Chapitre 10

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  Sephiro s’était levé à l’aube et avait laissé les filles se reposer. Même si aucun d’eux ne se plaignait les semaines de voyage commençaient à peser sur le petit groupe et la fatigue se faisait de plus en plus ressentir. Il consulta la carte de la région qu’il avait toujours sur lui. Il nota leur position et vérifia celle de l’académie des druides. Comme l’avait suggéré Lara, ils pourraient y trouver refuge, mais peut-être aussi, des informations sur Elena ? Les druides notaient tout : chaque naissance était répertoriée, et ce depuis la nuit des temps. Il y pensait un peu tard, mais cela aurait sûrement été plus rapide de se rendre directement chez les druides plutôt que d’entreprendre un long voyage aussi fastidieux en plein hiver ! Il soupira, cela leur aurait épargné bien des ennuis. Il observa le ciel se colorer d’orange et de rouge, alors que le soleil se levait. Il se recentra en observant la nature s’éveiller et planifia leur parcours. Il se sentit plus sûr de lui, il avait certes prévu plusieurs jours de marches pour arriver jusque chez les Druides, mais aussi éviter au maximum les chemins fréquentés tout du moins jusqu’à avoir atteint le territoire magique du clan des forêts. Ayant un droit de passage depuis la dernière réunion, son groupe et lui n’auraient aucun problème à traverser le territoire jusqu’à atteindre celui des druides. Ce dernier se situait d’ailleurs au centre du pays. Il n’était pas très grand et regroupait uniquement l’académie, et ses jardins. Une fois tout cela planifié, il rangea toutes ses affaires et se mit en tête d’aller chasser. Peut-être trouverait-il un lièvre pour leur premier repas de la journée ?

 Sephiro était parti depuis environ une heure lorsqu’Elena se réveilla. Elle raviva le feu une fois sorti de la tente et fut surprise ne pas voir Sephiro. Elle remarqua cependant très vite que toutes ses affaires étaient là, il devait être parti faire un tour. Elle se chauffera un peu de neige pour préparer une infusion. La journée allait être encore froide et même si le soleil pointait timidement ses rayons, il ne réchaufferait pas l’atmosphère ce jour-là. Elle observa la neige fondre puis bouillir avant d’y ajouter une branche de thym séché ainsi que du romarin, quelques clous de girole, et pour la douceur un peu de tilleul. Elle sortit la casserole du feu, la posant sur une pierre plate à côté puis chercha dans son sac s’il lui restait quelques pains elfiques. Ces brioches entre le moelleux et le sec se conservaient très longtemps. De plus, ils nourrissaient plutôt bien même si niveau goût… C’était à revoir. La jeune femme en retrouva et les sortit, les plaçant près du feu, réchauffer c’était tout de même plus agréable que froid. Autant en profiter surtout que le prochain repas ne serait que lorsque le camp du soir serait monté. Lara sortit à son tour de la tente, bayant aux corneilles et s’étirant.

— Bonjour, dit-elle encore un peu endormie.

— Salut marmotte, bien dormi ?

— Ça été, un peu compliqué, mais y’a pire, dit-elle en la remerciant pour la tasse qu’elle lui tendait.

— Pas trop de mauvais rêves ?

— Aucun, la rassura Lara, ne t’inquiète pas. Même si j’ai du mal et n’aime pas en parler je ne suis plus perturbée dans mon sommeil par ça.

Elena hocha la tête comprenant ce qu’elle voulait dire par là. Elle se servit une tasse à son tour et partagea le pain elfique en trois. Les filles mangèrent un peu, et alors qu’elles rangeaient leur affaire de la nuit Sephiro revint avec un petit lièvre.

— Bonjour les filles ! dit-il, maigre chasse, mais on va pouvoir manger plus copieusement.

— Ah, j’ai réchauffé du pain elfique, dit Elena confuse.

— Ce n’est pas grave, je vais le préparer au maximum et nous le mangerons ce soir. Avec le froid qu’il fait et un sort de conservation par sureté, on aura au moins un peu de viande fraiche.

Les filles hochèrent la tête, assez enthousiaste à l’idée d’avoir un vrai repas ce soir-là. Pendant que Sephiro mangeait un morceau et préparait le lapin, elles commencèrent à démontrer le camp. Les gestes au début hésitants étaient à présent sûrs et en un rien de temps leur lieu de campement redevint comme avant leur passage. La seule marque étant le cerclage de pierre recouvert de neige, indiquant qu’un campement avait été établi ici. Le gardien accrocha le lapin à son sac avant d’annoncer,

— Nous allons nous rendre à l’académie des druides, nous serons sous protections là-bas et les non magiques qui nous traquent ne pourront pas nous y suivre, mais surtout nous y trouverons peut-être des informations sur toi Elena.

