Chapitre 6

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 Sephiro chassait en forêt. Les réserves pour l’hiver n’étaient pas encore tout à fait constituées et les premières neiges menaçaient depuis quelques jours. Il espérait bien trouver une belle pièce pour faire de la viande séchée et des conserves. Récupérer les fourrures pour créer des vêtements aussi. Chez eux rien ne se perdait. Il n’y avait pas cette notion de gâchis dont les non magiques étaient si prompts. Ils avaient beau avoir la magie pour les aider dans leur quotidien, les non magiques avaient la technologie et des sciences bien plus poussées que les leurs. Malheureusement, leur monde ayant bien du mal à cohabiter, ils ne partageaient que très rarement leur savoir. Sephiro foula le sol de ses pattes, flairant tout autour de lui. Il détecta une odeur bien familière. Un vieux cerf. Il s’approcha contre le vent pour ne pas faire sentir sa présence. Le vieil animal se désaltérait au cours d’eau tout proche. Il était robuste et bien dodu, il devrait pouvoir fournir pas mal de viande et de fourrure. Après avoir rapidement vérifié que l’animal ne pouvait pas le sentir, il adressa une courte prière à la nature, la remerciant pour cet animal qui nourrirait son clan avant de le tuer d’un coup de croc rapide. Il reprit forme humaine, se défaisant avec aisance de sa forme lupine. Il mit l’animal sur ses épaules, et reprit le chemin du Clan. Il laissa ses pensées vagabonder, et comme bien souvent ce fut sur Elena que ces dernières le portèrent. Il avait parfois de fortes impressions de déjà-vu avec elle. Il s’arrêta soudain, cherchant d’où venait le changeant de flux qu’il ressentait. Il se laissa guider et découvrit Elena dans la clairière dans laquelle il l’avait découverte.

— Je croyais qu’Olivia t’avait interdit d’essayer d’utiliser tes pouvoirs, dit-il en la voyant faire.

— Oui… dit Elena penaude, mais je pense que savoir les utiliser me permettrait de ne pas les utiliser sans le savoir.

— Je comprends, dit Sephiro, mais si Olivia apprend que tu les utilises tes pouvoirs sans surveillance…

— Je me ferais râler dessus. Je ne supporte plus de tourner en rond. Les cours avec Lara ne m’apprennent plus rien. Même les enfants commencent à utiliser leur pouvoir et parce qu’Olivia a décidé qu’elle ne sentait pas ma réserve magique je n’ai pas le droit d’utiliser le peu que je retrouve…

La colère s’entendant dans sa voix. La frustration aussi.

Sephiro en entendant les intonations de sa voix eut à nouveau l’impression de la connaître. Il était persuadé de l’avoir déjà entendu avec la même intonation, la même moue contrariée sur le visage. Il cligna des yeux. Mais où pouvait-il l’avoir déjà rencontré ? Il s’en souviendrait !

— Qu’essaies-tu de faire ? demanda finalement Sephiro en déposant le cerf à terre.

C’est que la bête commençait à peser sur ses épaules et il semblait être parti pour rester ici un moment. Elena le regarda indécise avant de finalement dire,

— J’essaie de faire apparaître des étincelles au bout de mes doigts… Je me souviens que c’est le premier tour que j’ai appris…

— Concentre-toi, cherche en toi la zone où prend source ta magie, dit Sephiro en se plantant devant elle.

— Comment je fais ça ?

— Ferme les yeux, et cherche en toi. Trouve ta… « zone de sureté ». Celle où tu sais que rien ne t’arrivera, dit Sephiro.

Elena fit ce qu’il lui demandait. Elle ferma les yeux et entra en elle-même. Son visage se détendit au fur et à mesure qu’elle plongeait en elle-même. C’était comme si elle entrait dans une rivière tumultueuse et qu’au fur et à mesure qu’elle avançait, celle-ci se calmait. Elle entra alors dans un endroit où y régnait un calme sans fin. Comme si elle entrait dans une bulle de calme. L’eau passait autour d’elle, comme une bulle de tranquillité.

— J’y suis, murmure-t-elle gardant les yeux fermés.

— Tu vois l’énergie magique ? Elle circule en toi, elle fait partie de toi.

— Oui, c’est comme une rivière, dit Elena rouvrant doucement les yeux.

