Chapitre 12
Elena et Sephiro étaient dans leur lit. Sephiro jouait doucement avec ses cheveux, les caressant avec tendresse. Il attendait. Ils n’avaient pas trouvé Lara de la journée, et personne ne semblait l’avoir vu depuis la veille. Cela semblait troubler fortement Elena. Il voyait ses pensées se bousculer derrière ses yeux violets.
— Elle a dû faire quelque chose ou sortir se promener, tu la connais, elle est assez solitaire malgré son côté excentrique.
Elle hocha la tête. Avant de prendre son souffle.
— Mes parents…
— Tu n’es pas obligé de m’en parler si tu n’en pas envie.
— J’en ai envie, dit-elle s’installant plus confortablement contre lui. Leur relation était complexe, mais profondément passionnée et intense. Ils s’aimaient et se déchiraient souvent lorsque j’étais petite… mais mon père m’avait raconté comment elle était avant… Comment ils s’étaient connus.
Le regard d’Elena se voila tandis qu’elle replongeait dans ses souvenirs tout en racontant l’histoire de ses parents.
Merlin avait connu Morgane alors qu’ils étaient tout jeunes. Ils avaient grandi et s’étaient formés ensemble parmi les elfes. Ils étaient les seuls humains, ou plutôt le seul semi-elfe et la seule sang-mêlé. Morgane était mi-elfe, mi-fée. Mais, au premier regard, ils avaient su. Ils avaient su qu’ils passeraient leur vie ensemble et s’aimeraient jusqu’à la fin. Merlin et Morgane avaient des pouvoirs similaires et en même temps complémentaire. Morgane était une puissante empathe, et la moindre souffrance, de n’importe quel être vivant, elle la ressentait comme la sienne. Elle dut apprendre à se protéger et ce n’est qu’avec l’aide de Merlin qu’elle y parvint… Cela fut presque trop tard, cela avait profondément affecté son caractère et sa façon de percevoir les autres êtres vivants. Surtout les non magiques, qui pour beaucoup ne respectaient rien. Elle n’hésitait donc pas à rendre la pareille à tous ceux qui faisait souffrir, l’adage œil pour œil, dent pour dent, était respecté à son extrême. Cela fut nombres de conflits entre Merlin et elle, mais jamais cela n’entacha leur amour.
Tous les pensaient ennemis, car leurs disputes étaient parfois violentes et mémorables, personne ne sut jamais la vérité. Aucun de ceux qui connaissaient Merlin et Morgane, leur légende, ne sut qu’ils étaient âme-sœur, que leur destin était lié, et que l’équilibre du monde reposait sur leur entente ou mésentente. Ni que le fruit de leur amour se concrétiserait un jour. Personne sauf Elena, puis les druides à qui Morgane confia le grimoire. Elena lui parla de son enfance, des façons dont ses parents l’avaient élevé lui apprenant que chaque vie était unique et importante. À toujours faire, ce qui était juste même si l’avis des autres paraissait indiquer le contraire, mais de surtout, respecter la nature, elle savait ce qui était bon pour elle et pour ces habitants. Ils lui enseignèrent que la magie avait sa volonté propre, qu’ils n’étaient qu’un moyen pour elle de s’exprimer, et c’était pour cela que leurs pouvoirs n’étaient pas limités comme d’autres : ils étaient issus, et nés de la magie même. Elle choisissait parfois des réceptacles… Ils pouvaient alors accomplir de grande chose en Bien ou en Mal. Être aux services de la Lumière ou des Ténèbres. Mais il fallait qu’ils soient toujours en raccord avec eux-mêmes.