— L’académie des druides ? dit l’argenté perplexe.

— Oui, c’est l’endroit où sont formés les druides en devenir, mais surtout le lieu où est conservée toute notre histoire, ainsi que les naissances et morts de chaque être magique de notre monde.

Elena écarquilla les yeux, elle n’aurait jamais imaginé qu’un tel lieu pouvait exister.

— Pourquoi n’y sommes-nous pas allés directement ? demanda-t-elle.

— Je n’y ai absolument pas pensé, c’est Lara qui m’en a parlé hier soir.

— C’est un lieu auquel nous pensons rarement : il est sacré et les druides ne laissent pas n’importe qui y entrer. Même s’ils sont au centre du pays, mais aussi de nos coutumes et religions. Leur statut même est sacré et… aller les voir dans leur académie n’est pas aisé, et encore moins une évidence, expliqua la jeune femme aux cheveux bleus.

— Vous pensez qu’ils vous nous laisser entrer ?

— Nous demanderons le droit d’asile, en expliquant que nous sommes traqués. Ensuite… nous aviserons.

Elena hocha la tête. Elle comprenait et cela lui paraissait une bonne idée. Ils se mirent donc en route, détruisant leur sort de protection et s’élançant dans la neige glacée en direction du nord.

La journée de marche fut difficile, le terrain était plus accidenté que ce que croyait Sephiro et ils furent considérablement ralentis. Ils n’avaient pas parcouru la moitié du chemin prévu ce jour-là lorsqu’il avait planifier son parcours.

— Sephiro ? dit Lara, alors qu’ils montaient le camp.

— Oui ?

— Je peux partir en amont demain si tu veux, aller en direction de la forêt et une fois arrivée sur la plaine, le continuerai par les montagnes. J’irais vite je connais le terrain et seule je ne me ferais pas repérer.

Sephiro réfléchit avant de finalement donner son accord. Une fois le camp monté, et le repas entrain de chauffer, ils regardèrent la carte. Déterminant des chemins sûrs où ils pourraient s’aventurer avec Elena alors que Lara calculait son temps de trajet jusque chez les druides. Elle pourrait passer par les territoires non magiques et surtout utiliser toutes ses capacités magiques. Elle mettrait presque deux fois moins de temps que Sephiro et Elena, mais cela devrait lui permettre d’appuyer leur requête de recherche pour savoir d’où venait Elena et avoir accès aux archives la concernant. Les trois amis dinèrent ensemble le lapin que Sephiro avait attrapé le matin même. Elena avait même déniché quelques racines pour accompagner ce morceau de viande. Ce fut un premier et dernier vrai repas que les trois partagèrent avant un long moment. Ils apprécièrent la chair du lièvre, même s’il n’était pas très épais, les protéines qu’il leur apportait leur faisaient du bien et son goût… cela les changeait de la viande séchée et des pains elfiques ou même du grau ! Leur repas terminé, ils se séparèrent les provisions, Lara en refusant quelques-unes expliquant qu’elle arriverait bien avant eux à l’académie. La jeune femme alla se coucher, elle partirait, avant même que le soleil ne soit levé, mais elle ne leur avait pas dit. Elena et Sephiro étaient assis dans la neige, sirotant leur infusion tout en observant les étoiles. Le cœur de la jeune femme battait fort. Elle allait se retrouver seule durant plusieurs jours avec Sephiro. Allait-elle oser lui avouer ce qu’elle ressentait ? Comment leur relation allait-elle évoluer au cours de ce voyage ?

— Tu veux prendre le premier quart ? lui demanda le jeune homme.

Elle hocha la tête.

— Oui, je te réveillerai quand je me sentirai fatiguée, va te reposer la journée a été suffisamment longue.

— Merci, il observa Elena et posa une main sur la sienne, la pressant.

— Ne veille pas trop, repose-toi aussi, tu t’es bien dépensé aujourd’hui.

Le rouge monta aux joues de la jeune femme et elle hocha la tête le regardant disparaître dans la tente. Elle se retrouva en tête à tête avec les étoiles et retrouva petit à petit son calme et de la clarté dans son esprit.

***

 Les premiers jours de voyage sans Lara, Sephiro et Elena restèrent extrêmement prudents, ils avaient dû traverser des lieux passant, l’un des chemins prévus étant totalement impraticable. Ils avaient dû rejoindre l’une des routes principales et avançaient parmi un flot assez inhabituel de voyageurs pour la saison. Sephiro était très tendu, et avançait d’un bon pas, voulant se sortir aussi vite que possible de cette foule. Elena le retint alors, en montrant un groupe de voyageur en difficulté. La roue de leur chariot était cassée, et l’homme pestait. Seul, il ne pouvait rien faire. Il n’était accompagné que d’enfants.