Sephiro eut le souffle coupé en la voyant. Son regard brillait. Littéralement, ses yeux brillaient de la puissance magique qui circulait en elle. Il sentit la tension envahir l’espace autour d’eux, l’air devenir électrique sous la puissance qui parcourait Elena. D’où lui venait cette puissance ? Jamais, il n’avait senti quelqu’un avec une puissance aussi forte et brute. Il reprit cependant, bien conscient que la jeune femme accumulait petit à petit sa magie en étant ainsi.

— Concentre-toi sur une partie de ton corps, ici le bout de tes doigts et visualise le sort que tu souhaites faire. Imagine les petites étincelles qui sortent du bout de tes doigts.

Avant que même qu’il n’ait fini sa phrase des étincelles firent leur apparition au bout des doigts d’Elena.

— Je comprends, dit-elle en souriant doucement, je me souviens… Je me souviens de comment faire appel à ma magie.

— Bien, dit Sephiro, tu te souviens comment faire appel, te souviens-tu de comment la relâcher ?

— Oui, dit Elena, la lueur dans ses yeux disparaissant sans rien n’explose autour d’eux.

— Très bien. Je pense que je pourrais dire à Oliva que ton entrainement magique peut être ajouté à ton entrainement physique. Quand bien même elle ne trouve pas la quantité de magie que tu peux contrôler. Tu te souviens comment faire, c’est le principal. Le reste, nous aviserons.

— Elle ne va pas être contente.

— Je pense qu’elle aura d’autres choses en tête.

— Comment cela ?

— Nathanaël rentre.

— Comment le sais-tu ?

— Il arrive toujours la veille des premières neiges, et cette nuit, il va neiger. On ferait mieux de rentrer, dit-il en reprenant le cerf qu’il avait tué.

— Comment as-tu tué ce cerf, demanda Elena remarquant les traces de griffures et de crocs sur ce dernier.

— Tu l’apprendras bien assez tôt, dit Sephiro avec un sourire en reprenant le chemin du Clan.

   Elena lui emboita le pas, se demandant quel secret cachait Sephiro. Elle resta non loin de lui, l’observant. Le mouvement de ses muscles ployant à peine sous l’effort de la carcasse assez lourde du cerf. Elle ne sentait pourtant aucun flux de magie parcourir Sephiro. Il ne portait donc la bête qu’avec sa propre force. Il était vraiment très entrainé, elle le voyait chaque jour lorsqu’il l’entrainait. Elle ne suivait pas les entrainements avec les autres apprentis. Elle était plus âgée et au fur et à mesure de ses entrainements que cela soit avec Sephiro, Yren ou un autre frère Gardien, elle se rappelait, tout du moins son corps se rappelait. Elle était toujours incapable de mettre à mort un être vivant, tout du moins qui ne servent pas à sa survie. Elle n’avait aucun mal à chasser. Avant d’achever sa proie, elle remerciait toujours la Nature pour ce que sa proie lui apporterait. Les Gardiens la respectaient pour cela. Même s’ils tentaient de lui expliquer que parfois elle aurait à mettre à mort même si cela n’impliquait pas sa propre survie. Parfois, il fallait tuer pour la survie de plus que soi-même.

— Elena ? Tu vas bien ? demanda Sephiro en la voyant.

— Oui, j’étais simplement dans mes pensées. Tu ne fatigues pas ?

— Non, j’ai appris comment compenser les poids morts, tu apprendras aussi. C’est juste plus dur en restant statique qu’en marchant.

Elena hocha la tête, lorsqu’ils franchirent l’entrée du village, un apprenti courrait vers eux.

— Pierrick ? Où cours-tu comme ça ? demanda Sephiro.

— Je venais vous chercher ! Un conseil des Mondes est convoqué, il faut que vous soyez présent, tous les deux, dit Pierrick en regardant Elena.

— Dis-leur que nous arrivons, juste le temps de déposer la chasse du jour.

— Bien, répondit le jeune garçon en repartant en courant dans l’autre sens.

— Un conseil des Mondes ? demanda Elena.

— Oui, c’est une sorte de grande réunion, celui des mondes permet aux peuples magiques et non magiques de converser, mais surtout de régler les problèmes.

— Oh.

— Oui, nous devons nous dépêcher, dit Sephiro en pressant le pas.