Sephiro la questionna sur la relation de Morgane et Merlin, ayant du mal à comprendre comment ils pouvaient vivre et évoluer ensemble. Elena sourit en repensant à ça. Elle expliqua alors, qu’ils vivaient ensemble, évoluaient ensemble, mais que bien souvent sa mère avait besoin de s’isoler. De par son empathie très forte, elle arrivait bien souvent à saturation, d’autant plus avec la santé fragile d’Elena. Étant sa fille, elle était bien plus sensible à ce qu’elle ressentait, car son instinct maternel la poussait à s’enquérir quasi continuellement de son état. Elena l’avait compris seulement récemment, petite elle expliqua qu’elle avait l’impression que sa mère la fuyait, surtout quand elle était malade ou se blessait. Mais elle comprenait maintenant pourquoi, l’empathie de sa mère était trop forte pour qu’elle supporte les simples douleurs de sa fille. Elle était aussi très exigeante. Elle ne laissait rien passer à sa fille, elle sentait qu’elle serait aussi puissante, plus même que son compagnon et elle, il fallait qu’elle apprenne à contrôler la dualité qui faisait d’elle qui elle était. Elle ajouta que c’était majoritairement son père qui l’avait élevé à cause de cela et que par conséquent, chaque petit moment passé avec sa mère était pour elle un moment de pur bonheur, même si, c’était simplement pour son entrainement, physique, magique et alchimique. Elle n’avait que peu de souvenirs de sa mère qui lui contait des histoires, ou la berçait pour l’endormir. Son père avait été bien plus présent que Morgane. Mais, Merlin n’était pas en reste, même s’il aimait tendrement sa fille, il savait le destin qui l’attendait et pour cela il était bien plus strict avec elle. Même s’il prenait plus en compte que leur fille restait une enfant et sa santé fragile, il ne lui laissait passer aucune erreur. La faisant recommencer parfois les mêmes sortilèges, les mêmes mouvements, des centaines, des milliers de fois jusqu’à ce qu’ils deviennent aussi naturels que respirer. Il avait conscience que lorsque le temps serait venu, Elena aurait besoin de toutes ses connaissances, de tout ce que ses parents lui avaient enseigné. Leur monde allait connaître des périodes extrêmement troublées. L’harmonie basculait déjà lentement, ils n’allaient bientôt plus pouvoir vivre aux grands jours comme aujourd’hui. Il avait peur pour leur fille, elle allait rester si longtemps seule avant de trouver enfin son âme-sœur ! Il espérait que le sort qu’il tissait depuis des semaines sur la fillette fonctionnerait correctement.
Tout cela Elena le raconta, il l’avait écrit dans le grimoire, de façon à ce que seule sa fille puisse le comprendre. La page avait été vierge jusqu’à ce qu’elle la touche, alors seulement l’écrit s’était révélé. Elle avait reconnu l’écriture ronde et soignée de son père. Les larmes lui étaient montées aux yeux alors qu’il lui demandait de le pardonner pour ce qu’il avait fait. Elle garda cette partie du pardon pour elle, Sephiro ne comprendrait pas. Il avait déjà du mal à comprendre la magie qui avait permis à Elena de vieillir à la fois dans son époque et la leur. Elena avait du mal à percevoir et comprendre toutes les nuances du sortilège de son père, mais elle comprenait que si la Magie avait trouvé cela contre nature, le sort n’aurait pas fonctionné et elle serait morte. Elle n’aurait pas survécu aux années. Sa mère aussi avait écrit quelques mots à son intention, mais elle les garda pour elle. Elle ne se sentait pas encore prête à partager ce secret avec lui. Elle avait peur de le faire fuir si elle lui expliquait qu’une autre facette d’elle appartenant purement aux Ténèbres luttait constamment avec la partie lumineuse qu’elle laissait voir. Que cette fracture en elle n’existait pas autant lorsqu’elle était enfant, tout du moins, elle n’en avait pas le souvenir. Elle observa Sephiro qui se tenait silencieux face à elle. Il semblait très pensif.
— Tout va bien ? demanda Elena qui le trouvait silencieux depuis bien longtemps.
— Disons que cela change tout ce que je connaissais ou pensait connaître de la légende de Merlin et Morgane. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils puissent être amants.... Mais encore moins qu’ils seraient tes parents. Égoïstement... je suis heureux qu’ils aient fait ce qu’ils aient fait et de t’avoir avec moi.
— Comment cela ?
— Je n’aurais jamais pu te connaître, ni même te rencontrer s’ils ne t’avaient pas figée dans le temps pour te conduire jusqu’à moi... J’aurais sûrement passé ma vie à te chercher, souffla-t-il.
— Sephiro... murmura-t-elle en posant une main sur sa joue.
