Chapitre 5
Merlin tenait Elena par la main. Ce soir, il avait prévu de lui faire rencontrer d’autres personnes que lui et sa mère. Il fallait qu’elle soit capable de s’intégrer aux tribus et clans qui évoluaient dans leur monde quand le temps serait venu.
— Que fais-tu ? demanda la voix de sa compagne.
— J’emmène Elena avec nous. Va t’apprêter petite louve, lui dit son père.
La fillette s’éloigna, grimpant dans sa chambre. Ils allaient encore se disputer et elle n’avait pas envie d’être là.
— Il en est hors de question, dit la femme d’une voix dure et froide une fois qu’Elena eut disparu dans le couloir.
— Je ne te demande pas ton avis. Elle va devoir évoluer avec eux lorsque nous ne serons plus là ! Elle doit être capable de les connaître, de connaître leurs us et coutumes. De les pratiquer et de se mêler à eux.
— C’est hors de question ! Nous les lui apprenons ! Elle n’a pas besoin de se mêler à eux ! Tu vois bien comment ils sont !
— Ils ne sont pas tous comme tu le penses et le crois mon aimée…
— Ne m’appelle plus ainsi ! Je ne suis plus cette femme ! Tu as vu ce qu’ils ont fait ? Tu as vu comme il la détruise ! Comme ils nous haïssent pour ce que nous sommes ! Il est hors de question que ma fille évolue parmi eux et soit à leur contact !
— Elle est aussi ma fille ! tonna le druide, les sans-magies ont peur de nous ce qui peut se comprendre, tu vois ce que font tes adeptes ? Ils les chassent sans chercher à savoir ce qu’il y a réellement eu. Ils sont cruels et violents ! Ils ne respectent pas les préceptes !
— Ils les respectent, gronda-t-elle, ils ne détruisent pas la nature, ils ne font de mal à ceux qui les agressent.
— Non, c’est faux et tu le sais.
Elle tourna sur elle-même, enragée. Oui elle le savait. Elle savait, mais elle refusait de voir la vérité en face. Elle refusait de croire que cette part obscure qui avait grandi en elle, germé en elle face à la cruauté des hommes… C’était répercuté sur leurs adeptes et qu’il y avait maintenant des adeptes pour Merlin et des adeptes pour elle. Elle prônait les mêmes préceptes que Merlin. Ils les avaient écrits ensemble lorsque d’autres êtres pratiquants la magique parmi les humains avait commencé à apparaître. Ils voulaient vivre en harmonie… Mais les désaccords avaient tout détruit… La cupidité, la peur… Des larmes se mirent à couler sur ses joues. Tant de morts pour des broutilles, tant de douleurs. Elle sentait encore les hurlements et les douleurs de chacun de ceux qui périssaient sous les armes. Elle ressentait la vie de toute chose et était encore plus sensible aux êtres magiques. Et le pire ? C’est que bien souvent, elle était la cause de leur mort, sa part d’ombre prenait tout.
— Je refuse que notre enfant soit témoin de leur horreur, de mes horreurs. Merlin, je refuse.
— Elle ne le sera pas… Ce soir c’est la trêve, et nous ne verrons que des magiques, mais il faut qu’elle apprenne à connaître le monde dans lequel nous vivons mon aimée, dit Merlin en enlaçant sa compagne. Je sais que nous sommes bien souvent en désaccord, que ta part d’ombre prend le dessus en dehors de notre foyer. Mais je serais avec toi, elle ne gagnera pas cette fois.
— Elle gagne toujours… murmura-t-elle, fais ce que tu souhaites, je ne serais pas là. Elle ne saura rien, ne verra rien.
— Tu ne pourras pas toujours la protéger. Si cette part d’ombre est en toi… Elle existe aussi en…
— Non ! dit-elle se retournant vivement et plaquant ses mains contre la bouche de Merlin, ne le dit pas, ne le rends pas réel.
— Ne pas le nommer, ne le rendra pas moins réel mon aimée, dit le druide se défaisant des mains de la sorcière.
— Si, dit-elle avant de se reculer. Protège-la. Ce soir, je ne peux pas.
Avant que Merlin n’ait pu dire quoi que ce soit de plus, elle avait disparu. Il jura. Encore une fois, lorsque cela devenait trop compliqué, elle s’enfuyait. Il soupira.
— Vous avez fini de vous disputer… ? demanda la voix fluette d’Elena.
— Petite louve, depuis combien de temps tu nous écoutes ?
— Je ne vous écoute pas, mais vous criez fort…
— Tu ne me mens pas ?
— Jamais, dit Elena en courant vers son père qui la serra contre elle, maman viendra pas… ?
— Pas ce soir, dit Merlin en caressant la chevelure argentée de sa fille.
La fillette leva vers lui un regard aussi violet que celui de sa mère,
— Une prochaine fois ?
— Je l’espère, allons-y. Il est temps que tu découvres ce monde et les personnes qui l’habitent, dit Merlin.
***
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