***

 La salle était bien remplie. Une table ronde en pierre polie trônait au centre de la pièce. Autour d’elle, des elfes, des mages, druides, sorciers, métamorphes, quelques fées, mais aussi vampire et loup-garou se tenaient assis tout autour… ainsi que des sans magie. Tous étaient silencieux, on entendait la moindre respiration un peu trop forte et elle raisonnait dans la pièce caverneuse. Magnus observait ses confrères et consœurs. La mine grave. La porte s’ouvrit enfin, laissant entrer Sephiro suivit d’Elena. Tous portaient la tenue des Gardiens, Elena ayant noué autour de sa taille dans la ceinture de son pantalon un foulard. Personne excepté ceux de son clan ne savait ce que ce foulard signifiait. Elle montrait l’appartenance d’Elena aux apprentis, mais ceux ayant un rang particulier. Elle était adulte et visiblement avait des compétences de Gardien. Ce rang était accordé à ceux venant d’une autre tribu, clan ou encore ethnie lorsqu’ils rejoignaient le Clan de Magnus et les Gardiens. Il voyait à son maintien qu’elle n’était pas à l’aise. Elle ne connaissait pas le conseil des Mondes. Jamais, encore, elle n’en avait vu et comme beaucoup avant elle, elle était impressionnée. Un sans-magie se leva. Très grand, fin, sec même, il prit la parole.

— Puisque nous sommes tous présents, le conseil peut commencer. Nous sommes réunis ici à ma demande, moi Pycelle McLegan, représentant des humains sans magie, est convoqué le conseil, car l’un des vôtres a enfreint les Lois.

Il se rassit et fit un geste. Deux hommes en uniformes apportèrent alors un prisonnier. Il était enchaîné, décharné, battu. Très faible.

Une femme se leva la colère flamboyant dans son regard.

— Qu’avez-vous fait ? Pourquoi avez-vous battu cet homme ?

— Ce n’est pas un homme, dit Pycelle avec une voix mauvaise, c’est un sale métamorphe ! Il a couché avec l’une des nôtres ! cracha-t-il.

— Et cela justifiait que vous le battiez presque à mort ?

— Vous verriez dans quel état est la fille.

Elena est choquée, l’homme enchaîné avait visiblement une épaule de démise, ainsi qu’un genou. Il était gonflé, et il semblait être incapable de tenir sur cette jambe. Elle voulut intervenir, mais au regard que lui lança Sephiro, compris qu’elle devait se taire.

Magnus prit la parole.

— Nos Lois sont claires McLegan, aucune sanction ne sera donnée sans l’accord du conseil. Tu as autant enfreint nos lois que cet homme, ajouta-t-il en soulignant le mot homme.

— J’ai fait payer la dette de sang ! Eructa McLegan.

— La fille est-elle morte ? demanda Magnus.

— Non, mais…

— Alors, il n’y avait aucune dette de sang à payer, dit Magnus d’une voix froide.

McLegan pinça des lèvres. Ces magiques le payeraient, ils le payeraient tous. Ce n’étaient que des monstruosités qui essayaient de profiter de leur supériorité par leur magie. La femme qui avait parlé se rassit, faisant signe aux gardes d’approcher.

— Raconte-nous ta version des faits, dit-elle.

— Ma Reine… murmura l’homme tentant tant bien que mal de s’incliner, je n’ai violé qu’une loi… j’ai aimé une sans-magie… Elle… elle attendait mon enfant, ils l’ont battu… elle a perdu le bébé, dit-il en s’effondrant en larmes.

Un silence pesant s’installa dans la salle.

— Mensonges ! dit Pycelle.

— Silence.

Pycelle se tourna soudain vers la voix, et devint blanc comme un linge.

— Il me semblait pourtant t’avoir interdit d’intervenir sur ce couple, McLegan.

— Je n’ai fait qu’appliquer les préceptes McBenneth, bafouilla-t-il.

— Non. Tu as fait ta petite vendetta quand bien même je te l’ai interdit et tu oses convoquer un conseil. Ce conseil devait avoir lieu, certes, mais pas ainsi. Cette femme était venue me trouver le savais-tu ? dit McBenneth, son regard d’acier terrifiant toisant McLegan.

L’homme devint pâle comme un linge, effrayé.