— Elena, je le sais, je sens au fond de moi. Tu es celle auprès de qui je veux et vais passer ma vie si tu veux de moi. Jamais je ne pourrais te laisser, je préférais mourir plutôt que de t’abandonner ou te perdre à nouveau. Je le sens, tu es celle qui m’est destiné Elena.
— Oui, Sephiro. Je sais. Nous sommes...
— âmes sœurs, dit-il en même temps qu’elle, scrutant son regard.
La jeune femme prit son visage dans ses mains avant de l’embrasser passionnément. Même s’il y avait certaines choses qu’elle ne se sentait pas prête à lui dire.... Elle se sentait prête à lui en offrir d’autres. Cette nuit-là, ils furent plus proches que jamais. C’est étroitement enlacé que le couple s’endormit d’un sommeil profond et réparateur.
***
Un bruit épouvantable réveilla toute l’académie, suivie de cris et de hurlements. Une alarme raisonna dans tous les bâtiments alors que la voix de Ceylane s’élevait dans toutes les pièces, se répétant en boucle.
— Nous sommes attaqués, protégés les plus jeunes. Suivez les consignes d’évacuations pour nos plus fragiles. Les guerriers doivent se rendre porte Nord pour nous aider à contenir l’attaque.
Elena et Sephiro bondirent leur lit, le regard encore embrumé de sommeil, mais sautant avec la rapidité dans leurs habits, récupérant leurs armes avant de courir porte nord. L’entrée Nord, était la seconde entrée, permettant au Territoire du Nord d’entrer dans l’Académie. Ils ne savaient pas qui osait l’attaquer, mais ces personnes s’attaquaient à un lieu sacré, ils allaient en payer le prix. En arrivant sur place, c’était le chaos. Des sorts étaient lancés en tous sens, des bruits d’épée, et l’odeur du sang saturait déjà l’air ambiant. Elena et Sephiro s’avancèrent côte à côte, se frayant un chemin au travers des corps qui s’entassaient déjà. Comment cela avait-il pu arriver en aussi peu de temps ? Ils ne tardèrent pas à le découvrir. Une horde de loup-garou attaquait l’académie. Les bêtes féroces fondaient sur les druides leur déchiquetant la gorge avant de passer au suivant. C’était une mort atroce et douloureuse, mais toujours préférable à l’infection qu’ils les contamineraient à coup sûr s’ils n’étaient que griffés ou mordus. Elena et Sephiro dégainèrent leurs armes d’un même mouvement, et se jetèrent dans la mêlée. Hors de questions qu’ils laissent les druides ainsi. Une voix s’éleva alors, surpassant le brouhaha de la bataille.
— Donnez-nous Elena Caerfyrddin. Donnez-la-nous et vous serez épargnés, résistez et vous serez tous décimés.
Le cœur d’Elena se glaça. Cette voix. Non, c’était impossible. Elle croisa le regard de Sephiro, le visage éclaboussé du sang des loup-garou qu’ils venaient d’abattre, lui renvoya la même peur. D’un même mouvement, ils s’accordèrent et tentèrent de se frayer un chemin vers la porte qui avait été forcée. La peur les tenait, ils ne voulaient pas croire qu’ils avaient bien reconnu la voix qui menaçait l’académie. Ils se battirent, leur visage et vêtement se couvrant petit à petit de sang, la terre sous leur pied se gorgeant du liquide vital des âmes qui tombaient sur elle. Ils finirent par arriver à la porte et une nouvelle vision d’horreur s’offrir à leurs yeux. Des Morganiens. Des Morganiens attaquaient l’Académie et parmi eux, se battant comme une lionne contre ceux qui les avait accueillis : Lara. Elena et Sephiro se figèrent. Pourquoi ? Pourquoi se battait-elle avec des Morganiens ? Sans même se consulter du regard, le couple fonça dans la mêlée, utilisant pouvoirs et armes pour arriver jusque Lara. Ils la menacèrent alors de la pointe de leur arme.
— Pourquoi ?! demandèrent-ils d’une même voix.
Lara se tourna vers eux, le visage tordu en un rictus empli de haine.
— Parce qu’elle est celle que nous cherchions, elle est l’enfant de la prophétie ! cracha-t-elle, rends-toi petit oiseau, ou nous anéantirons tout de cette académie pourrie jusqu’à la moelle.