— On pourrait l’aider, peut-être acceptera-t-il de nous avancer plus loin ?

— Est-ce vraiment prudent ?

— C’est toujours moins dangereux que de rester ici au milieu des tous et de se faire remarquer. On aura juste besoin de l’aider à changer sa roue… pas besoin de faire grand-chose et au pire des cas, on pourra s’éclipser par la forêt, nous serons plus prêts du bord de la route, on nous remarquera moins et tant pis si le terrain n’est pas très praticable.

Sephiro hocha la tête. Ils s’approchèrent de l’homme.

— Peut-on vous aider ? demanda Sephiro.

— C’la ne serait pas de refus ! dit l’homme en se tournant vers eux. Seul j’peux rien faire pour changer c’te fichue roue !

— Aucun souci, dites-nous quoi faire.

— Les mioches ! Descendez d’là ! cria le bonhomme.

Un groupe d’enfants entre deux et dix ans descendirent. Ils regardèrent avec un peu d’appréhension les deux adultes qui les avaient rejoints.

— Il faudra me soutenir suffisamment longtemps le chariot le temps que j’enlève la roue cassée et la remplace par la neuve. Heureusement que j’ai toujours une roue en plus dans ma carriole, bougonna-t-il.

— Effectivement, dit Sephiro, retirant son sac à dos alors d’Elena faisait de même.

À eux trois, ils réussirent à remettre d’aplomb le chariot sans utiliser la magie à aucun moment. Les trois adultes étaient en sueurs, mais le voyageur était soulagé.

— R’montez d’dans vous mettre au chaud les mioches.

Les enfants ne se firent pas prier claquant des dents.

— Vous allez où comme ça M’sieur dame ? Vous vous rendez à la foire d’hiver de la capitale ?

Elena et Sephiro masquèrent leur surprise, une foire à cette époque ? Voilà ce qui expliquait le monde sur la route.

— Non, répondit Sephiro, nous rendons visite à nos parents. Ils sont un peu plus au nord de la capitale.

— Oh et vous v’nez d’où chargé comme ça ? C’la à l’air de faire un moment que vous êtes de voyage !

— De Cléneste, répondit Sephiro qui était une ville à plusieurs semaines de marche d’ici.

— Eh bah, vous n’avez pas peur du mauvais temps vous les jeunes ! Montez un peu, j’vais vous avancer un peu au moins jusque l’orphelinat d’la capitale.

— Merci beaucoup, monsieur, mais nous ne voudrions pas vous déranger.

— Pas d’ça entre nous, vous m’avez aidé vous et vot’ bonne dame pour ma carriole, j’peux bien vous épargner un peu d’marche parmi tous ses voyageurs.

— Merci beaucoup, dit Elena, mais vous pourrez nous laisser à l’entrée de la ville ?

— Comme vous voulez, répondit-il en haussant les épaules, et remontant en tête de son attelage, Allez-vous mettre à l’intérieur avec les marmots, vous s’rez plus au chaud.

Elena hocha la tête, Sephiro lui ouvrit le battant de tissus qui protéger les enfants du froid

— Va, je vais monter à l’avant avec lui, lui dit-il en lui laissant son sac.

La jeune femme hocha la tête, faisant malgré tout bien attention à garder son capuchon sur la tête. À l’intérieur de la toile, il faisait plus sombre, mais surtout plus chaud. La dizaine d’enfants se tenait serrer les uns contre les autres pour lutter contre le froid emmitouflé dans les couvertures à leur disposions. Elle s’assit près de l’entrée, se disant qu’en cas de soucis, elle pourrait rapidement sortir avec leurs affaires. Les enfants l’observaient d’un œil curieux pour ceux qui ne s’étaient pas rendormis. Ils avaient les traits tirés, semblaient épuisés. Aucun n’ouvrit la bouche et ils se détournèrent rapidement de l’adulte qui les avait rejoints retournant à leur discussion à voix basse. De l’autre côté, Elena entendant la voix étouffée de Sephiro et leur conducteur ainsi que tous les bruits des voyageurs alentour. Bercée par le cahin-caha du chariot, Elena finit par somnoler avant de s’endormir à demi. Elle fut réveillée par une main qui la secouait doucement. Elle ouvrit les yeux, son esprit embrumé par le sommeil ayant du mal à se resituer. Où est-elle déjà ? Très vite les souvenirs lui revinrent en voyant Sephiro devant elle.