— Elle m’a fait sa requête, m’expliquant qu’ils s’aimaient et qu’elle attendait leur enfant…, il fit un geste et une jeune femme, maigrichonne, couverte de bleu et dans un fauteuil fut amenée.

— Céleste ! cria le métamorphe enchaîné.

La dénommée leva les yeux et croisa le regard du métamorphe,

— Angelo…, Angelo, pardonne-moi… pardonne-moi…, dit-elle les larmes coulant sur ses jours alors qu’elle entourant son ventre de ses bras, Je n’ai pas su le protéger…

Angelo se débattit essayant de rejoindre la jeune femme en fauteuil, d’un simple geste, un druide fit tomber les chaînes qui le retenait et le jeune homme se précipita ignorant ses membres démis pour venir enlacer sa compagne. Il murmura, essayant de la réconforter.

— Cette jeune femme est venue me trouver pour me demander de présenter leur union au conseil, qu’il l’approuve, qu’ils soient libres de rejoindre un peuple qui les accueillerait ou de pouvoir vivre en nomade. J’ai offert ma protection à cette femme et son compagnon. Quand bien même nos peuples ne doivent pas se mélanger, votre magie permettant de nous soumettre…

— Vous savez bien que cette magie est prohibée. Nous ne l’enseignons plus et les ouvrages traitant de celle-ci sont tous scellés ou en votre possession, dit un elfe.

McBenneth leva une main en signe de paix.

— Le fait étant que certains d’entre vous n’ont pas besoin de sort pour soumettre les humains, et cette femme n’était pas sous l’emprise d’un sort, d’autant plus qu’elle était déjà enceinte. McLegan l’a découvert, et je lui ai ordonné de les laisser, qu’un conseil allait avoir lieu. Mais nous sommes réunis ici… et il y a une dette de sang : un enfant à naître a été tué.

Les différents représentants des êtres magiques et sans magies s’observèrent. Il était rare qu’un sans magie prenne la défense d’un couple mixte. Il y en avait déjà eu, mais cela était toujours rare.

— Est-ce que cela a rapport avec les intrusions dont j’ai fait rapport ? demanda Magnus.

— Oui, dit alors Angelo, prenant la parole, elle habite une maison en lisière de votre territoire… c’était plus discret et simple pour moi pour la rejoindre…

— Je vois, dit Magnus. Tu as de la chance que nos Gardiens ne t’aient jamais attrapé. En quoi te métamorphoses-tu ?

— En renard, c’est ma métamorphose de prédilection.

Sephiro comprit alors pourquoi ses frères et lui ne trouvaient jamais l’intrus. Il cherchait un bipède, un homme, elfe, mais pas un animal ! De toute façon, quand bien même, détecter un métamorphe n’était pas chose aisée. Une fois métamorphosée, il était quasi semblable à leur forme animale, il n’y avait qu’un léger flux que l’on pouvait percevoir uniquement si l’on pouvait voir les auras. Et il le savait bien, étant lui-même capable de se métamorphoser en loup. Il voyait le regard d’Elena empli de questions, il se promit de lui répondre lorsque la réunion prendrait fin. Le conseil discuta encore. Exposant différentes preuves et différents témoignages.

Certains gardes entouraient particulièrement McLegan. D’autant plus, que plus les témoignages et preuves s’accumulaient, plus les accusations étaient fortes envers lui et ses hommes. Trois personnes dont lui était impliqué.

— Qui accorde qu’il y a une dette de sang ? demanda un Loup-Garou nommé Rémi.

Un à un, tous les chefs présents accordèrent la dette de sang. Le dernier a donné son accord, un vampire, se leva ensuite.

— Pycelle McLegan, toi et tes hommes êtes accusés d’avoir violé nos Lois, tué un enfant à naître et battu les parents. Pour cela vous avez contracté une dette de sang. Une vie pour une vie. Pycelle McLegan, tu as ordonné cela, tu donneras ta vie pour rembourser ta dette. Tes hommes seront battus. Emmenez-le. Les sentences auront lieu demain au coucher du soleil.

Elena retint un cri, plaquant ses mains sur sa bouche pour ne pas émettre un son. Sephiro serra son épaule. Il savait que la jeune femme réagirait mal à l’idée de la dette de sang. L’adage œil pour œil, dent pour dent était respecté dans son extrême, si une vie était prise, même une en devenir, une autre devait être rendu.