Elena sentit la colère s’emparer d’elle. Elle mentait ? Elle avait menti sur qui elle était depuis le début ?!
— Tu nous as menti depuis le début n’est-ce pas ? demanda-t-elle, ne voulant pas y croire. Elle sentait gonfler en elle, la part de Ténèbres.
— C’est un bien grand mot, disons que... je vous espionnais. Je récoltais toutes les informations qui pouvaient s’avérer utiles... Ou je vous amenais là où l’on voulait que vous alliez... Les vampires ont bien joué leurs rôles, ils étaient parfaits....
Un cri de rage s’échappa de la bouche d’Elena qui attaqua Lara. Cette dernière para sans difficulté les attaques simultanées de Sephiro et Elena.
— Depuis combien de temps ?! cracha Sephiro, depuis combien de temps mens-tu au clan ?
— Depuis le début, vous ne m’avez jamais connue telle que je suis, je n’ai jamais été moi-même avec vous, rit-elle avec délice.
Elle se réjouissait de ce coup, ils étaient détruits, ils n’allaient donc plus lutter et elle et son groupe pourraient enlever Elena sans aucune résistance. Elle allait ramener l’enfant de la prophétie à son chef et il la soumettrait pour qu’elle exécute leurs ordres. Lara, elle, retrouverait son rang, retrouverait son clan, mais surtout... surtout pourrait se venger des non magiques.
— Toute cette histoire... murmura Elena, ne pouvant y croire, ton âme-sœur...
— Ça, c’était vrai ! cria Lara, il a été tué par des non magiques, mais bientôt il sera vengé... leur règne et leurs lois absurdes seront abolis.... Ils payeront tous. Et tu vas nous y aider. Tu n’auras pas le choix. EMPARREZ-VOUS D’ELLE ! hurla Lara en désignant Elena à ses acolytes.
Sephiro attrapa Elena par le bras et fit demi-tour. L’adrénaline parcourrait leur veine, Elena suivit son amant, courant aussi vite que jamais. Après tout, leur vie en dépendait. Elena refusait catégoriquement de les aider à anéantir une autre espèce, un autre peuple. Cela n’était pas elle. Mais elle est surtout contente de s’éloigner aussi de Lara, elle aurait pu perdre complètement le contrôle d’elle-même et la partie Ténébreuse détruire tout sur son passage. Elle ne voulait pas que cela refasse comme avec les vampires. Elle comprenait maintenant que tout ce qu’ils leur étaient arrivés, chaque incident était du fait de Lara. Du clan Morganiens auquel elle appartenait réellement. Ils s’échappèrent du champ de bataille non sans heurt, ils défendirent chèrement leur peau avant de finir par réussir à atteindre le hall d’entrée de l’académie. Ceylane était là, orchestrant l’évacuation des plus jeunes et fragiles.
— Par Merlin ! Vous voilà ! Récupérez vos affaires et fuyez ! dit-elle en désignant leurs affaires empaquetées à la hâte, ils n’arrêteront pas avant de vous avoir eu. Partez, sauvez-vous !
— Mais et vous ? Et l’académie ?
— Nous nous en sortirons, fuyez, vous êtes bien plus importante que de vieilles pierres et bâtisses que nous pouvons reconstruire ! les pressa la druidesse.
Sephiro attrapa leurs sacs de voyage puis prit la main d’Elena
— Merci pour tout, que Merlin et Morgane vous protègent...
— Qu’ils guident vos pas jusqu’à un lieu sûr... dit la druidesse, fuyez.
Et ils s’enfuirent sans avoir une idée de l’issue de cette bataille, sans savoir si jamais ils reverront Ceylane et les siens. Elena espéra de tout cœur qu’ils s’en sortiraient et qu’ils pourraient reconstruire.
— Où allons-nous ? Demanda Elena le souffle court.
— Dans le Clan Merlinois le plus proche, nous devons les prévenir de ce qu’ils se trament et contacter au plus vite Magnus pour lui expliquer. Suis-moi, ne cherche pas à te cacher, nous devons allez le plus vite possible !