— On est arrivé, dit-il.

— D’accord, j’arrive, répondit-elle d’une voix encore endormie.

— On a gagné pas mal de temps grâce à vous, monsieur, dit Sephiro alors qu’Elena descendait du chariot.

— Cela va aller pour la suite du voyage ? demanda l’homme.

— Oui, ne vous inquiétez pas, merci encore, dit le Gardien alors qu’Elena s’approchait et remerciait leur transporteur.

Ils le saluèrent ainsi que les enfants qui étaient venus passer la tête par l’ouverture. Ils n’avaient pas interagi avec eux, mais ils étaient polis. Elena et Sephiro leur firent signe puis s’éloignèrent.

Assez rapidement, ils passèrent récupérer quelques provisions notamment de l’eau avant de rapidement ressortir de la ville et de reprendre leur route. Une fois sous le couvert des arbres, ils forcèrent le pas. Certes ils avaient gagné pas mal de temps, mais il fallait maintenant qu’ils rejoignent le plus rapidement possible le territoire magique tout proche et ainsi pouvoir rejoindre plus sereinement l’académie des druides. Ils passèrent la frontière un peu après midi et le soulagement se peignit sur leur trait.

— On va pouvoir ralentir un peu et ne plus être dans la course, dit Sephiro, en se tournant vers la jeune femme.

L’inquiétude se peignit sur son visage en voyant les traits tirés de la jeune femme.

— Elena ? Tu vas bien ? demanda-t-il.

— Je suis juste fatiguée… souffla la jeune femme en secouant la tête, on peut continuer ne t’inquiète pas.

Sephiro fronça les sourcils avant de regarder autour de lui se repérant. Il reconnaissait l’endroit, il était déjà venu plusieurs fois sur ce territoire lors de conseils ou d’entrainement de gardien.

— Tiens bon encore un peu, je sais où nous pouvons aller établir notre camp pour la nuit, nous y serons bientôt.

— Je peux tenir encore, protesta Elena.

— Non tu es épuisée, et moi aussi. On va aller jusque là-bas et profiter d’un repos bien mérité. Nous sommes dans les temps, et maintenant nous sommes en territoire alliés, tout ira bien.

Elena hocha finalement la tête incapable de protester plus. Il avait raison. Elle était épuisée. La fatigue du voyage et le stress de ses derniers jours se faisaient ressentir et lui tombaient dessus sans prévenir. Ils marchèrent encore presque trois quarts d’heure avant d’arriver à l’endroit que cherchait Sephiro. Il sourit en voyant que l’endroit n’avait pas changé.

— Viens, dit-il en souriant à Elena, ce soir nous n’avons pas besoin de monter la tente, tu vas dormir dans un vrai lit.

La jeune femme le regarda perplexe, avant de repérer l’ouverture dans le tronc d’arbre presqu’entièrement dissimulé par la nature qui avait repris ses droits sur l’arbre-maison.

— Oh ! s’exclama-t-elle alors que Sephiro lui tenait le pan de mousse qui masquait l’entrée.

— Après toi, dit-il.

Elena s’engagea dans l’arbre et fut encore plus surprise : l’endroit ne semblait pas à l’abandon.

— Quelqu’un habite ici ? demanda la jeune femme à Sephiro alors qu’il atteignait la pièce principale de l’arbre maison.

— Non, mais le clan de ce territoire entretient cet arbre-maison. Il est à la disposition des voyageurs tant qu’ils le laissent en bon état et un peu de provisions pour ceux qui viendront après eux, le clan ne pouvant pas toujours laisser des denrées ici.

Elena hocha la tête,

— Tous les clans ont-ils des arbres-maison ainsi ?

— Pas tous, mais c’est une tendance qui augmente, nos territoires sont vastes et avoir des logis de repos pour les voyageurs est plus qu’apprécier. Si tu veux, tu peux aller prendre une douche, je vais sortir voir si je trouve un peu de gibier, nous allons avoir de vrais repas aujourd’hui.

Elena eut les yeux qui brillaient à la mention de la douche : de l’eau chaude pour se réchauffer l’enthousiasmait beaucoup.

— La pièce d’eau est au fond du couloir, je vais faire un feu pour que tu n’aies pas trop froid en sortant puis j’irais chasser, laisse-moi un peu d’eau chaude pour mon retour.

— Promis ! dit Elena en se dirigeant vers la pièce après avoir récupéré de quoi se changer et faire une toilette un peu plus poussée.