 Il y eut un temps de battement durant lequel McLegan fut emmené. McBenneth soumit alors la demande d’union de Céleste et Angelo, tous donnèrent leur accord à la condition que des intrusions ne soient plus commises. Le couple ne sachant pas encore où et comment ils souhaitaient vivre, les chefs leur laissèrent le temps de se décider, mais surtout de faire leur deuil. Une fois cette affaire réglée, Magnus prit la parole.

— Je veux vous faire part de quelque chose, il y a peu, nous avons découvert cette jeune fille, dit-il en désignant Elena et l’invita à s’approcher, elle a perdu tout souvenir de son passé, ne se souvenant que de son identité. Est-ce que l’un de vous la reconnaîtrait ?

Les personnes présentes autour de la table donnèrent toutes une réponse négative.

— J’ai besoin de vos autorisations pour que cette jeune fille, accompagné de personnes de mon Clan puissent parcourir vos terres à la recherche des siens. Je sais que nos territoires sont vastes, trop pour qu’une disparition puisse avoir été portée à nos faits.

Les chefs donnèrent leur autorisation.

— Non magique, il se peut qu’il ait besoin de passer par vos territoires pour aller plus vite et ne pas être toujours coincé par la neige, j’ai besoin de vos autorisations aussi.

— Bien, mais ils ne devront en aucun cas, faire usage de la magie sur nos terres, dit l’un d’eux.

— Excepté si leur vie se retrouve en danger et qu’ils n’ont d’autres choix, négocia Magnus.

Les non magiques se regardèrent avant de finalement hocher la tête.

— N’est-ce pas plus simple d’attendre le retour du printemps ? demanda l’un des mages présents.

— Si, mais nous préférions être fixés au plus vite, dit Magnus.

— Comment t’appelles-tu jeune fille ? demanda une elfe cheveux blonds comme les blés et aux oreilles ornées de bijoux.

— Elena, Elena Caerfyrddin.

 Les elfes se jetèrent des coups d’œil. Caerfyrddin ? C’était un nom qu’il n’avait pas entendu depuis des siècles ! Mais ils se gardèrent bien de donner la signification de ce nom. Ils avaient leurs secrets et leurs savoirs…

***

 Lorsque Elena et Sephiro sortirent de la salle du conseil, la neige tombait dru et recouvrait le sol d’une fine pellicule. Elena s’arrêta à la lisière de la neige. Elle la regarda, des étoiles illuminant son regard. La neige. Elle la revoyait pour la première fois depuis… Elle ne savait combien de temps. Un sentiment de paisibilité l’envahit alors qu’elle faisait un pas sous les flocons. Elle leva la tête vers le ciel, et inspira profondément. Elle avait l’impression de revivre.

— Tout va bien Elena ? demanda Sephiro.

— Oui. Je me sens bien, très bien, dit la jeune femme.

Elle se tourna et sourit au Gardien avant de prendre le chemin menant chez Olivia. Elle s’arrêta surprise en voyant de la lumière partout dans la maison de la guérisseuse.

— Nathanaël doit être rentré, dit Sephiro.

Il toqua à la porte et c’est une Olivia souriante et toute pimpante qui leur ouvrit.

— Entrez tous les deux ! dit-elle enjouée.

Elena ne l’avait jamais vue aussi joyeuse et cela la surprit un peu. Les deux jeunes adultes entrèrent dans la maison. Elle avait été récurée comme un sou neuf, et une bonne odeur de cuisine flottait dans l’air. Sephiro retint un rire devant l’air perplexe qu’affichait Elena. Il y avait deux facettes d’Olivia, celle sans Nathanaël et celle avec. Elle restait la même personne, seulement, elle était pleinement épanouie lorsqu’elle avait sa moitié avec elle. Pleinement elle-même.

— Allez dans le salon, nous vous rejoignons, j’ai hâte de te le présenter, dit-elle en regardant Elena.

Elena cligna des yeux, de plus en plus perplexe.

— Tu vas rencontrer la vraie Olivia, dit Sephiro en invitant Elena à le suivre dans le salon.

Alors qu’ils s’asseyaient dans le canapé, un homme très grand dont la barbe fraichement taillée dévorait la moitié du visage, entra dans la pièce.

— Bonsoir, dit-il d’une voix grondante comme l’orage.

— Tu as fait bon voyage ? demanda Sephiro.