L’urgence s’entendait dans la voix de Sephiro, c’était la première fois qu’il faisait face à une attaque de cette ampleur. Il n’arrivait pas à croire que depuis le début Lara leur mentait et les menait tous par le bout du nez. Comment avaient-ils pu tous se laisser berner ainsi ? Comment n’avaient-ils pas pu la percer à jour ? Elle avait tout de même réussi à se faire accepter pendant des années par un clan merlinois entier, sans jamais n’être inquiétée ! Elle avait tout de même réussi un tour de force : à aucun moment, on ne l’avait soupçonnée d’être une morganienne, elle n’avait jamais utilisé de magie qui n’était pas commune à leurs deux branches. Pendant des années, elle avait modifié aussi son apparence. Ses yeux n’étaient pas vairons comme il avait pu le constater, cela avait dû lui demander un effort magique constant, mais que personne n’avait jamais détecté. Tout cela, il le pensa durant leur fuite. Ils sortirent par la porte Ouest, rejoignant aux plus vites le territoire Merlinois qui commençait à quelques mètres de là. Elena, elle préféra se concentrer sur ses pas et sa respiration, elle savait que si elle se mettait à penser à Lara et sa trahison, maintenant que la surprise et la colère étaient retombées... Elle pleurait. Elle perdait sa première amie au sein du Clan. Elle perdait une personne en qui elle avait eu une confiance aveugle. Elle lutta, refoulant les émotions qui l’assaillait, se concentrant sur le sol irrégulier et piégeux que cachait la couche de neige qui recouvrait tout. Après une course qui leur parut interminable, Sephiro réussit à les amener aux portes du Clan Sylvestre qui habitait là. Il cria de leur ouvrir, invoquant la paix des clans et l’attaque de l’académie des Druides. À ces mots, les portes s’ouvrirent et les visages effarés de deux gardes leur fit face.
— Prévenez votre chef, il faut envoyer des hommes, des morganiens attaquent l’Académie, aidé par des loup-garou. Ils se font massacrer.
L’un des deux gardes partis en courant tandis que l’autre faisait entrer Sephiro et Elena avant de refermer derrière eux et de sonner l’alarme, une corne de brume gigantesque qui raisonna dans tout le village. Le branle-bas de combat était donné. Très rapidement, Sephiro fit un point de la situation aux chefs des Gardiens de ce Clan, et en une petite demi-heure, un déploiement parti pour porter secours à l’Académie... avec l’espoir de sauver quelques-uns des leurs. Sephiro et Elena furent pour leur part conduits au chef. Celui pâli en les voyant entrer couverts de sang.
— Par les Dieux... que s’était-il passé ? On m’a fait le rapport que l’Académie était attaqué ? Qui a osé ? demanda le vieil homme qui siégeait là en se redressant.
— Un clan Morganien, nous ne savons pas lequel.
— Que veulent-ils ? Pourquoi maintenant ?
— C’est moi qu’ils veulent, dit Elena en faisant un pas en avant, saluant d’une main sur le cœur le chef du clan.
— Qui êtes-vous ?
— Je suis Elena Caerfyrddin, fille de Merlin et Morgane, enfant de la prophétie...
Le visage du chef pâlit plus encore. Il ne s’attendait pas à cela. Il se rassit et leur demanda de raconter ce qu’il s’était passé. Ce que firent Elena et Sephiro du mieux qu’ils purent. On leur apporta des sièges. Cela prit beaucoup plus de temps que ce qu’ils pensaient. Une fois cela fait, Sephiro demanda l’autorisation d’utiliser le réseau magique d’urgence pour prévenir son propre Clan de ce qu’il se passait et de la trahison de Lara. Le chef accéda à la requête, et offrit de leur mettre une chambre à disposition. Ils acceptèrent. Pendant qu’un apprenti guidait Sephiro jusqu’à la chambre permettant d’envoyer des messages magiques, Elena fut conduite par le chef en personne vers leur chambre.
— Ainsi vous êtes l’enfant de la prophétie, l’enfant des deux Grands... je suis honoré de vous rencontrer, même s’il aurait été plus agréables de faire votre connaissance en d’autres circonstances.
— J’aurais préféré aussi, dit Elena d’un air sombre, malheureusement nous ne choisissons que rarement nos moments.