 Une fois sous la douche, elle profita pleinement de ce moment, laissant l’eau chaude effacer toutes les traces de son voyage. Étonnamment même si l’eau chaude lui faisait un bien fou, elle ne passa pas plus de temps que nécessaire à son nettoyage sous l’eau. Une fois changée, elle s’occupa de nettoyer ses affaires ainsi que celle de Sephiro qu’elle mit à sécher près de la cheminée. Elle regarda rapidement ce qu’il y avait à disposition dans la cuisine et lança une infusion, une fois tout prêt, elle s’installa dans l’un des fauteuils rembourrés disposés autour de la cheminée sa tasse bien serrée contre ses mains. Elle se détendit petit à petit en observant les flammes. Elle eut comme une étrange impression, comme si quelque chose titillait les limites de sa conscience. La jeune femme ne se focalisa pas dessus, laissant son esprit vagabonder où bon lui semblait.

***

Elle courait en riant, essayant d’échapper à son ami qui la poursuivait. Elena était heureuse d’avoir retrouvé son ami de la fête de l’hiver. Elle jouait avec lui rompant la solitude dans laquelle elle grandissait. Elle n’avait vu que rarement des enfants de son âge et cela lui manquait aussi. Même si elle adorait ses parents et leur enseignement, elle n’avait que rarement l’occasion de jouer avec des personnes de son âge, qui plus est, des enfants.

— Je vais t’avoir ! cria un jeune garçon aux cheveux noirs en se faufilant derrière lui.

— Pour ça il va falloir accélérer Sephiro ! cria Elena en riant.

— Hey ! Attends-moi ! cria le garçon en la voyant se faufiler dans le sous-bois.

— Non ! Il faut que tu m’attrapes.

— Mais tu triches tu connais par cœur ici !

Elena éclata de rire et s’arrêta, le souffle court d’avoir autant couru. Elle s’abaissa alors que son ami arriva et tenta de la toucher.

— Ratée ! dit-elle alors qu’elle s’écroulait au sol.

Sephiro se laissa tomber à côté d’elle et attrapa sa main,

— Je t’ai eu ! dit-il triomphant.

Les deux enfants éclatèrent de rire, ils reprirent leur souffle.

— Tu cours vite pour une fille, la taquina Sephiro.

— Et toi t’es lent pour un futur gardien ! lui répliqua-t-elle.

— J’ai à peine commencé mon entrainement ! dit-il d’un air bougon. Et puis d’abord, je n’étais pas à fond, et….

— Je te taquine, rit-elle, en plus j’ai fait exprès de t’emmener dans des endroits compliqués !

— Hey, mais ce n’est pas gentil ça !

— Au moins ça aura servi à ton entrainement.

— Oui c’est pas faux, dit Sephiro en souriant. Au moins mon maître ne dira pas que j’ai pris que du bon temps !

Elena hocha la tête et se redressa.

— Je dois y aller ! dit Elena en se relevant d’un bond. Mes parents m’appellent, il faut que j’y aille ! On se revoit bientôt !

— Euh d’accord, à plus tard, répondit le jeune Sephiro en se redressant et regardant son amie disparaître.

***

 Elena se redressa d’un bond faisant sursauter Sephiro qui rentrait. Un cri mourant sur ses lèvres.

— Elena ? Dis Sephiro en laissant tomber les lièvres au sol et se précipitant vers elle, tout va bien ? Tu as fait un cauchemar ? dit-il inquiet.

— Non, non, elle secoua la tête, je… j’ai eu un flashback, je crois…

— Oh ! C’était douloureux ?

— Non pourquoi ?

— Tu as crié.

— Ah bon ? Je ne m’en souviens pas…, mais ce dont je me souviens, c’est que nous nous sommes connus enfants, dit-elle de but en blanc.

Le regard de Sephiro cilla, et il eut l’impression qu’un pan entier de sa mémoire se déverrouillait. La lumière se fit dans son esprit alors que tous ses souvenirs lui revenaient. Comment avait-il pu l’oublier ? Il prit le visage que la jeune femme entre ses mains, comme s’il la retrouvait pour la première fois.

— Elena. Elena, dit-il en l’attirant contre lui. Je… je me souviens.

Son cœur battait la chamade, il n’arrivait pas à comprendre comment il avait pu oublier.

— Comment… ? Comment ai-je pu oublier ?

— Je ne sais pas… Pas plus que je ne comprends comment j’ai pu t’oublier moi aussi, ni même n’ai pas eu de souvenirs avant que ceux-ci me reviennent…

Sephiro caressa les joues d’Elena de ses pouces. Il avait l’impression de la redécouvrir.

— Est-ce que… est-ce que tu te souviens de notre adolescence… ? demanda Sephiro.

— Pas… pas vraiment, c’est flou, dit-elle, confuse. Je me souviens par bride. C’est très confus, dit la jeune femme.