— Oui, merci, tu dois être Elena ? dit-il en regardant la jeune femme, enchanté de te connaître. Olivia m’a beaucoup parlé de toi et je te remercie pour toute l’aide que tu lui as apportée durant mon absence.

Elena hocha timidement la tête. Elle ne savait pas trop comment réagir un peu intimidée par cet homme. Ces cheveux très blond, bouclé et long paraissaient presque blancs et sa voix, grave et grondante l’impressionnait autant qu’elle la rassurait. Cette sensation était très étrange.

— Tu as réussi à trouver tout ce qu’il vous fallait ? demanda Sephiro.

— Oui, et plus encore, j’ai pu obtenir des graines pour certaines plantes, ainsi je ne serais peut-être pas obligé de repartir.

— C’est une excellente nouvelle !

Nathanaël hocha la tête et Olivia les rejoint à ce moment-là avec un plateau chargé de victuailles.

— Tu as besoin d’aide ? lui demanda Elena

— Non tout est là, on va pouvoir dîner, dit la guérisseuse.

— Tu as du passé l’après-midi en cuisine !

— Oh non, ce ne sont que des choses rapides à faire ! Je te montrerais un jour dit-elle, s’asseyant alors que Nathanaël leur servait à boire, Racontez-nous ce qu’il s’est dit au conseil.

Sephiro s’exécuta, n’omettant aucun détail.

— Votre voyage sera loin d’être reposant avec l’hiver qui s’annonce… dit Nathanaël, ne serait-ce pas plus sage d’attendre le retour de la nouvelle saison ?

Elena regarda Sephiro

— J’avoue ne pas connaître la région, je ne sais pas ce qu’il serait le plus prudent… souffla la jeune femme.

— Les hivers sont rudes ici, dit Nathanaël, je te conseillerai d’attendre que le printemps revienne, vous serez bien moins ennuyés sur la route et trouverez plus facilement de quoi vous nourrir.

La discussion s’étira encore, Elena posant plusieurs questions pratiques. Elle se doutait que voyager en hiver n’était pas simple, mais de là à imaginer que c’était quasiment impraticable…

— Vous viendrez à table ? invita Olivia.

La guérisseuse avait préparé un festin, et la soirée se déroula sans anicroche. Elena passa même une excellente soirée. Elle raccompagna Sephiro à la porte, la fatigue ayant gagné doucement ses traits. Alors que Sephiro allait lui souhaiter une bonne nuit, il dit ;

— J’y pense, j’ai oublié de te donner ceci tout à l’heure, dit-il en sortant de la poche une enveloppe.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda la jeune femme intriguée en la prenant.

— Je ne sais pas, Magnus m’a dit que tu en aurais sûrement besoin et de te la remettre.

Elena remercia le Gardien avant d’ouvrir l’enveloppe à l’intérieur, une lettre ainsi qu’une clé.

« Voici la clé de ton logement si tu le souhaites. Tu commences à prendre tes marques et pouvoir vivre dans ton propre logement t’aidera peut-être. Tu ne seras pas loin de chez Lara. »

Elena leva un regard brillant vers Sephiro qui attendait la mine interrogative,

— Le chef m’a trouvé un logement ! dit-elle avec un regain d’énergie.

— C’est une excellente nouvelle !

— Tu… m’accompagnerais pour le voir ? demanda-t-elle un peu timidement.

— Oui, mais demain, il est trop tard aujourd’hui et je suis aussi épuisé que toi.

Elena hocha la tête. Elle regarda Sephiro s’éloigner avant de regagner la chambre qu’Olivia lui prêtait. Même si elle adorait vivre avec la guérisseuse, elle ne niait pas qu’avoir son chez elle la faisait un peu rêver autant qu’elle en avait peur. Ne plus dépendre de personne, ne plus avoir l’impression de s’incruster lui faisait très envie, mais en même temps arriverait-elle à vivre seule ? Saurait-elle trouver et retrouver tout ce qu’elle était en étant seule ? Autant de questions qui encombrèrent son esprit alors que ce dernier sombrait dans un sommeil profond.