— Oui, tenez c’est ici, vous avez accès à la salle d’eau, je vous fais portez des vêtements propres pour vous et Sephiro, ainsi qu’un vrai repas. Je vous tiendrais informé du retour de nos guerriers. J’aurais plaisir à prendre un dîner avec vous... mais un autre jour, je dois me préparer à ce qui survient.
— Merci pour votre accueil et votre gentillesse, si vous nous le permettez, nous mettrons nos bras et magie à votre disposition tant que vous nous accueillerez, nous sommes Gardiens avant toute chose mon compagnon et moi, répondit l’argenté.
— Prenez un peu de repos tant que vous le pouvez encore mon enfant, des jours sombres arrivent, dit-il avant de la laisser sur ses mots.
Malgré son apparence de vieillard, il était encore vif et en bonne condition physique. Elena adressa une prière à tous les dieux et déesses pour qu’ils protègent son clan et celui qui les accueillait, mais aussi l’Académie et ses habitants.
Après s’être douchée et changée, Elena attendit Sephiro buvant un peu d’eau que lui avait apportée un membre du clan et nettoyant ses armes. Il arriva quelques instants plus tard, les traits tirés.
— Ça y est, Magnus est prévenu. Ils nous envoient des guerriers pour ta sécurité et pour aider l’Académie. Il lance aussi une alerte depuis chez nous pour protéger notre emplacement pour qu’un maximum de magique se rallient à nous et te protègent... mais aussi prévenir que l’Académie est tombée. Ils pourront aussi aider à la reconstruction.
— Bien... Va te doucher, cela te fera du bien, nous discuterons de la suite après, j’ai offert nos armes et pouvoirs pour aider ici tant que nous serons présents. Brivael les a acceptés avec soulagement, je crois.
— Tu as bien fait, dit-il en la regardant avec tendresse, je t’aurais bien embrassé, mais je me sens trop poisse pour ça.
Elena rit avant de le pousser gentiment vers la salle d’eau puis de lui poser des vêtements propres sur le tabouret de la pièce et de l’aider à se déshabiller. Le sang séché n’aidait pas. Elle récupéra aussi ses armes et se chargea de les nettoyer comme elle l’avait fait pour les siennes. En entendant Sephiro se rhabiller, elle lui servit un peu de vin avant de se servit elle-même.
— Merci, lui dit son compagnon en l’enlaçant et embrassant tendrement sa nuque, à la fois pour mes armes et pour le vin.
— C’est la moindre des choses. As-tu faim ? J’ai reculé le repas que nous proposait Brivael, il devrait arriver bientôt, mais si tu as trop faim je peux aller chercher quelqu’un pour qu’on nous l’apporte.
— Non, ne n’inquiète pas cela ira, je peux attendre si tu le peux, dit-il en s’asseyant et attirant Elena contre lui. Comment tu sens ?
— En colère, trahie... et triste... et toi ?
— Idem... mais ce n’est pas la première trahison à laquelle j’ai affaire... Je sais que Lara comptait beaucoup pour toi.
— Oui... j’ai du mal à y croire... Je n’arrive pas à y croire...
On frappa à la porte à cet instant
— Bonsoir, pardonnez-moi de vous déranger, mais, Brivael vous fait mander, les guerriers sont revenus...
— Nous vous suivons, dirent Elena et Sephiro avant de boire leur verre de vin d’un coup, comme pour se donner du courage pour ce qui les attendait pour la suite.
Ce qui les attendait, ils étaient loin d’y être préparés. La Gardienne qui faisait face à son chef Brivael était en piteux état, un bras en échappe et un linge couvrant l’une de ses oreilles qui semblait manquante. Elena retint un mouvement de recul en la voyant, finalement heureusement qu’ils n’avaient pas encore dîné... Brivael leur fit signe d’approcher, leur présentant brièvement la guerrière nommée Artifia. Elle raconta ce qu’ils avaient découvert en arrivant. Un champ de bataille sanglant, des druides et druidesses en piteux état, et un combat qui faisait rage. Une partie des guerriers avaient aidé les druides, druidesses et novices à évacuer. Les autres avaient fait de leur mieux pour retenir les loup-garou et morganiens qui attaquaient. Ils avaient réussi à leur donner assez de temps pour que tous ceux qui le devaient s’échappent et partent, certains avaient même rejoint directement le clan Merlinois. Brivael hocha la tête.
