Chapitre 4
J’entendis le vrombissement d’un train lorsque je sortis du monde des rêves. J’ouvris les yeux, me croyant dans une gare, avant de comprendre que j’étais sur le train. Je me trouvais sur le toit d’un wagon, le regard droit vers le ciel.
- Qu’est-ce que… ? m’exclamai-je.
- Moins fort !
- Comment as-tu fait pour… ?
- Rien de sorcier. J’ai su exploiter tes pouvoirs à bon escient, voilà tout.
- Combien de temps ai-je dormi ?
- Vas-tu arrêter de poser des questions ?
Je me tus, en profitant pour regarder le paysage alentour. Nous traversions une immense plaine, agrémentée par quelques arbustes solitaires. Au loin, on pouvait voir une chaîne de montagnes. La Mort reprit :
- A présent, écoute-moi bien. Je n’ai pas beaucoup de connaissances sur ce qui s’est passé, mais je vais te dire tout ce que je sais. Il y a environ une demi-dizaine d’années, il y a eu un incident qui a eu une portée mondiale. Inutile de me demander lequel, je n’en sais rien. Toujours est-il qu’il y a une sorte de révolution mondiale, et le monde s’est divisé en six parties, six empires. Pour faire simple, ils sont répartis selon les continents : l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Europe, l’Afrique, l’Asie, et l’Océanie. Depuis ce fameux incident, un climat de tension règne sur Terre. Sans que ce soit officiel, deux camps se font face : l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Océanie contre les autres. Tu as atterri en Europe, et tu es donc recherché dans la moitié du monde. Dans l’autre, tu seras plus en sécurité. Tu es donc dans un train vers l’Asie. Et pour répondre à ta question, cela fait une journée que tu dors, et c’est le troisième train que je prends de manière illégale.
- Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu fais tout ça pour moi…
- Tu es trop innocent pour cela, tu comprendras tout ça un jour. Je vais en profiter pour t’expliquer d’autres choses. Tu as pu constater ces derniers jours qu’utiliser tes pouvoirs se révèle rapidement épuisant. Je peux y faire quelque chose. Plus tu tueras de personnes, plus je te prêterai de ma puissance, et plus tu pourras faire des sorts puissants.
- Un pacte avec la Mort, fis-je, dégoûté. Jamais je n’accepterai. Je ne compte d’ailleurs pas utiliser mes pouvoirs davantage.
- Nécessité fera loi, ricana la Mort. A présent, je n’interviendrai plus. Je vais sommeiller dans un coin de ta tête, jusqu’à ce que tu aies besoin de moi. A la prochaine, petit Simon. Et réfléchis à mes paroles…
- Bon débarras ! lâchai-je.
Je constatai rapidement que la présence d’un être à qui parler, aussi horrible et détestable soit-il, était toujours mieux que de se retrouver seul. Néanmoins, par pure fierté, je refusai de l’appeler juste pour parler. Je choisis donc de me coucher à nouveau pour économiser mes forces, et m’endormis aussitôt.
Le train roula encore une journée avant de finalement s’arrêter. Je pris soin de sauter quelques mètres auparavant pour ne pas me faire repérer. Je déambulai ensuite dans la ville, réussissant à voler un peu de nourriture ou d’argent ici ou là. Lorsque je passais devant une librairie, une idée me prit, et j’y entrai immédiatement. Je demandai au libraire :
- Vous n’auriez pas un livre sur l’histoire récente ? La dernière décennie.
- J’ai ce qu’il vous faut, me répondit l’homme avec un grand sourire.
Il partit quelques secondes dans les rayons, avant de revenir aussitôt, un livre à la main.
- Puis-je le consulter ici ?
- Bien sûr ! Viens, je vais t’installer dans un coin tranquille.
Etonné par tant de gentillesse, je suivis le librairie jusqu’à un fauteuil, où il m’invita à m’asseoir avant de préciser :
- Si tu as la moindre question, n’hésite pas.
Je le remerciai chaleureusement, puis je commençai ma lecture. L’incident dont avait parlé la Mort était présenté comme « le résultat de plusieurs années de tension entre les pays », mais il n’y avait néanmoins pas davantage de détails.
- Ce doit être un secret politique, pensai-je.
Par la suite, je n’appris pas grand-chose de plus que ce que la Mort m’avait raconté. Le livre détaillait les plus grandes crises des dernières années, qui avaient conduit à quelques conflits vite finis. Aujourd’hui, la situation n’avait pas beaucoup évolué. Les alliances étaient toujours tacites, non officielles. C’était plus une guerre d’influence et de compétition qu’un conflit armé. Lorsque je reposais le livre, je m’aperçus que la luminosité au dehors avait bien baissé.
Je levai mes membres raidis par l’immobilité, puis allai rendre le livre au libraire. J’en profitai pour lui demander :
- L’incident qui a provoqué tout ça… vous n’auriez pas davantage d’informations dessus ?
- Il est vrai que tu étais jeune lorsque tout ça s’est produit. Tu venais peut-être même de naître… Tu n’apprendras rien de plus précis dans les livres. Néanmoins…
L’homme s’approcha de moi et baissa la voix :
- Il se dit que l’Amérique du Nord aurait trouvé une arme surpuissante, encore plus que les bombes à hydrogène. De là est tout parti. Les pays se sont coalisés, les empires ont été créés, afin de pouvoir lutter si jamais cet arme était mise en marche. Je ne peux pas t’affirmer la véracité de cette rumeur, mais c’est ce qu’il y a de plus probable. On ne sait jamais de quoi la vermine est capable…
- L’Amérique du Nord doit penser exactement la même chose de vous, pensai-je.
Je le remerciai cependant à nouveau, puis sortis dans la rue. Celle-ci était agitée, on voyait un étrange spectacle où se mêlaient voitures, carrosses et passants.
- Qu’avait dit la Mort ? Un endroit calme où me ressourcer… Je crois bien que pour une fois, elle avait raison. Je vais pouvoir enfin être en sécurité…
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