***

 Les jours passaient et ne se ressemblaient pas. Entre son emménagement dans son nouveau logement, ses entrainements, et les préparatifs pour son futur voyage, Elena n’avait pas vu le temps passé. Sephiro et Lara s’étaient d’ailleurs portés volontaires pour accompagner la jeune femme dans son voyage. Cela la rassurait, elle ne serait pas seule dans un endroit dont elle n’avait pour le moment toujours aucun souvenir. Évidemment le chef avait demandé à Sephiro et Lara d’expliquer les raisons de leur volontariat, il ne pouvait pas laisser partir deux membres de son Clan, dont un Gardien expérimenté ainsi. Sephiro avait justifié en disant qu’il avait la charge d’une bonne partie de l’entrainement d’Elena et qu’étant aussi son ami, il lui semblait être de son devoir de l’accompagner. Lara quant à elle avait expliqué que ces connaissances de la région et étant originellement issue d’une tribu ayant pour habitude de se déplacer en hiver, ses aptitudes ainsi que ses connaissances en plus de l’amitié qu’elle portait à Elena seraient très utile. Face à ses arguments, le chef accepta, cependant, il imposa que le départ ne se fasse qu’après le début de la nouvelle année. Les grosses tempêtes de neige de la région seraient passées et l’entrainement d’Elena serait plus avancé, même si elle était adulte, elle n’était qu’une novice et il était hors de questions qu’une novice parte en début de formation. Les trois amis se plièrent aisément à cette volonté de leur chef, ils la comprenant parfaitement.

 Elena regarda par la fenêtre de sa cuisine. Elle habitait dans l’un des arbres-maison entourant la place centrale. Avec beaucoup de chance, c’était l’un des logements les plus hauts dans l’arbre maison qui s’était libéré. La personne habitant là s’étant mariée, elle avait emménagé avec sa moitié dans un logement plus adapté pour eux et leur souhait d’agrandir leur famille. Elena profitait donc d’un joli logement en duplex avec tout le confort, mais surtout une immense bibliothèque que ses amis n’avaient pas tardé à l’aider à garnir ayant très vite remarqué le goût prononcer de la jeune femme pour la lecture. Un autre amour était ressorti de cet emménagement : elle aimait être au contact de la nature, mais surtout se retrouver seule avec celle-ci. Au contraire de ce qu’elle avait pu imaginer, la jeune femme n’avait eu aucun mal à se retrouver seule chez elle, cela lui avait fait l’impression de retrouver une vieille amie. Peut-être vivait-elle auparavant déjà seule ? avait-elle eu un chez-elle avant de se réveiller au sein du Clan de Magnus ? Elle n’avait toujours pas de retour franc de ses souvenirs, mais cela ne l’inquiétait plus. Elle le prenait avec plus de sérénité qu’auparavant. Même si elle avait hâte que ses souvenirs lui reviennent, elle ne se mettait plus autant la pression qu’avant. Elle redécouvrait ses habitudes en se rendant compte par exemple que dès les premiers jours de sa nouvelle vie seule dans son logement, elle avait des habitudes bien ancrées qu’elle n’avait jamais pris le temps de faire lorsqu’elle vivait chez Olivia et qu’un réel soulagement l’avait envie en méditant à nouveau le matin avant de prendre son petit déjeuner. Tout comme pouvoir observer le ciel chaque soir avant de s’endormir et de savoir exactement quel temps il y aurait le lendemain rien à l’observer. Elle dormait mieux, était plus sereine et petit à petit sûre d’elle. Lara le voyait et l’encourageait en ce sens, d’après elle plus elle se sentirait elle-même et sans pression et plus simplement elle retrouverait ses souvenirs. Sephiro aussi le remarquait, déjà lors des entrainements, son caractère changeait du tout au tout, la guerrière en elle prenait place et elle devait extrêmement sûre de ses mouvements. Et il retrouvait petit à petit ses traits de caractère au quotidien, elle restait foncièrement altruiste et discrète, mais lorsque cela s’avérait nécessaire elle n’hésitait plus à laisser entendre sa voix. Plus le temps passait plus il découvrait des nouvelles facettes de la personnalité d’Elena et… il aimait ce qu’il découvrait. La jeune femme évoluait et cela se ressentait, elle dégageait une aura de plus en plus forte. Tant au niveau spirituel que même magique. Elena le rejoignait d’ailleurs sur le terrain d’entrainement, sa démarche souple et apaisée n’aurait laissé en rien deviner la guerrière qui se cachait derrière. La seule chose sur laquelle Elena n’arrivait pas à progresser dans son entrainement était la mise à mort des ennemis, elle ne semblait pour le moment en aucun cas capable de faire respecter l’adage vie pour vie.