— Nos guérisseurs s’occupent d’eux, heureusement que certains des leurs sont suffisamment sur pieds pour nous aider. Poursuivez, l’invita le chef.
— Les Morganiens ont finalement fait demi-tour en voyant que ce qu’ils cherchaient n’était plus là. Mais l’Académie… Elle est détruite, il faudra des semaines mêmes à l’aide la magie pour lui rendre sa gloire d’antan et de surtout renouveler les sorts de protections qui protégeaient cette terre sacrée…
— Nous reconstruirons… Avez-vous envoyé des nôtres sur la piste de ces morganiens ? Savoir qui a orchestré cette attaque.
— Non, personne n’était en état pour les suivre… j’ai seulement pu lancer un sort de traçage, mais je doute qu’il soit suffisamment puissant, il ne sera pas indétectable non plus.
— Bien, cela leur laissera tout de même croire que nous sommes à leur trousse… Peut-être commettront-ils alors des erreurs que nous pourrons trouver. Va te faire soigner plus que cela et repose-toi Artifia. Tu l’as plus que méritée.
Artifia salua son chef avant de partir en boitant.
— Par les dieux, soupira Brivael en s’asseyent, ce n’est vraiment plus de mon âge ces guerres….
Il secoua la tête, avant de reprendre,
— Une bonne partie des druides et novices sont arrivés ici, l’autre partie à souhaiter poursuivre plus loin, car elle le pouvait par sécurité. Ils ne voulaient pas prendre le risque d’être tous aux mêmes endroits.
— Ce qui se comprend, dit Sephiro.
— Parfaitement, confirma le vieil homme, quelles sont les nouvelles de Magnus ?
— Ils envoient des guerriers tant pour notre protection que pour aider les druides. Nous ne pourrons pas rester ici éternellement. Les nôtres devraient arriver d’ici trois jours.
— Si vite ?
— Ils utiliseront les portails pour être plus rapides, la vitesse est notre seule chance ici…
Le chef hocha la tête.
— Vous êtes des nôtres le temps qu’il faudra, mais nous devons nous préparer à une guerre. Je pense que ces Morganiens ne s’arrêteront pas avant de vous avoir trouver et capturer jeune fille.
— Oui, nous n’abuserons pas plus que nécessaire de votre hospitalité, je refuse de mettre les vôtres en danger.
— Nous sommes habitués au danger, nous autres les vieillards, mais je suis las des guerres, et nombre des miens n’en ont pas connu… Allez-vous reposez, vous restaurez je crois savoir que nous n’avez pas encore mangé.
Elena et Sephiro remercièrent le doyen, puis prirent congé, retournant dans leur appartement, arrivant en même temps que leur dîner. La soirée se déroula comme dans un rêve, la fatigue leur tombait dessus en même temps que l’adrénaline retombait. C’est épuisé qu’ils s’endormirent… et que leurs trois longs jours d’attentes commencèrent.
***
Au bout de trois jours, les guerriers qu’avait envoyés Magnus arrivèrent comme promis. Ils se répartirent rapidement les tâches. La rapidité et la discrétion étant de mise pour Elena et Sephiro, ils insistèrent pour que seulement trois les accompagnent. Au-delà, ils seraient à la fois trop lents et trop visibles. La quarantaine d’autres venue resterait pour aider les druides à reconstruire, mais aussi les protéger. Beaucoup de choses allaient changer. Cela Elena en était sûre et jamais plus l’Académie des druides ne se serait emplie que de non-combattants. Ils ne se reposeraient plus sur le fait que le lieu était sacré et un sanctuaire pour tous les peuples. Un lourd et grand changement commençait, leur monde ne serait plus le même après les prochains évènements. En bien ou en mal ? Personne ne pouvait le dire. Elena termina de boucler son sac. Ils avaient laissé deux jours aux guerriers qui allaient les accompagner pour récupérer. Leur voyage prendrait plusieurs semaines, ils allaient errer sur les différents territoires merlinois pour ne pas se faire attraper par les Morganiens, le but était de rejoindre leur Clan, mais par le chemin le moins évident possible. Elena n’approuvait pas ce plan. Elle préférait faire le plus vite possible, passée par les portails, se téléporter, mais rien qui leur ferait perdre du temps. Si Lara la voulait, le premier endroit où elle viendrait chercher serait quoiqu’il arrive le Clan de Magnus. Elle ne voulait pas rentrer et mettre son Clan en danger, mais c’était un ordre de Magnus, elle n’avait pas d’autres choix. Elle rejoignit donc Sephiro, la mine sombre. Il pressa son épaule.
