.

— Cette année, nous avons eu beaucoup d’aspirants, et beaucoup d’entre eux ont été choisis pour devenir de futurs Gardiens et Gardienne.

Des murmures se propagèrent dans la foule. Gardienne ? Qui donc avait réussi les tests pour devenir Gardienne ? Yren ramena rapidement le silence.

— Je vais commencer l’appel, je vous demanderai de me rejoindre sur l’estrade pour que le Clan puisse voir ses futurs défenseurs.

Il récupéra un papier dans sa poche et commença,

— Alexandre, Ayden, Bruno, Bartholomé, Coreth, Claren, Corentin, Damien, Dimitri, Dorian, Dylan, Elena, Elias, Emerick, Hugo, Marcus, Mathias, Noé, Pierrick, Romarick, Sofian, Zéphyr. Vous pouvez me rejoindre sur l’estrade.

Tous les apprentis montèrent sur l’estrade, tous sauf Elena qui restait figée au bras de Sephiro. Lui-même ne savait comment réagir, son chef de l’avait aucunement prévenu qu’Elena ferait partie des apprentis Gardiens !

— Vas-y, murmura Sephiro en prenant le verre des mains d’Elena, monte le rejoindre.

Elena fit ce que Sephiro lui disait. Elle se fraya un chemin parmi les membres du Clan puis monta sur l’estrade. Elle était la dernière. Elle était aussi la plus âgée. Les apprentis avaient entre douze et quatorze ans tout au plus.

— Voici vos futurs Gardiens et Gardiennes ! déclara Yren avait un sourire. À compter de ce soir et pour les nuits et jours à venir, ils apprendront à être des Gardiens et serviront le Clan !

Le clan applaudit et acclama à tout rompre ses futurs défenseurs.

Olivia s’avança une fois le calme revenu.

— Cette année, je n’ai pas choisi un, mais deux apprentis. Ils nous suivront mon compagnon et moi lors de chacune de nos activités, apprendrons à nos côtés et deviendront par la suite avec nous, puis à après nous, vos futurs Guérisseurs. Je demande à Alyssa et Podrick de nous rejoindre sur l’estrade.

Deux jeunes sortirent du groupe des aspirants. Ils devaient avoir pas loin de treize ans, et leurs visages brillaient de fierté. Le Clan les acclama tout autant que les apprentis Gardiens. Cela faisait plusieurs années qu’Olivia et Nathanaël, son compagnon cherchait des apprentis. Ils devaient avoir des capacités bien précises et avec ce qu’il s’était passé la dernière fois… Ils étaient encore plus prudents !

Magnus reprit la parole.

— Merci ! dit-il, merci à tous, je vous laisse profiter des festivités ! s’exclama-t-il et lorsqu’il tapa des mains, de la musique commença et des effets pyrotechniques se mirent se mirent en route de part et d’autre de la scène. Alors que tous ceux présents sur l’estrade descendaient, un groupe de musique prenait place tout en jouant.

Elena était perturbée. Elle apprentie Gardienne ?

— Elena ! S’exclama Sephiro qui avait réussi à se frayer un passage au milieu de la foule pour la rejoindre. Comment tu te sens ? demanda-t-il inquiet en la voyant pâle.

— Je… je ne comprends pas, comment… ? commença-t-elle.

La voix de Yren l’interrompit.

— Il n’était pas au courant jeune fille, ne lui en veut pas. La décision s’est prise juste avant que je n’appelle les aspirants.

— Mais je n’aspire à rien du tout ! protesta la jeune femme.

— Je sais bien que tu ne t’es pas présentée comme telle, mais tu en as toutes les capacités d’après les tests que t’a fait passer Sephiro cet après-midi. Olivia est favorable à ton entrainement tant que tu n’utilises pas la magie pour le moment. Tu es la première femme depuis trois siècles à présenter toutes les aptitudes pour devenir une Gardienne… t’avoir parmi nous serait un honneur, dit Yren en s’inclinant.