— Il y a quelque chose que j’ai envie de faire depuis des semaines… souffle-t-il ?

— Quoi ? demanda la jeune femme en le regardant de ses yeux mauves.

Sephiro raffermit tendrement sa prise sur le visage d’Elena, glissant une main derrière sa nuque avant de l’embrasser. Il y eut comme une impression de lumière dans l’esprit d’Elena. La jeune femme glissa ses mains autour de la nuque de Sephiro, se rendant compte qu’elle attendait cet instant depuis son réveil. Elle rendit son baiser à Sephiro, le cœur battant ayant le sentiment d’être enfin à sa place. Des flashs de plus en plus rapides envahirent sa mémoire ; des souvenirs plus nombreux de leur enfance, de leurs jeux, à l’adolescence de leur entrainement. Sephiro s’affirmait en tant que Gardien et Elena s’entrainaient à ses à-côtés. Elle devenait aussi bonne que lui, et très adroite. Elle comprenait mieux d’où lui venaient tous ses réflexes et ce dont se souvenait son corps. Cela ne venait pas uniquement de ses parents. Elle ne se souvenait d’ailleurs toujours pas de ses parents. Elle se recula le souffle court et le cœur battant.

— Sephi… , murmure-t-elle.

Le gardien face à elle lui caressa la joue,

— Tu te sens comment ?

— Fatiguée, mais… heureuse. Et toi ?

— Heureux. Mais je pue le fennec, dit-il brisant leur instant d’intimité. Je vais aller me laver. On parlera après d’accord ?

Elena hocha la tête, se levant du fauteuil pour récupérer les lièvres que Sephiro avait réussi à attraper.

— Je m’occupe de préparer ça en attendant, dit Elena.

Tentant de garder une contenance perturbée. Un instant, elle avait eu l’impression d’être sur un nuage et le suivant de se prendre une douche froide. Avait-elle fait quelque chose de mal ?

 Sephiro s’éloigna, le cœur battant, le souffle court. Un mal de crâne le tenait comme si trop d’informations voulaient intégrer en même temps son cerveau. Il avait conscience de donner l’impression de passer du chaud au froid, mais, il n’était pas sûr de réussir à supporter plus. Il se déshabilla et se glissa sous l’eau de la douche. Il s’appuya des deux mains contre le mur face à lui. Secouant la tête, il voyait des étoiles, et des souvenirs très vifs lui revenaient. Cependant certains lui restaient fermés et il avait beau essayer, il n’arrivait pas à s’en souvenir ou faire sauter le verrou qui l’empêchait d’y accéder. Il leva la tête vers le jet d’eau, et la douleur reflua lentement. Il soupira d’aise, inspirant et expirant profondément jusqu’à se sentir apaiser. Il retrouva les idées claires, et sentit son cœur s’emballer. Elena. Il avait l’impression de sentir sa présence en lui. Elle lui paraissait inquiète. Il fronça les sourcils. Comment… ? Il termina sa douche rapidement avant de la rejoindre. Elle était occupée à préparer l’un des lièvres, mais son esprit paraissait ne pas être là.

— Elena ?

La jeune femme releva la tête.

— Tu te sens mieux ? demanda la jeune femme.

— Oui, désolé j’ai eu extrêmement mal à la tête…

— Oh, je comprends cela va mieux ?

— Oui, je crois que c’était un contre coup du blocage de mes souvenirs.

— Peut-être, je suis assez migraineuse depuis que je suis sortie du coma…, dit Elena continuant à préparer le lièvre.

Sephiro s’approcha et prit le couteau des mains d’Elena.

— Elena, regarde-moi.

Il attendit qu’elle le regarde avant de reprendre.

— Je suis désolé d’avoir été aussi changeant, je suis désolé de t’avoir oublié. Je…

Elena posa un doigt sur sa bouche.

— Tu n’y es pour rien, de ce que j’ai senti… Tu étais sous l’emprise d’un sortilège très puissant. Tu n’y es pour rien si tu m’avais oublié. Mais… pourquoi as-tu été aussi froid d’un coup ?

Sephiro se détendit,

— Le mal de tête… et la confusion. J’étais très confus et… tu me fais ressentir des choses que je n’aurais jamais cru ressentir à nouveau un jour…

— Comment ça ? demanda Elena.

— Un jour tu as disparu, tu n’es plus venu à nos rendez-vous… et je t’ai oublié. Je ne sais pas comment ni pourquoi.

— Jusque la clairière ?

— Jusque la clairière et aujourd’hui que mes souvenirs reviennent.