— Je sais que tu aurais préféré que cela se passe autrement, mais nous n’avons pas le choix. C’est le plus sûr.
— Tu connais mon avis là-dessus, il serait plus sûr de ne pas mettre tout le Clan en danger, que de rentrer à la maison.
— Fais-nous confiance, s’il te plait.
Elena n’ajouta rien, Brivael les rejoignant au même moment. Ces cinq jours semblaient l’avoir encore vieilli, nombre des siens étaient finalement décédés des suites de leurs blessures.
— Que les Dieux vous protègent et guident vos pas, dit-il en prenant les mains d’Elena.
— Que les Dieux vous gardent et permettent à votre Clan de se remettre Brivael, merci du fond du cœur de nous avoir aidés.
Le vieil homme fatigué, hocha la tête et les regarda s’éloigner avant de barricader à nouveau la porte d’entrée de son village. Maintenant Elena, Sephiro et leurs trois guerriers étaient seuls.
La première partie du voyage jusqu’au premier portail fut plutôt sans encombre. Ainsi que les premières nuits. Ils faisaient parfois des haltes dans différentes tribus merlinoises, qui les accueillaient alors comme des invités de marque. La rumeur s’était vite répandue : la fille de Merlin et Morgane voyageait jusqu’à son Clan. Ils étaient souvent attendus et malgré la période troublée que certains Clans passaient, mais surtout l’hiver qui battait son plein, tous faisaient une fête en leur honneur. Elena se sentait mal à l’aise d’être ainsi le centre de l’attention, elle n’aimait pas du tout cela. D’autant plus que bien souvent, on refusait qu’elle mette la main à la pâte dans les préparatifs. Elle passait donc de longs moments à s’entrainer seule, ou avec Sephiro, perfectionnant son entrainement physique, et le maniement des armes. Elle avait déjà le sentiment d’être un poids pour ceux qui l’accompagnaient et la recevait. Après tout, c’était sa faute s’ils étaient obligés de fuir ainsi depuis des semaines à présent…
— À quoi penses-tu ? lui demanda Sephiro alors qu’ils se dirigeaient vers la chambre qu’ils occupaient.
— À la suite de notre voyage… Nous sommes chanceux pour l’instant, mais cela me gène que nous entamions autant les réserves des tribus qui nous accueillent…
— Je comprends, mais cela leur fait plaisir de nous accueillir ainsi, tu le sais n’est-ce pas ?
— Oui, mais cela me gêne quand même, j’aurais préféré que personnes n’apprennent qui je suis…
Sephiro attira Elena contre lui, et embrassa tendrement sa tempe.
— Tu crois vraiment que la fille des célèbres Merlin et Morgane serait passée inaperçue maintenant qu’elle se souvient qui elle est ?
Elena se mordilla la lèvre, évidement que non, il avait raison. Elle soupira, disant qu’elle préfèrerait être traitée comme tout le monde plutôt que de cette façon.
— Profites en, c’est la dernière tribu que nous croisons avant un moment, les prochains ne seront que dans plusieurs semaines nous allons traverser des territoires inhabités depuis des siècles.
Étrangement, cette nouvelle soulagea Elena. Elle hocha la tête, savoir que c’était le dernier village qu’ils dérangeaient ainsi avant plusieurs semaines ôta un poids de ses épaules. Elle se dirigea d’un air plus serein vers leur chambre, prête à accepter la fête que la tribu préparait pour eux. Mais surtout à en profiter. Ils passèrent quelques jours à terminer leur préparatif pour le voyage à venir avant de finalement prendre congés et de partir. Loin de se douter ce qui se tramait à quelques lieux de là...
***
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