Elena était perdue. Elle n’était dans le clan que depuis peu de temps… Rapidement, elle fit le tour de son ressenti tout en écoutant Yren.

— Je te laisse le temps de réfléchir, ce n’est pas un petit engagement, dit Yren.

— Non, dit Elena, son attitude changeant soudain.

En quelques instants, elle avait finalement pris une décision.

— Je suivrais vos enseignements. Même si j’appartiens à une autre tribu… ou à un autre Clan… Vous m’avez accueilli et même si cela fait peu de temps, que je ne suis pas toujours à l’aise en grand groupe ou au milieu des membres… C’est ici chez moi. Je deviendrais Gardienne et protègerais le Clan.

Le regard de Yren brilla de fierté.

— C’est un honneur… Je te laisse profiter de ta soirée, nous verrons les détails plus tard. Sephiro… Je te la confie pour ce soir, dit-il.

Le jeune homme hocha la tête. Il regarda Elena, un sourire sur le visage.

— Félicitation, tu rejoins les rangs des Gardiens…

Les deux jeunes adultes se figèrent se regardant l’un l’autre.

***

La voix fluette d’Elena félicita Sephiro alors qu’il descendait de l’estrade. Le visage du jeune garçon de onze ans brillait de fierté.

— Merci ! Je t’ai jamais vu ici toi ! Tu t’appelles comment ?

— Elena et toi tu es Sephiro, le plus jeune Gardien depuis au moins quinze ans !

— C’est ça, dit le préadolescent en bombant de torse de fierté, mais tu n’es pas du Clan ?

— Non, je suis de passage, je dois acheter des plantes pour l’hiver.

— Tu es toute seule ?

— Oui, mon père m’y a envoyé, mentit la fillette. Elle n’allait certainement pas lui dire la vérité. Cela serait bien trop complexe à comprendre pour un enfant.

— Tu as quel âge ? demanda-t-il, d’apparence elle semblait être plus jeune que lui, mais peut-être se trompait-il.

— J’ai dix ans.

***

— Je te connais… dirent en cœur les voix d’Elena et Sephiro.

Ni l’un ni l’autre ne comprenait comment cela pouvait être possible. Elena n’avait qu’un an de moins que Sephiro… Pourtant, elle avait été plongée durant plusieurs mois, si ce n’était année dans un sommeil magique, cela Olivia en était certaine.

— Comment est-ce possible ? demanda Elena en regardant Sephiro.

— Je ne sais pas, il faudra en faire part à Olivia. Elle saura peut-être…. Mais cela explique…, commença Sephiro avant de s’arrêter.

— Cela explique ? demanda Elena.

— Pourquoi j’ai l’impression de te connaître… Je t’ai connu, lorsque tu étais enfant.

— Mais tu n’en avais aucun souvenir jusqu’ici ?

— Non…, je viens de me rappeler de t’avoir rencontré le jour de mon intronisation en tant qu’apprenti… en même temps que toi, semble-t-il.

Elena confirma ses dires.

— Tu crois que la magie qui a affecté mes souvenirs aurait affecté ceux des personnes qui m’ont connu ?

— Peut-être… répondit Sephiro.

— Il y a une chose qu’il faut que je te dise, ce jour-là je t’ai menti en te disant que mon père m’avait envoyé. La vérité aurait été trop complexe.

— Quelle vérité ? demanda Sephiro.

— Ça, je ne le sais pas… En tout cas, ce n’est pas un souvenir qui est remonté, dit Elena.

Il retint un soupire. Elle n’y était pour rien, mais c’était frustrant.

— Profitons de ce soir, nous chercherons à comprendre demain, d’accord ? proposa Sephiro.

Elena hocha la tête. Cela faisait beaucoup trop à comprendre d’un coup.

 Non loin de là, une oreille bien trop attentive à leur conversation n’en avait perdu aucune miette. Il fallait vraiment prévenir ses compatriotes. Ces informations sur la petite colombe étaient à la fois mystérieuses, mais en même temps très précieuses. Hors de question de les laisser dans l’ignorance.