Elena regarda Sephiro,

— Je n’ai pas les réponses aux questions que tu te poses, j’espère les avoir un jour.

— On trouvera les réponses Elena. Un jour, profitons juste de l’instant présent.

Elena sourit doucement. Sephiro l’aida et ils préparent le repas ensemble avant de déjeuner paisiblement. Ce temps calme et de repos leur fit un bien fou.

 Elena profitait du feu de cheminée ronflant, essayant de démêler ses pensées. Sephiro était ressorti prendre l’air, il n’arrivait pas à rester en place dans la maison, mais cela ne surprenait pas la jeune femme. Il avait toujours été comme ça. Il était rarement capable de rester en place, même épuisé, si le soleil n’était pas couché il ne savait pas se reposer. Elle était comme ça avant. Avant d’être plongé dans ce sommeil artificiel. Elle se leva et s’approcha de la fenêtre de l’arbre maison. Dehors, le jour déclinait et de fins flocons de neige s’étaient mis à tomber, recouvrant petit à petit le paysage d’un blanc duveteux. La jeune femme posa sa main sur la vitre, celle-ci se couvrant lentement de givre au contact de ses doigts. Elle retira sa main, et le givre s’effaça. Elle fronça les sourcils, perplexe. Elle reposa à nouveau sa main et le givre reparut sur la vitre, formant de belles arabesques. La jeune femme s’introspecta, que lui arrivait-il ? Elle sentit un éveil en elle, comme une vague qui gonflait. Elle ne la laissa pas cette vague gonflée et la laissa filtrer lentement. Un mince filet de glace glissa de son doigt, créant une nouvelle arabesque sur la vitre. Un dessin sorti purement et simplement de ses souvenirs se dessina sur la vitre. Elena se concentra sur le dessin et au moment où elle retira son doigt celui-ci ne s’effaça pas. Un mince sourire étira ses lèvres, et elle testa différentes choses. Elle venait de retrouver un pouvoir : elle manipulait les éléments et pas seulement la glace comme elle avait pu le penser au départ. Elle enfila son manteau et descendit devant l’arbre-maison. Testant différentes choses. Elle se rendit compte qu’elle pouvait influer sur la météo, mais aussi les plantes, les invitant à pousser alors même que les conditions n’étaient pas réunies pour elle. Cela leur aurait été bien utile durant le voyage qu’elle redécouvre ce pouvoir ! Ce pouvoir allait plus loin qu’une simple manipulation des éléments. Mais surtout elle comprit quelque chose de fondamental sur ses pouvoirs : il venait directement de la magie qui circulait dans leur monde. Elle ne soumettait ou n’empruntait pas à la magie comme les autres pouvaient le faire. La magie se donnait directement à elle, elle était même intimement liée à elle. Elena se sentait connecté à la Magie, comme-ci… Comme-ci Elena prenait source dans la magie, en était issue. Mais c’était insensé ! Seuls Morgane et Merlin prenaient leur source dans la magie, et ils avaient disparu depuis des siècles ! Tous payaient le prix de la magie, certains directement en énergie, d’autres en devant se rendre à elle, rejoindre son sein pour payer leur dette. Voilà pourquoi utiliser la magie n’était pas aisée. Elle avait un coup pour certains plus que d’autres. Il fallait l’utiliser à la fois avec respect, mais aussi parcimonie, une utilisation insensée et incontrôlée de la magie coutait la vie. Nombre des héros de leur histoire en avaient fait les frais et s’étaient sacrifiés pour protéger un grand nombre. Elena fit donc différents essais, profitant de son influence sur les plantes pour en faire pousser pour leurs prochains repas. Elle était occupée à tester différentes choses avec sa magie tout en s’entrainant au combat… Sephiro revint… Il fut surpris de voir Elena dehors alors qu’il lui avait explicitement demandé de se reposer ce jour-là. En la voyant manipuler la magie, il resta ébahi. Avait-elle réellement une épée de glace couverte de ronce ? Il cligna des yeux surpris sans pour autant manifester sa présence observant la jeune femme exécuter attaques et parades à l’aide de son arme de glace. Il se recula suffisamment rapidement pour éviter le coup que lui lançait Elena.

— C’est malpoli de m’observer sans t’annoncer, souffla-t-elle.

— Tu étais bien trop concentré pour que je n’ose t’interrompre, dit Sephiro en repoussant lentement la pointe de lame qui menaçait son cou, comment as-tu fait ça ?

— J’ai retrouvé certains pouvoirs, notamment celui de manipuler les éléments et la nature, il suffit que j’y pense pour que cela change, je peux même influencer la météo, les plantes…

— Intéressant, cela pourrait nous être très utile pour la suite du trajet.