— Prête pour aujourd’hui ? demanda Sephiro.

— Oui, qu’allons-nous travailler ? demanda Elena croisant ses poignets dans son dos.

Sephiro observa sa tenue, comme toujours elle se tenait parfaitement.

— Aujourd’hui nous allons pratiquer l’ensorcellement et les sorts de guérisons rapides. Tu as l’air d’avoir pas mal d’aptitudes dans ce domaine, c’est un guerrier-guérisseur qui va venir t’entrainer aujourd’hui. En l’attendant… dit-il en lançant deux couteaux d’entrainement sur elle.

Elena les esquiva en s’abaissant et tournoyant balayant le sable s’aidant de sa magie pour la propulser vers Sephiro l’aveuglant. Cela lui permit de récupérer une arme et de se mettre en garde parant le coup que Sephiro lui assénait.

— Bien ! dit-il malgré tout déçu de ne pas avoir réussi à surprendre l’argentée.

Il lui porta plusieurs coups de dagues, que la jeune femme para ou esquiva. Elle contre-attaqua rudement jusqu’à enfin réussir à désarmer Sephiro et le faire tomber à terre, à cheval sur lui, pointant sa dague contre son coup. Elena poussa un petit cri de joie, c’était la première fois depuis le début de son entrainement qu’elle battait Sephiro. Elle prit conscience de sa position plutôt gênante lorsque voix demanda,

— Je vous dérange ?

Elena se redressa rapidement rougissante.

— Nous avions terminé, Elena vient de réussir à me désarmer et me mettre au pied du mur pour la première fois. À charge de revanche, dit Sephiro en lui jetant un coup d’œil.

La jeune femme hocha la tête, reprenant contenance.

— Je te la laisse Cédric.

Le dénommé Cédric hocha la tête, observant la frêle silhouette qui se dressait devant lui. Il fallait se méfier de l’eau qui dormait, et il n’allait certainement pas faire l’erreur de penser que la guerrière face à lui était sans défense. Elle savait se battre, et d’après les observations qu’il avait pu faire, sa magie était puissante. Pure. Elle ne déformait pas le flux naturel, il semblait venir à elle et la traverser se pliant de bonne grâce à sa volonté. Mais est-ce vraiment ce qu’il se passait ?

— Bien, nous allons voir de quoi tu es capable chère novice.

Sephiro s’éloigna quittant le couvert du terrain d’entrainement pour rejoindre les vestiaires.

— Tu sembles bien ennuyer mon mignon…, dit une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

— Qu’est-ce qui te faire dire ça Lara ? demanda Sephiro amusé en se tournant vers son interlocutrice.

— Disons que l’effet que te fait une certaine femme ne passe pas vraiment inaperçu, rit Lara en lui lançant un sac.

Sephiro le rattrapa au vol, intrigué sans pour autant laisser paraître une gêne quelconque.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.

— Un sac originaire de ma tribu, j’ai réussi à en retrouver. Ils sont magiques et surtout résistants aux intempéries de l’hiver. Mes hivers étaient bien plus rudes que tous ceux que nous avons connus ici, et si j’en crois Nathanaël, l’hiver qui s’en vient sera comme ceux de mon enfance. J’ai aussi pu récupérer des vêtements, mais il faudra que tu viennes les passer, si je dois faire des retouches cela sera plus simple. Je préviendrais Elena lorsqu’elle aura terminé. Je peux observer l’entrainement ?

Les informations de Lara s’étaient enchaînées, mais c’était dans les habitudes de la jeune femme de passé du coq à l’âne.

— Merci Lara. Oui pas de soucis, tu vas voir, elle est impressionnante.

Lara pouffa,

— C’est objectif ça ? dit-elle fuyant avant que Sephiro ne lui lance quelque chose en retour.

Le guerrier secoua la tête, qu’elle était bête. Bien sûr qu’il était objectif, et rien de ce qu’il pouvait ressentir n’altérait son jugement. Il soupira et alla rapidement s’équiper pour aller patrouiller. Des intrusions avaient à nouveau eu lieu, rien de méchant, cela semblait être juste des passages, mais personne n’était jamais trop prudent. Surtout avec le climat actuel entre les différents clans…

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