— Je crois aussi, tu as trouvé quelque chose ?

— Pas vraiment, heureusement qu’il reste du lapin de ce midi.

— Oui, et j’ai des légumes pour l’accompagner, quelques pommes de terre et carottes.

— Bonne nouvelle alors, dit-il amusé. Tu veux encore t’entrainer ?

— Pas vraiment, il commence à faire vraiment noir, on ferait mieux de remonter, surtout si nous repartons demain de bonne heure, une vraie nuit de sommeil ne nous fera pas de mal.

Sephiro approuva, l’idée de dormir sans avoir à faire le guet lui plaisait énormément. La soirée se déroula le plus simplement du monde, de petites attentions tendres se glissant parfois entre eux. Alors qu’Elena s’occupa de préparer une infusion, Sephiro se glissa dans son dos, l’enlaçant.

— Elena, il faut que je te dise quelque chose.

— Oui ? dit la jeune femme le cœur battant, sentant une tension supplémentaire l’envahir.

— Je t’apprécie vraiment beaucoup… Tu comptes énormément pour moi et… je n’ai aucune envie de te perdre, dit-il en enfouissant son visage dans la nuque de la jeune femme.

— Tu ne me perdras pas Sephi… Et tu comptes énormément pour moi aussi, dit la jeune femme avec appréhension, avec toi je me sens…

— Complet, compléta Sephiro, comme si….

— Comme si on était les deux pièces d’un puzzle, répondit la jeune femme en se tournant vers lui, je ne me souviens pas de tout, mais je sais que ce sentiment, cette impression je l’ai depuis notre enfance. Avec toi je me sens entière, à ma place, et je sais que peu importe ce qu’il se passera… on sera toujours là l’un pour l’autre.

Sephiro replaça une mèche de cheveux derrière l’oreille de la jeune femme,

— Il en va de même pour moi, j’étais perdu sans toi. J’avais le sentiment qu’il me manquait quelque chose d’essentiel, mais c’était quelqu’un, c’était toi.

Il se pencha vers elle,

— Je ne veux plus jamais te perdre, murmura-t-il avant de l’embrasser à nouveau.

Ce fut comme un millier d’étoiles filantes, le couple eut l’impression d’être en phase, que leurs âmes raisonnaient ensemble. Ils s’écartèrent pour reprendre leur souffle, les yeux brillants et les joues rouges. La bouilloire siffla derrière eux, brisant cet instant et Sephiro éteignit le feu. Il avait envie de plus, plus que de goûter simplement aux lèvres sucrées d’Elena en la serrant contre lui… Il avait envie de découvrir chaque parcelle de son corps, mais… était-elle prête pour cela ? Comme lisant dans ses pensées, la jeune femme dit en posant une main sur sa joue,

— J’ai besoin de temps…, murmura la jeune femme.

— J’attendrais, lui dit Sephiro en posant son front contre le sien, le temps qu’il faudra.

 Elena lui volant un baiser avant de se détourner et leur servir une tasse de thé. Ils discutèrent, évoquant des souvenirs communs de leur enfance. Au moment du coucher, Elena prit la main de Sephiro et l’attira dans la chambre. Hors de questions qu’il dorme sur le canapé alors qu’un grand lit double occupait la chambre… et elle ne voulait pas être séparé de lui. Elle s’endormit, lové contre lui bercer par ses caresses dans ses cheveux et son odeur.

***

 Le voyage de Lara touchait quasiment à sa fin. Elle s’était téléportée autant que possible et aussi près qu’elle l’osait de l’académie des druides. Restait maintenant à réussir à y entrer. Elle avait beau avoir retourné le problème dans sa tête, elle n’avait d’autres choix que de passer par la grande porte. Elle espérait simplement qu’ils seraient ouverts à sa requête. La jeune femme s’avança devant la lourde porte de chêne qui fermait le domaine. Elle inspira avant de poser sa main contre celle-ci et insufflant de la magie tout en formulant sa requête. Elle répéta trois fois, comme le voulait la coutume, puis retira sa main et attendit. Elle attendit longtemps, un moment qui lui parut infiniment long. Finalement, la lourde porte s’ouvrit dans un bruit de gond épouvantable, révélant lentement devant les yeux de Lara les somptueux jardins de l’académie. Un homme sans âge l’attendait derrière celle-ci.

— Venez, le conseil vous attend, dit l’homme avant de s’éloigner sans attendre la jeune femme.

 Le soulagement peignit les traits de Lara qui emboitant le pas de l’homme, trop heureuse de pouvoir entrer et ne se questionnant pas sur la raison pour laquelle le conseil des druides souhaitait la voir…

***

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